Baden Powell, le maître de l’aventure

01 Janvier 1900 | par

Le 29 juillet 1907, le fameux général Baden-Powell s’installait sur une île du Dorset ( S.-O. de l’Angleterre) avec une vingtaine de jeunes garçons pour son premier camp scout. Une tentative d’adapter à la jeunesse d’Angleterre les idées et les conseils qu’il avait donnés pendant plus de trente ans aux jeunes recrues de l’armée britannique, sur les champs de bataille de l’Empire. Ce nouvel exercice était, en 1907, une téméraire innovation.

Dans la petite île boisée de Brownsea, écrit Robert Bastin (1), les tentes blanches ouvrirent leurs ailes. Les garçons regardaient avec admiration cet homme célèbre qui allait leur consacrer dix jours. Il était coiffé d’un feutre mou sur lequel brillait l’insigne de bronze avec la devise Sois prêt du corps de police sud-africaine.

Les enfants furent divisés en groupes de cinq – taureaux, loups, courlis, corbeaux – et leur chef leur expliqua qu’ils étaient désormais membres d’une patrouille à laquelle il faisait confiance et que leur honneur était en jeu.

 

Un aventurier en culotte courte

Robert Stephenson (son parrain est le fils du père de la locomotive !) Smyth Baden-Powell est né le 22 février 1857. Son père, pasteur et professeur à Oxford, meurt prématurément lorsque Robert a trois ans. Sa mère reste veuve avec sept enfants dont l’aîné, Warington, a tout juste treize ans et le plus jeune un mois.

Toute la vie de Baden-Powell sera influencée par l’éducation qu’il reçoit de sa mère qu’il adorait : c’est elle qui lui donne le goût de l’observation de la nature et de la vie en plein air. Car Madame Powell, écrit Jean Mauduit (2), professe que seules ont du prix les choses qu’on a su mériter. Elle affirme que tout en ce monde est amour, que le travail même est une sorte de tendresse, qu’il faut savoir apprivoiser les objets et les êtres et que l’on n’y parvient qu’en se donnant à eux avec générosité. C’est l’Emile de Rousseau, revu et corrigé par une femme de pasteur qui est aussi fille d’amiral.

Peut-être le scoutisme ne sera-t-il pour Robert Baden-Powell qu’une tentative de recréer cette enfance merveilleuse afin d’y faire pénétrer à leur tour tous les enfants du monde...

A treize ans, nous le retrouvons au collège de Charterhouse. Robert est un enfant intelligent, précoce, joyeux et blagueur, plus curieux, plus vivant et plus inventif que les autres enfants de son âge, mais ses résultats scolaires laissent à désirer, sauf en sports où il excelle. A Charterhouse, écrit Mauduit, Robert respire. Au-delà des murs du collège s’étend le Copse, une longue bande de taillis couvrant une colline escarpée. C’est là que le jeune garçon, dès qu’il peut tromper la vigilance des surveillants, vient prendre de passionnantes leçons d’histoire naturelle. Il observe de près les oiseaux, les souris, les insectes, également les lapins et les lièvres qu’il n’hésite pas à attaquer chaque fois qu’il le peut, à dépouiller, à faire cuire et à manger de bon appétit.

On l’encourage, certes, à terminer ses études, mais sans lui mettre la bride sur le cou et cette réaction n’étonne guère lorsqu’on connaît l’importance capitale accordée au sport et aux exercices physiques dans le système d’éducation anglais. Le vaste Empire britannique a besoin de ce type de recrue...

 

Une carrière militaire sans failles

En octobre 1876, le jeune Baden-Powell, âgé de 21 ans, passe un examen d’entrée à l’armée, est reçu brillamment comme sous-lieutenant et embarque pour les Indes.

Commence alors une formidable carrière dans l’armée et les services d’espionnage de la reine Victoria : officier de cavalerie aux Indes et en Afghanistan, éclaireur et chasseur en Afrique du Sud, espion en Angleterre, en Russie, dans les Balkans et les Dardanelles, vainqueur des Zoulous, missions en Turquie, Grèce, Italie, Afrique du Nord, Irlande, dresseur de chevaux et champion de polo, Robert fut plus que tout autre, le maître de l’aventure .

A l’armée, le goût que Baden-Powell a toujours manifesté pour la nature et son observation vont l’aider à enrichir l’art militaire d’une technique toute nouvelle à l’époque, celle de l’éclaireur. La science de l’éclaireur ? C’est tout simplement celle qui consiste pendant une campagne, et notamment avant une bataille, à obtenir le maximum de renseignements sur l’ennemi, sur l’importance et la nature de ses effectifs, les positions qu’il occupe, les mouvements qu’il prépare...

