Evry, la cathédrale de la Résurrection

01 Janvier 1900 | par

A Ville Nouvelle, nouvelle cathédrale: à Evry, chef-lieu de l’Essonne,

la cathédrale de la Résurrection, inaugurée à Pâques 1996, consacrée en 1997, allie art sacré et architecture du XXIe siècle.

 

En 1964, lors de la réorganisation de la région parisienne, est créé le département de l’Essonne. Il couvre une partie de l’ancienne et vaste Seine-et-Oise qui encerclait de tous côtés le département de la Seine dont nous évoquions récemment l’accroissement de population survenu depuis le début du siècle et les efforts réalisés par les bâtisseurs pour donner des lieux de culte aux quartiers qui en étaient démunis. Ce nouveau département de l’Essonne, limité par le Val-de-Marne, les Hauts-de-Seine, les Yvelines, l’Eure-et-Loire, le Loiret et la Seine-et-Marne, donc très étendu, reçoit pour préfecture une ville, petite alors et située tout à son Nord-Est: Evry. Certains se souviennent d’Evry-Petit-Bourg, ce chef-lieu de canton crédité par le guide Michelin, en 1900, de... 1 130 habitants. En 1974, devenu préfecture, Evry en comptait 7 287. Sa population a, aujourd’hui, dépassé 45 000 habitants, et l’agglomération qu’elle forme avec les communes voisines de Bondoufle, Courcouronnes et Lisses, regroupe plus de 80 000 personnes.

 

Nouveaux diocèses et Villes Nouvelles

Deux ans après la réorganisation de la région parisienne, les nouveaux diocèses voient le jour. Pour celui de l’Essonne comme pour les autres, il correspond aux limites du département. Ici, comme ailleurs, au départ, pas de cathédrale. Une église de Corbeil, Saint-Spire, devient cathédrale. Mgr Malbois en est le premier évêque. Mgr Guy Herbulot lui succède en 1978. En 1984, il quitte Saint-Germain-lès-Corbeil, où était implanté l’évêché, pour Evry...

Evry, en quelques années, a pris un tout autre visage, une toute autre dimension. Elle est une des Villes Nouvelles qui se sont développées en Ile-de-France au cours des années 70. Elle est celle du sud de Paris, à l’instar de celles de Cergy-Pontoise au Nord-Ouest, de Saint-Quentin en Yvelines, au Sud-Ouest, de Melun-Sénart au Sud-Est et de Marne-la-Vallée au Sud.

L’absence de toute église au centre d’une agglomération de 80 000 habitants décide Mgr Herbulot à construire une cathédrale pour le diocèse. Il présente son projet au cours d’une conférence de presse en décembre 1988 et, en février 1990, lance la première campagne de communication : Qui peut bâtir une cathédrale ? Vous ! Le 3 mai 1990, recevant Mgr Herbulot, Jean-Paul II apporte sa bénédiction au projet d’édification de la cathédrale d’Evry.

Mgr Herbulot se souvient : A l’annonce du projet, nous avons rencontré un certain scepticisme, voire un léger sourire. Beaucoup n’y croyaient pas ! De nos jours, construire une cathédrale... vous n’y pensez pas ! Et si, nous y pensions. Nous avions même la certitude que du projet nous passerions rapidement à l’édification de la cathédrale d’Evry, Ville Nouvelle, la plus grande parmi les Villes Nouvelles, ces cités dont on déplorait trop souvent, dont on déplore encore parfois, le manque d’âme.

