Albert, cardinal Vanhoye

14 Avril 2006 | par

Rencontre avec le père jésuite Albert Vanhoye, créé cardinal au mois de mars. Il a consacré sa vie à la lecture de la Bible. Loin des salons de la Curie, le cardinal Vanhoye est un personnage atypique à Rome : un sage qui a refusé de devenir évêque, que l’on consulte au quotidien. Entretien.

Vous exercez votre charge à l’Institut biblique pontifical depuis 40 ans. Que vous apporte ce nouveau statut de cardinal ?
C’est d’abord une dignité, une récompense pour un ecclésiastique qui a consacré sa vie au service de l’Eglise. Mais c’est surtout une responsabilité par laquelle je suis appelé à porter les préoccupations de l’Eglise avec le Saint Père. Jusqu’à présent je rendais déjà service à la secrétairerie d’Etat qui me chargeait de faire des observations sur les textes officiels publiés par le Vatican, sur les questions bibliques. Un travail de consultant. Ce statut de cardinal me rend plus visible à Rome mais ne me donne aucun pouvoir de décision. C’est un rôle d’union. Par contre, il est vrai que depuis que je suis cardinal, il me vient de nouvelles demandes : présider des messes ou assister à des commémorations par exemple.

Vous avez été professeur d’exégèse et de théologie biblique. Est-ce pour cela que le Pape vous a choisi ?
On me dit souvent qu’en me créant cardinal, Benoît XVI a décidé d’encourager les biblistes et exégètes. Le cardinal Martini m’a indiqué que j’étais le premier cardinal créé par ma spécialité d’exégète. L’exégèse permet de préciser le sens des textes religieux, de la Bible notamment, en se nourrissant de la linguistique et de l’histoire ou encore de l’architecture, pour comprendre ce qu’a voulu dire l’auteur dans la mentalité de son temps. On étudie le sens des mots, la composition des écrits et la construction des phrases. Benoît XVI est très attaché à ce travail sur le texte. Le choix du Pape est significatif. Il ne faut pas oublier qu’il est un très grand théologien.

Vous travaillez et résidez à l’Institut biblique. Comment êtes-vous arrivé à Rome ?
J’ai débuté comme professeur à Chantilly. Et puis une charge s’est libérée à Rome à l’Institut biblique. C’était en 1963 sous le pontificat de Jean XXIII. Avant de devenir recteur de l’Institut en 1984, j’ai notamment été professeur d’exégèse et de théologie biblique. J’ai également exercé la charge de secrétaire de la Commission biblique.
Aujourd’hui professeur émérite d’exégèse néo-testamentaire, je dirige la collection Analecta Biblica. Depuis plus de 40 ans, je suis donc à l’écoute du message du Christ et de ses apôtres, source de vie.

On célèbre le premier anniversaire du pontificat de Benoît XVI. Qu’est-ce qui a changé depuis un an ?
Benoît XVI a un tempérament moins médiatique que son prédécesseur, ce qui change pas mal de choses au Vatican. Les interventions du pape Benoît sont discrètes et profondes, mais n’ont pas de retentissement direct, à l’image de la veillée et de l’homélie à Marienfeld, lors des dernières JMJ de Cologne. On a découvert la signature d’un pape qui d’ailleurs ne cherche pas à imiter Jean-Paul II. Il donne ses impulsions avec son propre charisme. Humble mais confiant, Benoît XVI a son propre style.

Qu’est ce qui vous a le plus marqué lors de cette première année du nouveau pontificat ?
Les JMJ de Cologne et la première encyclique de Benoît XVI, Deus Caritas est (NDRL : Dieu est amour). 
Les JMJ, car le Pape a fait plusieurs interventions remarquables, notamment sur les bords du Rhin lorsqu’il a remercié les jeunes non-baptisés d’avoir répondu à l’appel de Jean-Paul II. Je crois qu’il a communiqué son dynamisme aux jeunes pour suivre le Christ.
Et puis évidemment sa première encyclique, un texte dédié à l’Amour. Benoît XVI est un intellectuel, bien entendu mais aussi quelqu’un de très affectif. A l’image de sa devise : « co-opérateur de la vérité » qui donne une orientation de fidélité. Contrairement à l’image que les médias lui ont donnée au début de son pontificat, Benoît XVI est un homme très affable qui fait attention aux personnes. C’est un allemand qui n’a rien à voir avec un prussien (rires). Il n’a rien de rigide.

Où en est la réforme de la Curie initiée par Benoît XVI qui consacre beaucoup d’énergie à la refonte de l’Eglise ? Quel bilan faites-vous de son action après une année de pontificat?
Le Pape a en effet commencé à réformer la Curie, avec certaines mesures qui permettent de simplifier et d’alléger le fonctionnement de l’appareil de gouvernement de l’Eglise.
Par exemple, un seul cardinal a pris la tête de deux départements : celui des affaires culturelles et des questions concernant le dialogue avec les autres religions. Il s’agit du cardinal Poupard, un cardinal français.

Le cardinal Poupard est l’un des quatre cardinaux français en poste à Rome. Y a-t-il une marque française au Vatican ?
Bien sûr, chacun garde sa langue et son identité culturelle, mais les cardinaux français ne se rencontrent pas souvent. Au Vatican, les cardinaux ne sont pas cloisonnés selon leur nationalité, chacun garde sa propre personnalité et puis la mission d’un cardinal est tournée vers l’Eglise universelle.

Questionnaire de saint Antoine
- Qu’évoque pour vous saint Antoine de Padoue ?
- J’ai l’image d’un prédicateur plein de zèle, attentif aux besoins des gens, un saint populaire car rempli de Dieu et ouvert à tous les désirs et besoins des autres. Moi-même je l’invoque avec simplicité et confiance, pour les objets perdus (rires), sans hésitation…


- Connaissez-vous la ville du saint ?
- Je suis arrivé une fois à Padoue, par hasard, le jour de la fête de saint Antoine. J’ai vu la ferveur des gens très attachés à leur saint. Ça m’a frappé. Ça m’a fait plaisir.


- A quels moments vous sentez-vous le plus proche de Dieu ?
Dans l’eucharistie, Dieu se donne à moi. C’est le moment du plus grand amour. Il n’y a pas de contact plus profond. Je me sens également très uni au Christ quand je peux rendre service à ceux qui ont besoin de mon accueil.


- Où trouvez–vous votre force ?
- Dans la Parole de Dieu et l’eucharistie.


- Comment priez-vous ?
- Avec le bréviaire, sur les textes de l’Ecriture et puis spontanément en me présentant au Seigneur en toute humilité.

- Quel événement vous a rendu le plus heureux cette année ?
- Mes proches ont exprimé leur joie de me voir créé cardinal. C’est cette joie qui m’a procurée un très grand bonheur.

Updated on 06 Octobre 2016