Chrétienne, l'Europe ?

14 Février 2007 | par

 Est-ce seulement l’histoire du continent qui est marquée de l’empreinte chrétienne, ou bien l’union européenne d’aujourd’hui l’est-elle aussi ? Et les chrétiens, par leurs églises et leur participation à la vie sociale, ont-ils un rôle spécifique à jouer en Europe ?


Pour la chancelière allemande Angela Merkel « l’Europe n’est pas un club chrétien », mais plutôt un « club de valeurs ». Regrettant, comme son compatriote H.-P. Pöttering, nouveau président du Parlement européen, que les racines chrétiennes du continent ne soient pas clairement notées dans les Traités qui unissent les Etats membres, elle précise ce que doit être à ses yeux cette communauté de valeur : « Nous n’accepterons en aucun cas des points de vue selon lesquels on peut porter atteinte à la dignité humaine, ou selon lesquels l’homme et la femme auraient des possibilités différentes pour s’épanouir ».

Une conscience européenne
Il y a sept ans, en l’an 2000, Jean Boissonnat, président des Semaines Sociales de France, et Hans-Joachim Meyer, président du bureau des associations catholiques allemandes, signent un Manifeste pour une conscience européenne. Dans ce texte ils reviennent à la question, centrale :« Qu’est-ce qui nous unit ? ». Ils désignent alors « les valeurs de base et les principes qui sont au fondement du projet européen ». D’abord, « la liberté et la subsidiarité ». La subsidiarité, c’est ce principe énoncé en 1931 par le pape Pie XI, dans l’exhortation apostolique Quadragesimo anno, et que les “Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens” définissent simplement comme le fait de « laisser à chaque échelon d’une organisation toute l’autonomie dont il est capable. ». J. Boissonnat et H.-J. Meyer y voient « au plan collectif, ce qu’est la liberté au plan personnel. » Ils ajoutent, parmi les principes de bases de l’Union européenne, « la responsabilité et la solidarité », et « la tolérance et le pluralisme ». 

Un acte spirituel
En 2005, au moment où le Traité constitutionnel de l’Union européenne est soumis à référendum dans différents pays, la Commission des Episcopats Catholiques Européens publie un document intitulé Le Devenir de l’Union européenne et la Responsabilité des Catholiques. Revenant sur les cinq dernières décennies de l’histoire du continent, ils qualifient la construction européenne d’ « Acte spirituel », en ce sens que « les conditions qui ont permis la réunification de l’Europe (en 1989) sont très proches de celles qui ont permis la naissance de l’Union européenne. Dans l’un et l’autre cas, expliquent-ils, nous trouvons un choix spirituel en faveur du pardon et une volonté de surmonter la violence par le dialogue et la solidarité. » Là encore il est question du principe de subsidiarité, qui « peut être une source d’inspiration dans la perspective de l’intégration européenne, dans la mesure qu’on reproche souvent aux institutions européennes un manque d’égard pour les particularités culturelles dans les Etats membres ».

Mais les évêques soulignent une autre caractéristique de la tradition chrétienne fort utile à l’Europe : « La distinction entre ce qui relève du temporel et du spirituel. » Jean-Paul II avait d’ailleurs rappelé, en octobre 1988, devant le Parlement Européen de Strasbourg, que « c’est dans l’humus du christianisme que l’Europe moderne a puisé le principe – souvent perdu de vue pendant les siècles de “chrétienté“ – qui gouverne le plus fondamentalement sa vie publique », c’est-à-dire « le principe, proclamé pour la première fois par le Christ, de la distinction de “ce qui est à César“ et de “ce qui est à Dieu“ ( cf. Mat 22,21). »

L’espérance européenne
Le préambule du Traité constitutionnel de 2005, rejeté par les Français et les Néerlandais, rappelle que l’Europe est un « espace privilégié de l’espérance humaine », ce qui fait dire au Conseil d’Eglises Chrétiennes en France : « En tant que chrétiens, nous ne pouvons donc ni nous en désintéresser, ni lui tourner le dos. » Aujourd’hui, l’Union semble, avec ses 27 membres, quelque peu empêtrée dans des difficultés de fonctionnement et plutôt loin des citoyens. Il ne faudrait pas en oublier les hautes ambitions, clairement d’inspiration chrétienne, qui lui sont proposées. Pour les évêques européens, il s’agit de « définir les voies d’une Europe caractérisée par la stabilité, la paix, le respect de la dignité des personnes, en particulier des plus faibles, et qui servira non seulement ses propres citoyens mais aussi le monde entier. »
Et Benoît XVI, recevant des parlementaires européens le 30 mars 2006, appelait à « la recherche d’un modèle social assurant croissance et emploi, protection de la famille, égalité d’opportunités pour l’éducation des jeunes et attention aux pauvres. »

Consentir à l’espérance

Une réflexion s’impose sur le Traité constitutionnel. Je souhaite que les valeurs fondamentales qui sont à la base de la dignité humaine soient pleinement protégées, en particulier la liberté religieuse (…).

De même, on ne peut faire abstraction de l’indéniable patrimoine chrétien de ce continent, qui a largement contribué à modeler l’Europe des Nations et l’Europe des peuples.(…) Les événements dramatiques du vingtième siècle (…) incitent tous les Européens à construire un avenir libre de toute oppression et de tout conditionnement idéologique, à tisser des liens d’amitié et de fraternité, et à manifester sollicitude et solidarité envers les plus pauvres et les plus petits; de même, il importe de purifier les tensions du passé, en promouvant la réconciliation à tous les niveaux, car c’est elle seule qui permet de construire l’avenir et de consentir à l’espérance.

Vœux du pape Benoît XVI au corps diplomatique, 8 janvier 2007

Updated on 06 Octobre 2016