Comment faire aimer la messe aux enfants ?

« Les pleurs des enfants sont la voix de Dieu : ne les faites pas sortir de l’église ! ». Le sourcil levé, le pape François se veut rassurant devant ces familles qu’il est allé rencontrer un dimanche, dans une paroisse du nord-ouest de Rome. Comme souvent, le pape argentin a pu échanger avec les familles, se prêtant au jeu des questions-réponses. Cet après-midi, les conversations ont porté sur des choses très concrètes de la vie quotidienne et de la vie paroissiale, à savoir comment « tenir » ses petits lors de la messe. Une question que de nombreux parents se posent quand il faut poursuivre le petit dernier qui remonte la nef en courant ou sortir précipitamment pour qu’un caprice ne gêne pas les autres fidèles lors de l’homélie. Devant les familles romaines, le Pape continue : « Les enfants pleurent, font du bruit, vont de-ci, de-là. Mais pourquoi se donner tant de mal quand un enfant pleure dans l’église et que l’on dit qu’il faut le faire sortir ? ». Pour le Pape, l’affaire est entendue, le « bruit » des petits est aussi la voix de Dieu.

Fixer l’attention sans pour autant perturber le cours de la célébration, tel est l’un des principaux défis pour faire aimer la messe à un enfant. « Il peut y avoir des astuces à trouver pour vivre ce moment avec des petits sans trop perturber le recueillement des autres paroissiens », explique Yolande Besida, auteur du livre Découvrons la parole, un recueil de fiches d’animation pendant l’Évangile pour les 3 à 7 ans. Parmi ces astuces, une chose s’est largement répandue dans les diocèses : une liturgie de la parole adaptée aux plus jeunes. Pendant l’Évangile et l’homélie, les enfants se retrouvent dans la sacristie ou une salle paroissiale et écoutent les textes du jour, et des animateurs ou catéchistes viennent échanger avec eux, par un jeu de questions-réponses, souvent complété par des activités ludiques comme des dessins.

La Parole se fait concrète pour ces plus jeunes dont le questionnement et la soif de connaître sont toujours une surprise pour les adultes. « Dieu vient à la rencontre de tous, y compris les plus jeunes », souligne Yolande Besida dont le livre a inspiré le blog « les petits à la messe », créé en 2011 par deux mamans paroissiennes de Haute-Savoie. Dans l’évangile de saint Matthieu, Jésus ne demande-t-il pas de laisser les enfants venir à lui ? Ils sont en effet une porte vers le Royaume. Dans la mise en place de l’initiation de l’Évangile aux petits, Yolande comme d’autres parents ont connu des tâtonnements, parfois des difficultés au point même de laisser pointer le découragement. Mais la soif spirituelle des petits a souvent raison des découragements.

« Une séance avec les petits aux yeux brillants à chanter Alléluia était comme un appel à poursuivre », poursuit Yolande Besida.

Les enfants ont toute leur place à l’Eucharistie

« L’assemblée du dimanche est celle du Royaume de Dieu, rappelle le père Christian Salenson, prêtre du diocèse de Nîmes, directeur de l’Institut de science et de théologie des religions à Marseille. N’oublions jamais que les enfants, tout comme les prostituées, nous y précèdent ».  Le père Salenson est sévère envers ceux qui réprimanderaient les enfants trop turbulents lors de l’Eucharistie, ou jetteraient des regards noirs à leurs parents. Attention, souligne le prêtre, à ne pas cultiver une « vision aseptisée » de la messe, et il rappelle que c’est à la messe que nous pouvons garder le sens du peuple, d’une Église en communion et rassemblée dans ses diverses générations.

Hors du dimanche en paroisse, certains n’ont pas hésité à trouver des idées originales pour faire aimer la messe aux plus petits. Ou faire en sorte, du moins, qu’ils ne décrochent pas. C’est le cas dans l’Ain, dans le sud-est de la France, où des cheftaines de louveteaux ont imaginé une « bibliothèque de messe » transportable. Le principe est très simple : à la liste d’affaire à emporter pour les week-ends de meute, outre la lampe de poche et le duvet, chacun doit apporter un livre, tiré d’une bibliographie soigneusement préparée. Alimentée durant l’année par les parents, cette bibliothèque a permis aux louveteaux, âgés de 8 à 12 ans de répondre (en partie) à leurs questions. L’ouvrage le plus emprunté ? Parle-moi de la messe, un livre devenu un classique publié aux éditions de l’Emmanuel. L’ouvrage répond à des questions aussi simples que « pourquoi les habits du prêtre changent de couleur ? », « pourquoi met-on parfois de la fumée ? » et surtout « pourquoi c’est trop long la messe ? » Il a été dévoré par la meute.

Cultiver la liberté

Au-delà des questions pratiques et des trouvailles pour inviter l’enfant à participer à la messe, l’essentiel reste de comprendre la vie spirituelle des enfants. « Il faut généralement de la patience pour entrer dans un univers parfois déroutant, et établir une sorte de complicité avec ces enfants et ces jeunes », note Mgr Herbreteau, évêque d’Agen et membre du Conseil pour la Pastorale des enfants et des jeunes au sein de l’Église en France. Cela implique d’être attentif à leur soif de grandir, à leur curiosité intellectuelle. « Il faut prendre au sérieux leur désir d’aimer et d’être aimé, accompagner leur découverte de Dieu », explique-t-il.

Cela vaut aussi quelques années plus tard, pour les adolescents, comme le résume le frère salésien Olivier Robin. Pour lui, ce n’est pas en imposant à un jeune d’aller à la messe qu’on lui en fera découvrir la beauté et la fécondité : « Face au jeune qui ne veut plus mettre les pieds à la messe, nous devrions, paradoxalement, nous réjouir : le voici donc désormais capable de liberté ! C’est notre liberté et notre amour de la messe par goût de la liberté qui feront office de témoignage. Et c’est une manière de parler à nos jeunes qui portera peut-être le plus de fruits. » Parole d’éducateur.