En 1884 et 1885, le jeune officier écrit et publie deux ouvrages: Manuel pour l’instruction de la cavalerie et Reconnaissance et Scouting, où il expose ses théories : acquérir une connaissance minutieuse du terrain, se familiariser avec les moindres replis du sol, repérer les nids à embuscades, les défilés où la mort guette, les fossés qui peuvent briser l’élan d’une charge de cavalerie et les raccourcis qui décident du sort d’un combat. Ensuite, être capable d’approcher l’ennemi sans se faire repérer et de voir sans être vu. Enfin, découvrir et interpréter les traces que l’homme laisse de son passage ou de sa présence : de l’herbe froissée, une brindille brisée, le silence des oiseaux... Baden-Powell a toujours été fier de son métier de soldat et il lui attribue de puissantes vertus éducatives : Comment est-ce possible? lui demanda-t-on par la suite. N’avez-vous pas honte de vanter un état qui n’est rien d’autre que l’apprentissage du meurtre en série ! Il répondait, en citant Lord Allenby : Ce ne sont pas les soldats qui font la guerre, ce sont les politiciens ; les soldats, eux, mettent fin à la guerre.

 

La naissance du mouvement scout

En 1903, Baden-Powell est nommé inspecteur général de cavalerie pour la Grande-Bretagne et l’Irlande ; promotion flatteuse, certes, mais l’aventurier est triste de quitter l’Afrique où il vient de passer 18 ans.

Sa nouvelle tâche lui apparaît vite ingrate car il doit s’accommoder de routines, de mesures tracassières et de lenteurs administratives, lui qui a passé sa vie entière dans les camps et sur le terrain. Je n’étais pas fait pour être général, avoua-t-il. J’aimais être un officier de régiment en contact permanent avec les soldats et la nature. En 1907, après une carrière sans faille, il quitte l’armée, bardé de médailles, de décorations et de cicatrices.

Son départ de l’armée ne le laisse pas inactif. Il a une idée derrière la tête. Lorsque son régiment était basé à Meerut, dans les Indes, il avait à l’époque rédigé un livre rassemblant ses expériences et conseils, qu’il avait intitulé Aids to Scouting. Cet ouvrage, publié en Angleterre en 1899, avait obtenu un succès foudroyant non seulement auprès du public qu’il visait, c’est-à-dire l’armée, ainsi qu’auprès d’états-majors étrangers, au point d’amener ceux-ci à réviser leurs conceptions en matière de préparation militaire ; mais surtout, ce livre dépassa largement son audience traditionnellement militaire puisqu’il toucha également les éducateurs de la jeunesse. Cela surprit Baden-Powell et éveilla en lui toute une série d’idées. Maintenant qu’il avait du temps libre, n’était-ce pas le moment de les réaliser ? Pourquoi ne pas remanier ce livre et l’adapter à l’usage des petits Anglais ?

La nouvelle adaptation de Aids to Scouting, Scouting for boys, parue en 1908, traduite partout dans le monde et aujourd’hui encore la bible des scouts, est adoptée avec enthousiasme par les organisations pour la jeunesse existantes. C’est par centaines de milliers que les jeunes répondent à l’appel du général Baden-Powell. Si bien qu’il faut créer un bureau pour organiser ce mouvement spontané que l’on baptise tout naturellement mouvement Eclaireur pour les garçons, et Guide pour les filles.

Cette rencontre entre pédagogie militaire et pédagogie tout court est donc à l’origine du mouvement scout: Le scoutisme, disait Baden-Powell, a pour ambition de préparer l’enfant aux tâches de l’homme et de faire en sorte que l’homme n’ait jamais à renier son enfance.

Mais le réalisme de Baden-Powell veut une expérience. Il la prépare longuement. En juillet 1907, vingt garçons dressent leurs tentes dans l’île de Brownsea... Après avoir marché pendant trente ans au son du canon, écrit Mauduit, à l’heure où il aurait dû devenir un très grand chef de guerre, après avoir franchi tous les échelons de la hiérarchie militaire, Baden-Powell se détourna de la finale pour ne commander plus qu’à des soldats bien pacifiques, en culotte courte.

Il consacrera le reste de sa vie (il meurt en 1941) à l’éducation des enfants, de toutes races et de tous milieux.

Juliette Savary

(1) Baden-Powell, le maître de l’Aventure, par Robert Bastin. Marabout Junior.

(2) Baden-Powell, par Jean Mauduit. Editions de la Table Ronde.

 

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Le scoutisme aujourd’hui

Il y a aujourd’hui dans le monde plus de 25 millions de scouts, garçons, filles, jeunes et adultes, dans 217 pays dont, en France : 111 314

Belgique : 90 606
Suisse : 32 909
Canada : 270 402

- 144 pays appartiennent à l’Organisation Mondiale du Mouvement Scout (OMMS).

- 28 territoires sont des branches d’Outre-mer des majeures organisations scoutes.

- 42 pays ont des organisations scoutes qui ne sont pas membres de l’OMMS.

- Il n’y a que 6 pays où le scoutisme n’existe pas (ou n’est pas autorisé) : Andorre, République populaire de Chine, Cuba, Corée du Nord, Laos, Birmanie.

Updated on 06 Octobre 2016