Aux origines du pèlerinage
Bien avant l’ère chrétienne, l’homme marche déjà vers ce qu’il considère comme sacré. Le pèlerinage s’enracine dans les civilisations les plus anciennes et dans toutes les religions. Il ne naît donc pas avec le christianisme mais dans une quête humaine universelle. Celle de donner du sens à sa vie.
Dans l’Antiquité, les Égyptiens se rendaient en procession jusqu’à Abydos, la ville sainte d’Osiris. Ils espéraient ainsi accéder à la vie éternelle. Les Grecs voyageaient vers Delphes pour consulter l’oracle d’Apollon. En Inde, les hindous vont vers le Gange, rivière sacrée et symbole de purification. Le pèlerinage à la Mecque pour les musulmans constitue un des cinq piliers de la foi, un devoir sacré. Ces traditions révèlent un trait commun : marcher vers un lieu sacré pour une quête de sens. Tiré du latin peregrinus, qui désigne l’étranger, le pèlerin est celui qui va au-delà de chez lui. Il est donc celui qui sort de ses habitudes et de son confort pour aller vers un autre lieu. Mais plus qu’un simple déplacement géographique, le pèlerinage est un chemin spirituel. « Le pèlerin a toujours un but, même si parfois il n’en est pas explicitement conscient. Et ce but n’est autre que la rencontre avec Dieu à travers le Christ », explique le pape Benoît XVI. En effet, en quittant son confort, le croyant prend du recul sur sa vie et réfléchit à son rapport à Dieu. C’est une démarche intérieure. Une marche du corps, du cœur et de l’âme.
Marcher vers Dieu
Les origines du pèlerinage chrétien remontent au IVe siècle. Après l’édit de Milan en 313 qui reconnaît la liberté de culte aux chrétiens, les premiers croyants se rendent en Terre sainte. L’impulsion est donnée par sainte Hélène, la mère de l’empereur Constantin qui se rend à Jérusalem vers 326. Pendant son voyage, elle identifie les lieux de la Passion du Christ. La basilique du Saint-Sépulcre à Jérusalem est ensuite érigée, sur ordre de son fils. C’est le point de départ d’un engouement pour la Terre sainte : les fidèles veulent marcher sur les pas de Jésus. À ce titre, une femme nommée Égérie, provenant probablement de Gaule ou d’Espagne, laisse un précieux récit en latin de son voyage en Terre sainte. Elle décrit les chemins, les liturgies et les rencontres sur la route. Pendant trois ans, elle visite tous les lieux saints du Proche-Orient chrétien, non seulement en Palestine, mais aussi en Égypte, dans le Sinaï, en Transjordanie et en Syrie. Son journal est considéré comme l’un des premiers carnets de pèlerinage de l’histoire chrétienne. À travers ses expériences, Égérie montre que le pèlerinage est à la fois un acte spirituel et une aventure humaine. On ne revient pas d’un tel voyage comme on en est parti.
L’âge d’or du pèlerinage
Au fil du temps, de nouveaux lieux de pèlerinage voient le jour. Rome, lieu du martyre des apôtres Pierre et Paul devient un centre incontournable. À partir du Moyen Âge, les pèlerinages connaissent un essor considérable. Compostelle, où repose l’apôtre Jacques, devient au XIe siècle l’un des plus grands centres de pèlerinage de la chrétienté, aux côtés de Rome et de Jérusalem. De nouvelles routes sont alors créées et des lieux d’accueils s’établissent. Les chrétiens viennent demander une grâce, remercier, faire pénitence. Ce qui compte à l’époque n’est pas seulement d’arriver mais c’est le chemin lui-même.
Le voyage dure des mois voire des années. Il est souvent risqué mais il façonne l’âme et la purifie. Les symboles du pèlerin apparaissent comme la coquille Saint-Jacques, le bâton ou encore le chapeau.
La Réforme protestante au XVIe siècle remet en question certaines formes de dévotion populaire, et notamment le pèlerinage. L’Église catholique, à travers le Concile de Trente, réaffirme la valeur spirituelle de ces démarches. Lourdes, au XIXe siècle, marque un renouveau de la dévotion mariale. Le sanctuaire attire des malades et des pèlerins en quête de guérison physique ou intérieure. D’autres sites mariaux, comme Fatima ou La Salette, renforcent cette dimension spirituelle du pèlerinage.
Aujourd’hui, le pèlerinage connaît un regain d’intérêt. Il répond à une soif d’intériorité et de silence. Compostelle voit affluer des milliers de marcheurs chaque année. Les sanctuaires comme ceux de Lisieux, de La Salette, de Czestochowa, ou encore d’Assise, restent des pôles vivants de foi. Le pèlerinage nous rappelle que notre vie est une marche vers le Ciel : « Nous n’avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle de l’avenir » (Lettre aux Hébreux 13, 14).