Antoine, un acte, vingt scènes

01 Janvier 1900 | par

Il fallait un auteur expérimenté en drames religieux de la stature de Paolo Pivetti, l’imagination du metteur en scène Franco Palmieri et une équipe de comédiens comme la Compagnie du Théâtre de l’Arca/Elsinor de Florence, pour évoquer de manière si forte et profonde la figure de saint Antoine. Une véritable réussite si, le soir du 1er juin dernier, à l’issue de la première représentation dans le cloître de la Basilique, un spectateur a pu lancer: «Voilà une manière bien originale et moderne de faire connaître saint Antoine et de transmettre son message».
L’intensité des drames intérieurs vécus par Fernand, puis Antoine, est rendue par le jeu des personnages, hauts en couleurs, les costumes, cendre et ocre, les sonorités d’autres temps et la profondeur des sentiments, tantôt tendres, tantôt violents; tantôt tragiques, tantôt sereins. Et tous les personnages, adjuvants ou opposants, contribueront à sa construction spirituelle, avec un crescendo qui va des crises de sa première jeunesse à la sérénité de sa mort, en passant par les étapes intermédiaires : la vocation religieuse, le choix de la pauvreté franciscaine, la mission au Maroc, le silence des ermitages, la lutte contre l’hérésie, le face-à-face avec les puissants et le succès auprès des foules.

Personnages et action Un narrateur retrace ces étapes, tantôt en déclamant, tantôt en lisant sur un vieux manuscrit hissé sur un lutrin. A Lisbonne, Maître Bernal initie Fernand au métier des armes, lui fait miroiter tournois, belles dames et honneurs à la cour du roi, mais Fernand rêve d’autres batailles : « Le monde, dit-il en faisant ses adieux à sa mère, a besoin de nos prières bien plus que de nos armes » (scènes 3, Lisbonne et 4, la mère).
Dans les moments décisifs, le tentateur entre en scène, déguisé en serpent, et chargé de violence dans les paroles et dans les gestes. Il veut le tenir en échec. Il le détourne du monastère de Saint-Vincent de Lisbonne par les visites de ses anciens amis (scène 5, le serpent), se fâche de le voir vêtir l’habit des pauvres d’Assise et savoure à l’avance son échec au Maroc (scène 10, le désert), l’arrache à la solitude de Montepaolo pour le lancer dans l’action, mais chaque fois il échoue.
Fernand, puis Antoine, surmonte ces tempêtes successives – le thème de la tempête est le leitmotiv de la pièce, avec le moment culminant du naufrage en mer de Sicile (scène 12, la tempête) – et mûrit intérieurement, grâce à la pauvreté qui le détache de toute ambition (scène 9, sœur pauvreté), à la patience qui le met entre les mains de Dieu (scène 11, la patience) et à l’obéissance qui le lance dans sa mission de prédicateur et d’enseignant (scène 15, l’obéissance), jusqu’à faire de lui l’humble serviteur de Dieu : « Que puis-je, moi, pauvre frère, contre la furie de l’hérésie ? Tel un ouragan, elle secoue chaque coin du monde chrétien… Mais toi, Seigneur, tu peux tout. Sers-toi alors de moi, serviteur inutile, si tel est ton dessein »  (scène 17, le plus pauvre des serviteurs).
Dans les trois dernières scènes, Antoine recueille les fruits de son action : les miracles répandent son culte, le succès de la dernière mission de Padoue prépare sa mort (scènes 18, les miracles et 20, le rivage du bonheur), entrecoupées par l’échec de la mission chez Ezzelino da Romano (scène 19).
Le récit repose sur une connaissance objective de l’histoire, des différentes légendes d’Antoine, en particulier de l’Assidua, et sur des passages des Sermons, comme ceux qui décrivent les difficultés de la vie religieuse, le travail des abeilles, le commentaire du Livre de Job, les saints qui brillent comme des étoiles du firmament dans notre monde enveloppé de ténèbres.
Une évocation suggestive, brillante et originale, qui mériterait d’être portée sur scène en d’autres langues et en d’autres pays.

Updated on 05 Octobre 2016