Le 31 mars 1991, dimanche de Pâques, avait lieu la bénédiction de la première pierre de la cathédrale. Les travaux commençaient le 1er juillet 1992 ; la pose des briques, en juin 1993. Le baptême des cloches se déroulait le 2 octobre 1993. Quelques jours plus tard, Mgr Herbulot écrivait à celles et ceux qui pouvaient aider à la réalisation totale du projet : Personne n’en revient ! En moins de trois ans, un courant populaire est né. Des hommes et des femmes, des jeunes de bonne volonté ont cru pouvoir défier le temps, construire avec leur don, avec leur prière une cathédrale en cette fin du XXe siècle. Des dizaines et des dizaines de milliers de personnes ont ainsi proclamé haut et fort une foi bien vivante... Cette cathédrale sera la seule du XXe siècle en France. Elle sera la dernière construite dans le monde avant le troisième millénaire. Elle est, dès maintenant, le témoignage de la vitalité catholique dans notre pays. Un témoignage qui s’exprime par de réels actes de foi.

 

La cathédrale dans la cité

Mgr Herbulot demandait à chaque donateur de joindre une prière à sa participation. Ces prières sont arrivées par milliers. Elles ont été scellées au plus profond de la cathédrale le 21 septembre 1994. La pose des cloches avait lieu le 28 septembre 1994 et, le 11 avril 1995, une messe chrismale était célébrée en la cathédrale. Mgr Herbulot écrivait alors dans Chrétiens en Essonne : La cathédrale n’est pas dressée seule et loin d’autres bâtiments publics pour affirmer un quelconque pouvoir, mais il est hautement symbolique qu’elle prenne sa pleine signification au bordure de la place des Droits de l’Homme, avec la Mairie, l’Université, la Chambre de Commerce : notre Eglise est dans le monde et pour le monde. Nous croyons que la faim des hommes et des femmes d’aujourd’hui, comme de tous les temps, est aussi une faim spirituelle. Toute action politique, économique, culturelle qui n’a pas de fondement spirituel est vouée à l’échec.

Insérée dans la nouvelle cité où se côtoient également Ecole nationale de Musique et de Danse, gare, hôtels, boutiques diverses, monastère de la Croix où les dominicaines invitent à la prière, la cathédrale lui a donné un visage nouveau.

Cette vaste église dont l’architecture audacieuse ne manque pas de surprendre est la Cathédrale de la Résurrection. Pourquoi ce choix ? La réponse nous est donnée: La Résurrection est le centre de la foi et de l’espérance chrétienne. Jésus a été crucifié, est mort, est ressuscité. La Résurrection du Christ est le fondement du christianisme. Elle a constitué le thème majeur de la prédication des apôtres.

Mais, a-t-on ajouté : Notre cathédrale est également dédiée, comme beaucoup d’autres cathédrales, à Marie, mère de Jésus, qui tient une place essentielle dans la foi et la piété chrétienne.

La cathédrale d’Evry est enfin dédiée à un saint originaire du diocèse: saint Corbinien. Né à Arpajon, Corbinien vécut quatorze ans comme ermite avant de partir pour Rome où il avait l’intention de demander au Pape un coin dans une catacombe pour pouvoir continuer sa vie d’ermite auprès du tombeau des premiers apôtres. Le pape Grégoire II n’accéda pas à sa demande. Bien au contraire, il l’ordonna évêque et l’envoya évangéliser la Bavière où quelques habitants seulement étaient chrétiens. Après une vie mouvementée, il mourut vers 730 à Freising-Munich, dont il fut le premier évêque. Une relique du saint, provenant de celle qui se trouve dans l’église de Saint-Germain-lès-Arpajon, a été déposée dans l’autel de la cathédrale.

 

Digne, sobre et... cylindrique

Cette cathédrale, la voici. Nous la trouvons telle que nous l’avait présentée Mgr Herbulot : Elle sera belle, lumineuse, puissante, digne, sobre, riche en signes sacrés. Avec son million de briques de Toulouse, elle témoignera de la vitalité de l’architecture religieuse moderne. L’homme a besoin de faire la vérité sur sa vie, d’en trouver le sens. L’art religieux l’aide, pour sa part, à reconnaître et à accueillir dans son histoire, dans l’histoire de la cité, de la nation, le signe de l’alliance de Dieu avec les hommes.

