Aux urnes, chrétiens !

13 Mars 2007 | par

On voit mal comment l’Eglise pourrait se désintéresser de la politique. Elle aussi a son mot à dire sur la vie de la Cité. Elle a développé au fil des siècles, avec sa Doctrine sociale, une vision chrétienne de la société. Mais il est acquis qu’on ne confond plus Dieu et César. En France, depuis 1892, l’Eglise reconnaît la République et, depuis 1905, l’Etat permet aux religions le libre exercice du culte. Dans ce régime de laïcité, les catholiques peuvent intervenir dans le débat public, mais sans le monopoliser. L’Eglise encourage donc les chrétiens à s’engager à divers niveaux : en défendant les valeurs que celle-ci prône, en participant aux élections, ou même en se présentant comme candidats. Il en va du bien commun et du service aux autres. Mais le plus délicat reste souvent à faire : discerner les choix judicieux dans le débat politique. L’époque est finie où l’Eglise s’engageait clairement pour un camp. Les curés ne disent plus en chaire pour qui il faut voter.
Les partis d’inspiration chrétienne sont partout en voie de disparition. En France, le dernier en date, le MRP, est mort dans les décombres de la IVe République. Le paysage politique lui-même a changé : le face-à-face des grandes idéologies capitaliste et communiste a fait place à une économie de marché vis-à-vis de laquelle les positions s’établissent avec plus ou moins de clarté.

Famille, emploi, immigration
A défaut de donner des consignes de vote, l’Eglise s’attache aujourd’hui à identifi er les enjeux à la lueur de l’Evangile. Aider à y voir plus clair, c’est souligner les thèmes sensibles qui doivent alerter les chrétiens, dégager les priorités ou pointer les dangers dans les programmes. Pour l’élection présidentielle, les évêques français ont ainsi recensé trois chantiers : la famille, le travail et l’emploi, la mondialisation et l’immigration. L’intitulé même de leur réflexion, « Qu’as-tu fait de ton frère ? », souligne l’importance de la solidarité et de la justice à leurs yeux.
Comment, dès lors, accorder une sorte de label chrétien à un programme politique ou à un candidat puisque, par définition, aucun d’entre eux ne peut y prétendre totalement ?
L’Eglise accepte aujourd’hui le pluralisme des idées en démocratie, mais elle essaye aussi d’éviter que ce débat ne se dilue dans un relativisme général.
A ses yeux, tout ne se vaut pas. Une cohérence s’impose entre les actes et ce à quoi on croit. Mais un responsable politique n’est-il pas élu pour se mettre au service de tous les citoyens ? Cette tension entre ce qu’on appelle l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité se fait aujourd’hui plus vive sur les questions de société.
Dans une note de 2003, le cardinal Ratzinger, alors à la tête de la congrégation pour la Doctrine de la Foi, écrivait : « Il n’appartient pas à l’Eglise de formuler des solutions concrètes et encore moins de solutions uniques pour des questions temporelles. » Mais le même texte rappelait les principes moraux qui n’admettent « ni dérogation, ni exception, ni compromis », sur des questions comme l’avortement ou l’euthanasie, mais aussi l’accueil de l’étranger.

Un vote plutôt à droite
Si l’Eglise ne descend plus dans l’arène politique, elle ne peut donc rester neutre. Mais ses formes d’expression demeurent variables selon les traditions de chaque pays. En France, plusieurs évêques ont tenu à rappeler en 2002 l’incompatibilité entre les thèses xénophobes du Front national et les valeurs évangéliques.
Aux Etats-Unis, la pression est parfois plus radicale : en 2004, des évêques ont annoncé qu’ils refuseraient de donner la communion à des candidats favorables au droit à l’avortement. En Italie, au Portugal ou en Irlande, l’Eglise s’est élevée contre les nouvelles législations libérales projetées dans ce domaine.
Comment évaluer l’influence réelle de l’Eglise, à la fois sur les candidats et sur les électeurs ? Elle n’est ni fondamentale, ni négligeable. La pratique religieuse reste aux yeux des sociologues un critère important dans la différenciation des choix. Mais le vote des catholiques tend en France à s’identifier de plus en plus à celui des Français en général, à une réserve près : les pratiquants réguliers continuent de voter plus à droite que la moyenne. Ce décalage s’explique notamment par l’âge plus élevé de cette catégorie. Les engagements des mouvements catholiques traduisent, de droite à gauche, la diversité actuelle des sensibilités. Les responsables politiques, eux, ont tendance à trouver opportun que les Eglises prennent position quand celles-ci vont dans leur sens, et à condamner cette ingérence… quand c’est le contraire.

Citoyenneté et fraternité
Pour les chrétiens, l’accueil des migrants est signe de l’importance attachée à la fraternité. (...) Comment pourrionsnous nier qu’un pays comme le nôtre a des limites à sa capacité d’accueil ? Cependant, il convient de prendre notre juste part à cet accueil. Et juste, ici, veut dire de façon généreuse.
(…) Dans l’Eglise cependant, il n’y a pas d’étranger : le baptême fait accéder, où que l’on soit, à la “citoyenneté” chrétienne et l’Evangile nous appelle à une fraternité universelle.
(…) Sommes-nous prêts à modifier notre mode de vie, afi n de permettre un réel développement des
pays les plus pauvres, en particulier en Afrique ?

In “Message du Conseil permanent de la Conférence des évêquesde France à l’occasion des élections françaises de 2007”.

Updated on 06 Octobre 2016