Benoît XVI dialogue avec les religions

25 Juin 2009 | par

Un rabbin, un pape, un mufti, chantant main dans la main « Salam, Shalom, Lord grant us peace », Seigneur donne-nous la paix. Cette image restera dans les mémoires collectives. Elle ne date pas de la rencontre pour la Paix d’Assise du 27 octobre 1986, mais du dernier voyage de Benoît XVI en Terre Sainte, le 14 mai, lors de sa rencontre avec les chefs religieux de Galilée. Un geste spontané. Et un des points culminant de son voyage.



La richesse des différences

On le disait frileux sur cette question, mais le Pape a montré une certaine ouverture au cours de ce voyage. « Benoît XVI est apparu comme un pèlerin de paix, refusant l’instrumentalisation politique des religions, qui conduit souvent à opposer les groupes humains les uns aux autres », analyse Geneviève Comeau, professeur de théologie fondamentale au Centre Sèvres à Paris et spécialiste du dialogue interreligieux.



Il a en effet insisté sur la nécessité d’un dialogue trilatéral (juifs, chrétiens, musulmans). Le 11 mai à l’auditorium Notre-Dame de Jérusalem, il a ainsi expliqué que c’est à partir de leurs différences que les religions peuvent se rencontrer. Ces différences « fournissent une merveilleuse opportunité pour les personnes des différentes religions de vivre ensemble dans un profond respect, dans l’estime et la considération, s’encourageant les unes les autres sur les chemins de Dieu », a-t-il affirmé.



Une attitude possible car ces trois monothéismes proclament que « Dieu existe et qu’on peut le connaître, que la terre est sa création, que nous sommes ses créatures, et qu’il appelle tout homme et toute femme à vivre de manière à respecter son dessein sur le monde ». Dans son discours sur l’Esplanade des mosquées le 12 mai, il a précisé que « la fidélité au Dieu unique, le Créateur, le Très-Haut, conduit à reconnaître que les êtres humains sont fondamentalement en relation les uns avec les autres, puisque tous doivent leur existence véritable à une seule source et tous marchent vers une fin commune ». Le Pape propose en quelque sorte aux croyants de devenir témoins de la vérité.



Foi, culture et raison

Ainsi pour Benoît XVI, les trois religions du Livre peuvent nourrir des échanges profonds quant aux rapports entre foi et raison, et entre foi et culture.



C’est lors de son discours le 9 mai à la mosquée Al-Hussein Bin-Talal d’Amman (Jordanie) qu’il a développé ce lien entre foi et raison. « En tant que croyants au Dieu unique nous savons que la raison humaine est elle-même don de Dieu et qu’elle s’élève sur les cimes les plus hautes quand elle est éclairée par la lumière de la vérité divine. » Et de poursuivre, « cette manière de concevoir la raison, qui pousse continuellement l’esprit humain au-delà de lui-même dans la quête de l’Absolu, constitue un défi ; elle oblige à la fois à l’espérance et à la prudence ».



Religions juives, chrétiennes et musulmanes peuvent aussi se retrouver sur le thème de la foi et de la culture. Comme l’a expliqué Benoît XVI le 11 mai à l’auditorium Notre-Dame de Jérusalem « l’individu n’est jamais pleinement exprimé à travers sa propre culture mais au contraire il la transcende dans sa constante recherche de quelque chose qui la dépasse. »



Le dialogue depuis Vatican II

Pour de nombreux observateurs, ce voyage du Pape a donné un nouveau souffle au dialogue interreligieux, défini par le Concile Vatican II dans la déclaration Nostra Ætate. En 1965, l’Eglise convient qu’elle « ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions » et « considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent en beaucoup de points de ce qu’elle-même tient et propose, apportent cependant souvent un rayon de la Vérité qui illumine tous les hommes » (Nostra Ætate (2)). Cette déclaration conciliaire prononce donc un jugement positif sur les autres religions et envisage le dialogue interreligieux comme faisant partie de la mission évangélisatrice de l’Eglise.



Mais c’est à partir du pontificat de Jean-Paul II que le dialogue interreligieux trouve réellement sa traduction, notamment à travers des rencontres comme celle d’Assise le 27 octobre 1986. « Pour l’Eglise catholique, c’est un geste d’une portée symbolique sans précédent : non seulement la prière des non-chrétiens n’est pas considérée comme idolâtre, mais elle est officiellement reconnue comme digne de respect et d’estime », note Henri de la Hougue, professeur au Theologicum – Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Institut catholique de Paris – en introduction de l’ouvrage Le dialogue interreligieux, le christianisme face aux autres religions*. Pour ce théologien, cette initiative est une explication de la vocation de l’Eglise dans le monde. Il remarque que pour Jean-Paul II, la rencontre d’Assise a été « une préfiguration de ce que Dieu voudrait que soit le cours de l’histoire de l’humanité : une route fraternelle sur laquelle nous nous accompagnons les uns les autres vers la fin transcendante qu’il établit pour nous » (discours du 27 octobre 1986).



En Terre Sainte, Benoît XVI « a montré qu’il est bien dans la lignée de son prédécesseur pour le dialogue avec les juifs et les musulmans », affirme Geneviève Comeau, faisant oublier le début de son pontificat et ses différends avec les juifs (levée des excommunications des quatre évêques de la Fraternité Saint Pie X, Motu Proprio en juillet 2007 qui libéralise le rite selon le missel d’avant Vatican II) et les musulmans (discours de Ratisbonne, le 12 septembre 2006). Au final, pour la théologienne, ce pèlerinage et « l’habilité évangélique » de Benoît XVI marque une nouvelle étape dans son pontificat et devrait améliorer son image, écornée depuis quelques mois



Un sens commun

« Tandis que les différences que nous individualisons dans le dialogue interreligieux peuvent parfois apparaître comme des barrières, il ne faut pas pour autant qu’elles jettent une ombre sur le sens commun d’adoration et de respect pour l’universel, l’absolu et la vérité qui pousse les membres des religions à se parler entre eux en premier lieu.

En effet, c’est la conviction commune que ces réalités transcendantes ont leur source dans le Tout-Puissant, et qu’elles en portent les traces, que les croyants professent les uns devant les autres, devant nos institutions, notre société, notre monde. C’est ainsi que, non seulement nous enrichissons la culture, mais nous lui donnons forme : des vies faites de fidélité religieuse font écho à la présence envahissante de Dieu et forment de cette manière une culture qui n’est pas définie par des limites de temps ou d’espace mais qui se modèle fondamentalement sur des principes et des actions qui résultent de la foi. »

Discours prononcé par Benoît XVI lors de la rencontre interreligieuse à l’auditorium Notre-Dame de Jérusalem, le 11 mai 2009.




 

Updated on 06 Octobre 2016