Pour réaliser un édifice puissant et sobre, une cathédrale, il fallait un architecte de grand talent. Le choix se porta sur Mario Botta. Né en avril 1943, architecte suisse du Tessin, dans la Suisse italienne, Mario Botta a fait ses études à Venise et est installé à Lugano. De renommée internationale, il travaille beaucoup en Europe, aux Etats-Unis, au Japon. Sa notoriété dans le traitement de la brique et de la lumière, ainsi que dans la recherche de l’intériorité a été à l’origine du choix des responsables du projet.

Je me trouve confronté, écrivait Mario Botta en 1992, au thème de l’église, plus précisément au thème de la construction de l’église d’aujourd’hui... C’est un engagement qui affronte les problèmes de la vie d’aujourd’hui. C’est pour cette raison que j’ai dessiné la maison de Dieu en pensant à la maison de l’homme. La maison de Dieu n’est peut-être qu’une partie de l’habitat, du paysage, du contexte de la ville dans laquelle vit et agit l’homme... Hors de l’abstraction des traités théoriques, mais bien dans la réalité, l’église, pour l’architecte, prend forme en un lieu et un temps – le nôtre – avec lesquels elle doit se confronter. Ma réflexion cherche à rechercher les possibilités et les limites de cette condition qui est nôtre.

La réflexion, la recherche ont abouti à la réalisation de cette cathédrale de la Résurrection où se trouve désormais réuni le Peuple de Dieu. Pour lui, Peuple de Dieu, l’étonnement initial est oublié. Il se sent chez lui, ici. Sont surpris ceux qui, venus d’ailleurs, la découvrent pour la première fois, intégrée à un ensemble urbain vivant certes, mais d’un style nouveau.

La première surprise vient de la forme circulaire de l’édifice. Pourquoi ce plan ? Pourquoi cette forme ? La réponse nous est donnée :

Le mot église veut dire assemblée . C’est l’ensemble des fidèles qui forme l’Eglise. Elle se rassemble autour du Christ, son pasteur.

Le pratiquant d’aujourd’hui supporte mal le sentiment d’être éloigné, de ne pas voir, de ne pas participer. Or la forme la plus spontanée de tout rassemblement humain, c’est le cercle.

Cette forme est aussi celle des plus anciens édifices humains. Dans le monde byzantin, au Proche Orient, les édifices circulaires sont nombreux. En Europe, à l’exemple du Saint-Sépulcre, les églises des templiers furent circulaires ou octogonales; les tombeaux des martyrs, les baptistères aussi.

Le cercle est le signe de l’alliance que fait Dieu avec l’homme. La forme ronde représente donc une tradition architecturale et une symbolique religieuse. Le cercle est le signe de la perfection.

Simple cylindre taillé de biais, la cathédrale répond à la volumétrie des édifices qui sont proches. Elle ne concurrence pas les autres bâtiments. Son volume puissant, massif, tel celui d’une tour, se dresse, comme un signe de vigilance, au cœur de la ville nouvelle. Elle culmine à 34 mètres de hauteur dans sa face avant et à 17 mètres dans sa face arrière. Son emprise au sol est de 1 600 m2 et sa surface hors œuvre nette de 4 800 m2. Elle offre huit cents places assises dans la nef et de quatre à cinq cents places debout dans les galeries.

 

800 000 briques venues de Toulouse

Comme nous nous en apercevons dès sa vue, la cathédrale d’Evry est faite de briques, comme tous les autres bâtiments du quartier. Pour la seule cathédrale, il en a fallu 800 000 venues de la région de Toulouse. Elles sont, pour l’esthétique extérieure, placées en quinconce, ce qui donne un aspect de relief. Ce sont des briqueteurs suisses, italiens, serbes et croates qui ont revêtu la cathédrale. Matériau de notre époque – la preuve ! – la brique était dans la Bible un matériau très noble fait de terre, de paille et d’eau, cuit au soleil et travaillé à la main.

