3 septembre 2000: Jean XXIII

01 Janvier 1900 | par

A Sotto il Monte, ville natale de Jean XXIII, dans l’église située tout en haut de la colline, l’image du bon pape est éclairée de nombreuses lumières et une femme en prière nous confie : « Pour nous, ce pape, c’est un saint. L’Eglise ne tardera pas à le proclamer. »
Grande fut en effet l’émotion du monde entier lorsqu’il apprit, le soir du 3 mai 1963, la mort de Jean XXIII. Si, à l’intérieur de l’Eglise, il avait bousculé les habitudes et éveillé les critiques, au dehors, il avait recueilli une immense sympathie, autant chez les croyants que chez les non-croyants. Et l’image de l’Eglise en avait bénéficié.
Quatre expressions résument, à notre avis, les raisons de ce succès : simplicité de vie, sens de l’accueil, ouverture au monde, fermeté dans la foi.

Racines paysannes Angelo Giuseppe Roncalli est né le 25 novembre 1881, de simples paysans, pauvres, travailleurs et croyants. Comme tous les enfants de son âge, il a fréquenté l’école du village, puis il prit des leçons chez les prêtres de la paroisse, avant d’entrer au séminaire de Bergame à l’âge de 11 ans.
Angelo Roncalli n’oubliera jamais ses humbles origines et l’ambiance familiale où il puisa une foi solide et une éducation saine. Lorsque, nonce à Paris, il fut reçu pour la première fois par le Président de la République, il écrivit à ses frères avec l’humour qui le caractérisait : « Hier, dans la splendeur du Palais de l’Elysée, ma pensée est allée spontanément vers notre maison de campagne, et je voyais à tout instant notre mère surgir de quelques coins du Palais pour me dire dans son ingénuité : Sainte Vierge, où mon Angelo a-t-il échoué !… Prions pour lui. Désormais, il n’y a plus rien d’autre à faire ! Que ce monde est vide ! J’aime le railler, mais sans blesser ni faire de mal à personne ! »
Le 15 décembre 1958, quelques mois après son élection au pontificat (28 octobre 1958), il évoquera les messages de félicitations qui lui sont parvenus des chefs des nations et des ambassadeurs, mais aussi les témoignages d’espérance et d’amour « des habitants des villes et des campagnes, des ouvriers qui gagnent leur pain quotidien à la sueur de leur front, des enfants innocents, des infirmes et des malades et mêmes des prisonniers, oublieux de leurs propres épreuves et souffrances. » Et le soir du 11 octobre 1962, après l’ouverture solennelle du Concile, il adressera à la foule amassée place Saint-Pierre : « Ma personne ne vaut rien ! C’est un frère qui vous parle, un frère devenu père… Tout, paternité et fraternité… tout, absolument tout, est grâce de Dieu… »

Qualités d’âme Jean XXIII fut ainsi tout au long de sa vie et dans tous ses postes de responsabilité, à Bergame, en Bulgarie, à Istanbul, à Paris, à Venise et sur le trône pontifical : simple, dédaignant les fastes et plein d’humour.
A la base de ce détachement, il y avait une grande humilité et une totale adhésion à Dieu par qui il se laissait conduire : « Le Seigneur, disait-il, m’a fait naître de gens pauvres. C’est lui qui a pensé à tout. Quant à moi, je l’ai laissé faire… La volonté de Dieu est notre paix… » Et à Mgr Jean-Baptiste Montini (le futur pape Paul VI) qui lui faisait part de l’intention de Pie XII de le transférer de la nonciature de Paris au siège patriarcal de Venise, il répondit : « Rassurez Sa Sainteté que j’ai très peu d’estime pour moi-même. Ayant renoncé depuis longtemps à ce qui concerne ma personne, tout m’est plus facile et cela m’assure en toute circonstance une grande paix. »

Accueil et fermeté Encore aujourd’hui, ceux qui l’ont approché ou qui ont assisté à ses audiences, se souviennent de son accueil et de sa sympathie : « Cherchons ce qui unit, disait-il, et non ce qui divise. » Cette devise inspirera, par la suite, toutes les démarches entreprises par l’Eglise catholique dans ses relations avec les autres Eglises chrétiennes et avec les autres religions.
Mais une telle ouverture n’empêchait nullement une grande fermeté et un grand courage dans la recherche de la vérité et dans la fidélité à l’Eglise. « Le courage, disait-il, s’exerce chaque fois que sont en danger les intérêts supérieurs de l’âme et non pas les rivalités mesquines de classe ou le désir de satisfaction personnelle. »
Madame Maria Vingiani, catholique, qui fut à l’origine du Secrétariat pour les activités œcuméniques, à partir du dialogue avec les juifs raconte : « C’était un homme simple qui vivait en communion avec Dieu et ne laissait rien à l’extériorité, ni à l’apparence, ni au spectacle. Je suis orgueilleuse d’avoir cru aux efforts de Jules Isaac pour faire rencontrer Jésus et les juifs, Israël et les chrétiens. La réconciliation de l’Eglise avec Israël est devenue la conscience morale du Concile Vatican II. »
Un moine de l’Eglise orthodoxe de Moscou affirme : « Chez nous, le pape Jean XXIII est encore très populaire. C’est une figure qui est restée gravée dans le cœur des hommes, car il a révélé un visage inhabituel de la papauté : un visage religieux, non agressif ni politique… »
Et le théologien protestant italien, Paolo Ricca, d’ajouter : « Le Concile a été pour tous une grande surprise. Depuis la déclaration de l’infaillibilité du Pape au Concile Vatican I, un nouveau Concile semblait impossible. Aujourd’hui nous ne sommes plus considérés comme un corps étranger à l’Eglise. Ce fut un grand tournant… le début d’attitudes nouvelles, non seulement pour les protestants et pour les juifs, mais encore pour les musulmans et les autres religions. »

