Père Hervé Godin : À quoi sert la messe ?

Le père Hervé Godin, vicaire dans le diocèse de Nantes, nous apporte son éclairage sur le sens vital de la messe. Ordonné en juin 2016, ce prêtre de 34 ans est chargé de la pastorale des jeunes dans son doyenné.
15 Février 2018 | par

À quoi cela sert-il d’aller à la messe ?
À rien ! Cette question, c’est comme demander à une femme qui aime un homme, à quoi cela lui sert de passer du temps avec lui. Elle répondra qu’elle a juste envie de le voir car elle l’aime et c’est tout. Ce qui est en jeu est l’amour que nous avons pour Jésus. Si notre amour est brûlant, la question d’aller à la messe ne se pose même plus ni celle de la forme qu’elle peut prendre. On devrait courir à la messe ! Nous sommes tellement habitués à voir la messe de manière horizontale, comme une réunion entre gens qui se ressemblent, que l’on ne comprend plus que c’est Jésus qui s’offre à nous et qui nous donne sa vie !

Mais comment faire pour avoir le désir d’aimer Dieu et avoir ce cœur brûlant ?
Quelle image de Dieu nous faisons-nous ? Les personnes qui n’ont pas très envie d’aller à la messe ou les croyants non pratiquants ont une image de Dieu soit obsolète, soit voient Dieu comme un code de droit, de vertu morale, un juge terrible. Elles n’ont pas du tout envie de s’approcher de Lui, car Il leur fait peur. Or, Dieu nous a faits pour Lui, Il nous aime et veut nous faire partager Sa vie. Nous devenons homme lorsque nous vivons avec Dieu. Refuser Dieu revient par conséquent à diminuer notre humanité.

Cette notion d’obligation n’a-t-elle pas découragé beaucoup de chrétiens dans leur pratique ?
J’en reviens à l’expérience de l’amour humain. Aimer quelqu’un, ça nous oblige. On fait des choses, même contraignantes, pour l’être aimé. Et on les fait naturellement, sans même se poser la question. Si ma relation avec Dieu est une relation d’amour, il y a également des choses de l’ordre de l’obligation, comme avec tout être aimé !

Quelle étincelle pouvez-vous allumer dans le cœur de ceux qui s’ennuient à la messe ?
La question de l’ennui, c’est comme si une femme disait qu’elle s’embête avec son mari : cela ne va pas, si elle l’aime, elle est bien avec lui et n’a pas besoin de faire de l’occupationnel avec son amoureux. Commençons déjà par convertir notre propre cœur. Notre vie est un témoignage implicite. Trop souvent, nous sommes tièdes.

Comment faire pour toucher les cœurs ?
« Je suis chargée de vous le dire, je ne suis pas chargée de vous le faire croire », disait sainte Bernadette. Il faut se libérer de l’obligation de résultat, même si c’est douloureux. On nous demande de dire et de témoigner. Parfois, nous sommes tellement désemparés de voir qu’il y a peu d’assiduité à la messe que la réponse que nous trouvons est de faire de l’occupationnel. On invente des choses et on occupe les gens pour que la messe soit « moins ennuyeuse ». Par exemple, on utilise un type de musique qui se rapproche le plus possible de la musique profane pour que les gens s’y reconnaissent. On retire le silence pour ne pas faire peur. La messe est un Mystère tellement immense et douloureux que cela ne peut pas toujours être un moment de fête. Pendant la messe, nous assistons réellement au sacrifice de la croix.

« Le prêtre à l’autel, c’est toujours Jésus Christ sur la Croix », disait sainte Bernadette. Est-ce cette notion de croix et de souffrance qui gêne les non-pratiquants ?
Nous, les prêtres, sommes associés de très près au sacrifice du Christ. La contemplation de ce Mystère est source de joie mais nous fait aussi réaliser notre indignité. Le curé d’Ars disait : « Si le prêtre se comprenait, il en mourrait ». La souffrance, en soi, est absolument scandaleuse et n’est pas le but recherché. Le Christ n’est pas venu supprimer la souffrance, mais il est venu la remplir de sa présence.

Ne suffit-il pas de parler à Dieu dans son cœur, en restant chez soi ?
Parler à Dieu dans son cœur est bien ! Mais on ne vient pas à messe uniquement pour parler à Dieu ; on vient aussi pour l’entendre nous parler ! On ne peut pas être un chrétien solitaire car le baptême nous a incorporés au Christ et nous sommes des membres de son corps mystique. Quand je communie, je suis incorporé au Christ et uni à mes frères et sœurs, à ceux qui m’entourent. Ma vie personnelle a donc un impact sur la vie du corps tout entier. Cela n’a aucun sens de dire que l’on vit sa foi tout seul dans son coin car c’est refuser de faire partie du corps.

La messe est parfois juste une activité du dimanche parmi d’autres. Comment la transformer en un rendez-vous indispensable ?
Les raisons pour lesquelles on va à la messe sont toujours très horizontales. Tant qu’on n’aura pas redécouvert que Dieu nous aime, nous attend et nous désire, on ne ressentira pas la nécessité de participer à l’Eucharistie. Une vraie rencontre avec Jésus, comme Zachée, change nos cœurs. Ayant compris qu’il était aimé, Zachée se met à aimer. Nous rencontrons Jésus tous les dimanches de manière charnelle ; quand on communie, Jésus nous touche et cela devrait nous bouleverser. On devrait être chaque dimanche comme le paralytique que Jésus touche et qu’Il remet debout. Cela devrait changer nos vies !

Comment faire pour rencontrer Jésus ?
Par les moyens qu’Il nous donne : la vérité, la bonté et la beauté ! Devenons les chantres de la beauté, dans notre liturgie, dans notre vie et les choses les plus pratiques. Retrouvons cette beauté dans notre manière d’être, de nous habiller et cultivons un environnement agréable. La beauté nous saisit, nous emporte et la bonté attire ! Il faut donc nous tourner à nouveau vers ce qui est beau, bon et vrai, car c’est cela qui touche nos cœurs !

N’est-ce pas toujours la même chose à la messe ? Comment se laisser surprendre par la nouveauté ?
En écoutant vraiment la Parole de Dieu, c’est-à-dire en fermant son Magnificat, son Prions en Église. Alors, on sera peut-être touché par un mot que l’on n’avait jamais entendu ! La liturgie de la Parole, c’est Dieu qui nous parle ! L’ambon, c’est le lieu élevé, c’est le Sinaï. Dieu parle à son peuple, mais nous ne Le voyons pas. Nous sommes trop concentrés sur le lecteur et sur ses défauts.

La messe n’est-elle pas trop abstraite ?
Notre vie spirituelle ressemble au combat de Jacob avec l’ange. On combat avec lui, on est parfois blessé par lui, Jacob est blessé à la hanche, mais c’est toujours source de fécondité. Il ne faut pas fuir le combat. Si l’on a des tentations de ne pas aller à la messe, il faut au contraire y aller, il faut prendre le problème à bras le corps comme Jacob a saisi l’ange, et il faut se laisser toucher par le Seigneur. Ce sera source de vie pour nous. Ce que l’on vit dans l’Eucharistie est tellement immense que l’on se demande comment on peut passer à côté ! 

 

Updated on 15 Février 2018
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