Pour la construction de la cathédrale, ont été également utilisés 15 000 tonnes de béton et 450 tonnes de ferraille.

Le côté le plus élevé est percé d’une ouverture circulaire dans laquelle vient s’insérer le beffroi. Cinq cloches sont logées dans le campanile et surmontées d’une croix mesurant 12 mètres. Ces cinq cloches, dont le poids va de 640 à 155 kilos, ont noms: Mario-Maria-Guiditta-Tobia-Tommaso , prénoms de la famille de Mario Botta ; Corbiniana , de Corbinien, fondateur du diocèse de Freising ; Marie , patronne du diocèse sous le vocable de Notre-Dame de Bonne-Garde ; Antoinette-Thérèse de Saint-Augustin , Antoinette étant une donatrice et Thérèse de Saint-Augustin, une carmélite du carmel de Frileuse, dans l’Essonne ; François-Michel , du nom d’un jeune prêtre du diocèse décédé il y a quelques années.

Regardons. Le sommet de l’édifice est couronné de vingt-quatre arbres. Ce sont des tilleuls argentés qui semblent défier les intempéries. Ils sont vingt-quatre comme les vingt-quatre heures d’une journée. Symbole de mort et de regénérescence, de longévité et de puissance, l’arbre marque les saisons. Il est aussi l’arbre du royaume de Dieu où tous les oiseaux viennent nicher.

Entrons dans la cathédrale. Deux portes s’offrent à nous : celle dite de cérémonie , située dans le clos, côté Ouest; l’autre située au Sud, côté accueil et qui permet de pénétrer par le niveau supérieur. Empruntons celle-ci. Nous descendrons ensuite vers le chœur. Dès notre entrée, nous sommes frappés par le volume intérieur de l’édifice – imaginez : un cylindre de 29 mètres de diamètre ! – et par la lumière qui vient d’en haut, une lumière zénithale. Pénétrant par deux verrières en arc, la lumière est modulable depuis le grand jour jusqu’à l’obscurité. Les verrières laissent apercevoir les arbres qui vont modifier la lumière suivant les saisons. Les autres sources sont discrètes. Un thème réservé au grand vitrail du chœur: la Résurrection. L’acoustique utilise des techniques de théâtre : les galeries piègent le son pour éviter les phénomènes d’échos. La tribune accueille les musiciens et les chœurs. Un orgue électronique provisoire à 102 jeux cédera la place à un orgue à tuyaux.

L’autel, en marbre de Carrare, est le centre de l’édifice. Il se situe au-dessus de la crypte, tombeau des évêques. L’ambon, pupitre de bois façonné comme les bancs de la nef, lieu de la lecture de la Parole de Dieu, est également situé dans le chœur. Le tabernacle, en mosaïque blanche, est marqué des signes des premiers chrétiens, signes que l’on trouve à Saint-Clément, à Rome. Le baptistère, également en marbre de Carrare, est proche de l’entrée de cérémonie. Le baptême peut y être pratiqué soit sur le front, soit par immersion comme dans les églises primitives et en Orient.

Un Christ en bois sculpté venu de Tanzanie et de taille humaine – 1,75 m – domine l’autel. Non loin; une statue en bois de la Vierge habillée comme les femmes du XVIIe siècle. La décoration de la cathédrale est sobre. Dans sa partie basse, se trouve la chapelle de Jour ou chapelle du Saint-Sacrement. De forme octogonale, elle peut recevoir soixante personnes. Chacun est invité à venir y prier, à s’y recueillir. L’octogone évoque les sept jours de la semaine et le premier jour de la Résurrection, huitième jour. Au sous-sol, un labyrinthe évoque ceux des anciennes cathédrales. Dans la crypte, vingt-quatre cavités sont destinées aux sépultures des vingt-quatre premiers évêques du diocèse. La lumière qui l’éclaire manifeste l’espérance de la Résurrection.

Updated on 06 Octobre 2016