Les grandes intuitions Ces actes sont au nombre de trois : les encycliques Mater et Magistra (15 mai 1961) et Pacem in terris, (11 avril 1963) et la convocation d’un Concile œcuménique (25 janvier 1959).
L’Eglise, Mère et éducatrice Dans la première encyclique, il rappelle l’enseignement des papes qui l’ont précédé, pour aborder ensuite les situations d’injustices et les déséquilibres créés par le développement de l’industrie, en plein essor durant les trente glorieuses et avant les crises des années 70.
Aujourd’hui, il y ajouterait certainement : le chômage, l’exclusion, les nouvelles migrations et les graves problèmes que pose le brassage des populations et des croyances.
La paix sur la terre Face aux destructions en hommes et en matériels laissées par la Seconde Guerre mondiale, aux conflits qui l’ont suivie et aux risques que représenterait l’utilisation d’armes atomiques, il a rappelé le respect des droits et des devoirs de tout homme, le rôle des institutions internationales, en particulier de l’ONU, et la nécessité du désarmement.
Ces appels, partiellement entendus, ont suscité dans le monde entier un intérêt nouveau pour l’Eglise qui osait s’attaquer ainsi aux problèmes de survie de l’humanité.

Un Concile œcuménique L’annonce du grand événement arriva sans bruit, comme un souffle de l’Esprit, léger et lourd de promesses, dans un texte publié par l’Osservatore Romano des 26-27 janvier 1959 : « Pour répondre aux difficultés pressantes du peuple chrétien, le Souverain Pontife… a annoncé la célébration d’un Concile œcuménique pour l’Eglise universelle… qui n’a pas seulement pour but le bien spirituel du peuple chrétien, mais qui veut être également une invitation aux communautés séparées, pour la recherche de l’Unité à laquelle tant d’âmes aspirent aujourd’hui sur toutes les parties de la terre. »

Par ces simples phrases, le ton était donné. On connaît la suite et les immenses retombées d’un Pontificat qualifié, à ses débuts, de simple transition.

Jean XXIII et le Messager

Le lien du pape Jean XXIII avec saint Antoine et la basilique de Padoue est évoqué dans un article de la revue Il Santo (janvier-avril 1961) par le Père Georges Montico qui eut l’occasion de l’approcher à plusieurs reprises, à Istanbul et à Padoue. «Lorsqu’il était cardinal patriarche de Venise, raconte le Père Montico, il présida plusieurs cérémonies à la basilique. Mais auparavant, il avait visité encore plus souvent la basilique Saint-Antoine d’Istanbul, lorsqu’il était Délégué Apostolique en Bulgarie (1925-1934), et en Turquie et Grèce, avec siège à Istanbul (1934-1944). A Istanbul, notamment, le 13 juin 1940, au moment où les armées allemandes entraient dans Paris, il demanda à saint Antoine de préserver la ville de la guerre et des bombardements et émit le vœu d’offrir, en remerciement, un don aux pauvres et une statue en argent à saint Antoine.»
«La dévotion à saint Antoine, disait-il, doit être vivifiante. Elle ne doit pas se limiter à des actes extérieurs de culte, mais conduire à Jésus, au tabernacle, à la profession de la vie chrétienne authentique, dans toutes les circonstances de la vie, chez soi et au dehors.»

 

Points de repère biographiques

25 novembre 1881: Naissance de Angelo Giuseppe Roncalli, à Sotto il Monte, province de Bergame.
1892: Il entre au petit séminaire et, après des études à Bergame et à Rome, il est ordonné prêtre le 10 août 1904.
1905: Secrétaire de son évêque et professeur d’histoire de l’Eglise au séminaire diocésain.
1915-1918: Expérience de trois années de guerre.
1921: Le pape Benoît XV le nomme à la Sacrée Congrégation de la propagation de la Foi et sensibilise clergé et fidèles d’Italie à l’idéal missionnaire.
1925: Il est envoyé par le pape Pie XI comme Visiteur Apostolique en Bulgarie où il entre en contact avec les autres confessions chrétiennes.
1934-1944: Délégué Apostolique à Istanbul et Athènes. Le drame de la Grèce lui donne l’occasion de montrer son courage et sa fermeté.
1944-1953: Nonce Apostolique à Paris, où il fait preuve de diplomatie et de grande sensibilité pastorale.
1953-28 octobre 1958: Patriarche de Venise.
28 octobre 1958: Election au pontificat.
11 octobre-7 décembre 1962: Première session du Concile.
3 juin 1963: Il meurt, après plusieurs jours d’agonie, à l’âge de 82 ans.

Guérison de Sœur Caterina Capitani

Le miracle qui a ouvert la voie à la béatification de Jean XXIII a eu lieu le 25 mai 1966, en faveur d’une religieuse italienne, Sœur Caterina Capitani, des Filles de la Charité, atteinte d’ulcères graves à la rate et au pancréas.
«Depuis ce jour, conclut-elle, je n’ai plus souffert de rien. Trente-quatre ans ont passé. Je me porte très bien et travaille avec enthousiasme.»

Updated on 06 Octobre 2016