Comment écrit-on aujourd’hui la vie d’Antoine de Padoue ?

01 Janvier 1900 | par

La première, populaire, s’inspire des biographies d’avant 1940, s’attache à son aspect merveilleux et miraculeux ; la seconde, met à profit les études menées depuis 1960 par le Centre d’Etudes Antoniennes de Padoue et par de nombreux spécialistes, cherche à mettre en valeur sa véritable stature intellectuelle et spirituelle pour en faire un témoin de l’Evangile dans l’Eglise et la société de notre temps.

Saint Antoine de Padoue, le héraut de l’amour,
par Françoise Bouchard.
Cette biographie s’honore du prestige de l’Académie des Sciences, des Belles Lettres et Arts de Savoie, dont l’auteur est membre ; de la préface du cardinal Poupard qui aime rapprocher Antoine de Padoue à Thérèse de Lisieux ; d’un souci de précision historique souligné par de nombreuses notes et digressions ; et du désir de raviver des dévotions chères au peuple chrétien, sur la trace des biographies de sainte Marthe, de sainte Odile, de saint Roch et de sainte Jeanne de France. Elle surprend cependant par un certain nombre de limites que l’état actuel des recherches nous obligent à signaler.
La première limite est le caractère passéiste des sources. Si celles-ci se plaisaient, à la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe, à accumuler miracles et conversions dans le but d’honorer telle tradition ou tel sanctuaire local, elles occultaient, en fait, la véritable dimension historique, théologique et spirituelle du Saint, qui fut, d’ailleurs le souci avoué de l’abbé Lepître, souvent cité. Quelle utilité pour Antoine, d’avoir un oncle chanoine à la cathédrale de Lisbonne, alors que la proximité de son domicile suffit pour expliquer le choix de cette école ? Dans quel but rapporter une vision qui lui aurait révélé le dogme de l’Assomption (p. 70) , alors qu’on passe sous silence le merveilleux Sermon écrit pour cette fête et que l’Eglise a attendu plus de 19 siècles pour ratifier cette tradition ? Pourquoi placer deux carêmes à Padoue (p. 99 et 112) et deux rencontres avec Ezzelino da Romano (p. 102 et 112) alors que les témoignages les plus authentiques en mentionnent une seule ?

De même, le récit abonde-t-il en répétitions, en considérations personnelles (p. 9ss), en remarques pastorales pas toujours opportunes (p. 74, à propos des regroupements pastoraux actuels) ; des événements survenus à Padoue à la fin de sa vie sont maintes fois repris en d’autres lieux ; et le souci d’Antoine de multiplier les symboles pour rendre la vérité accessible à tous est transformé en une admiration romantique de la nature.
La deuxième limite est dans les nouveautés que l’auteur affirme apporter : l’origine portugaise de saint Antoine est connue depuis sa première biographie (Assidua, 1232) son nom de baptême est Fernando, et non pas Ferdinand, de matrice espagnole et la principale caractéristique à souligner est qu’il fut un saint, Docteur de l’Eglise, et non un magicien des objets perdus…
Une troisième limite est l’oubli quasi total des anciennes biographies et de la valeur littéraire et théologique des écrits du Saint, tels que la critique textuelle les présente depuis une quarantaine d’années aussi bien en Italie, qu’au Portugal, en France et dans le monde. Ses écrits authentiques s’appellent Sermons pour les dimanches de l’année et les Fêtes des saints, et non Sermons du temps, ou du commun des saints ou des saints en particulier. Ils n’ont pas été dictés à la hâte (p. 134), mais ont une structure rigoureuse et leur latin est d’une grande richesse et harmonie. Jean Rigaud inscrit ses miracles dans le cadre précis de ses vertus d’humilité, de pauvreté, de prière et de service de la Parole de Dieu, et non dans un but de succès auprès des foules (cf. Vita beati Antonii… seu Legenda Rigaldina, ch. 6 à 9). Et les Sermons eux-mêmes nous sont donnés, selon les paroles d’Antoine, pour exposer la foi, former la vie chrétienne à la lumière de l’Evangile et raviver l’espérance de la vie éternelle, c’est-à-dire, avec un projet catéchétique qui peut servir de modèle à nos catéchèses d’aujourd’hui.
Une dernière remarque a trait à la présentation. Le mélange de caractères et de styles, le chevauchement des récits et des digressions alourdissent la lecture et l’annexe juxtapose pêle-mêle : bulles pontificales, attributs traditionnels du saint, pratiques dévotionnelles, etc.
Saint Antoine est un véritable héraut de l’amour, mais, de grâce, montrons-le tel qu’il est et non tel que nous le voudrions.
Editions Résiac, 80 FF.

Un Saint trop connu, mais mal connu : Antoine de Padoue,
Manuscrit.
Tout autre est la conférence donnée le 5 février 2000, par l’avocat honoraire, Fernand Lamarque, dans le cadre de l‘Association de l’Art chrétien de la ville de Nîmes. Si le fond du récit reflète, comme le premier, des sources et des traditions aujourd’hui dépassées, le sujet, en revanche, est traité avec une sérieuse connaissance du contexte historique et un grand respect pour le message d’Antoine. Aller à la rencontre de cette personnalité, à la fois exceptionnelle et multiple, avoue l’auteur, exige d’évoquer le moment historique des pays qui l’ont connu, de s’intégrer dans le peuple chrétien de l’époque, et, par voie de conséquence, de comprendre… qu’il y ait des miracles. Alors seulement… nous referons le chemin de saint Antoine de Padoue de 1195 à Lisbonne à 1231 à Padoue en évoquant ses propres écrits.
Dans un exposé détaillé qui s’attache à souligner la profondeur de la culture biblique et théologique d’Antoine, la conférence livre à tous ceux qui souhaitent mieux le connaître, le véritable secret de son succès auprès des foules. Et la conclusion rappelle que son message, toujours actuel, se résume en trois mots : la passion pour l’Evangile, l’appel à la conversion, l’amour de Dieu et des pauvres et justifie la mission d’enseignement et d’intercession que l’Eglise lui confie encore aujourd’hui.

Updated on 06 Octobre 2016