En Route, un chemin béni
« Mais je vous ai suivis tout l’été ! », s’exclame Mme Elsa, surprise, alors qu’elle rentre chez elle portant son cabas de courses. Ces t-shirts bleus d’En Route con sant’Antonio et ces frères en habit gris ou noir qui, depuis fin juin, apparaissent chaque jour à la télévision dans son salon, elle les retrouve en chair et en os, sacs au dos, sur la place de son village, Lonigo, dans la province de Vicence, alors qu’ils se dirigent vers le sanctuaire San Daniele des Frères Mineurs.
La scène remonte à la fin du mois de septembre, lors de la dernière semaine de marche ; une semaine chaude et lumineuse pour les pèlerins, dont 18 étaient des jeunes frères étudiants en théologie ! Ils vont vers la basilique Saint-Antoine, à Padoue, couronnement d’un été riche en bénédictions vécu sur les routes de France et d’Italie, parcourant 1 306 km à pied, sur les traces de saint Antoine, de Brive-la-Gaillarde à Turin en passant par Limoges, Clermont-Ferrand, Lyon, Chambéry, le Montcenis, Milan, Brescia, Vérone...
Les chiffres…
Quelqu’un nous le demande directement : comment peut-on marcher 1 306 km, faire 2 millions de pas pendant autant de jours consécutifs ? Il y a un moyen, ça s’appelle la « participation ». Tous ceux qui ont voulu prendre part à l’initiative ont pu apporter leur contribution, en termes de pas ensemble, de prière, d’accueil, de bénédiction réciproque. Ainsi, pour donner quelques chiffres, si 75 marcheurs se sont relayés au total dans le cadre du relais « officiel », il est certain qu’environ 220 autres pèlerins se sont joints à eux pour quelques étapes ou même seulement pour quelques kilomètres. Environ 5 000 fidèles ont participé aux moments de prière organisés dans les nombreux couvents, paroisses, sanctuaires et chapelles rencontrés le long du parcours. Si l’on ajoute à cela les audiences enregistrées sur les réseaux sociaux et les chaînes de télévision partenaires du projet (KTO pour la France, Rete Veneta pour l’Italie), il faut compter plusieurs milliers de personnes supplémentaires pour chaque jour de cet été 2025.
Et les mots des pèlerins
Les chiffres ancrent des données dans la réalité, mais dans ce cas précis, ils risquent de ne pas rendre compte de l’expérience dans son ensemble, une avalanche de grâces difficile à contenir dans des limites conventionnelles. Marco, jeune pèlerin entre Lyon et Turin, s’appuie sur une liste publiée sur Instagram pour essayer de résumer ce qu’il a vécu : « Rencontres, sourires, accolades, foi, nature, partage, émotion, prière, fatigue, encore des accolades, simplicité, providence, écoute. Merci En Route con sant’Antonio ! ».
La dimension de la fraternité a été déterminante, d’abord au niveau du style, puis concrètement dans le façonnage des relations au sein de l’équipe, renouvelées en permanence en fonction des membres, d’un minimum de trois à un maximum de 30 personnes. Plus encore, ce fut une expérience d’Église en marche, d’annonce d’un bien possible et tangible, de confiance et de perspective.
Nous nous sommes retrouvés à être des pèlerins d’espérance, comme le dit la devise du Jubilé 2025, en toute simplicité, parfois simplement en étant ensemble, disponibles, en abaissant le niveau de méfiance et d’exigence personnelle pour prendre au sérieux la possibilité libératrice de croire et de marcher ensemble sur les traces de Jésus. Ceux qui ont essayé le confirment : la fraîcheur de la communauté qui partage aussi les efforts en vue du bien devient une bénédiction personnelle qui réconforte et donne de l’espoir, ravivant aussi sa propre histoire à la lumière de la Bonne Nouvelle.
Voici un exemple, mais ce n’est pas le seul. Comment se fait-il que nous, pèlerins ayant besoin de tout – logement, douche, nourriture, lit... – ayons été si souvent remerciés par nos bienfaiteurs ? « Un jour, a raconté le frère Anselme Boissonnet à son arrivée à la Basilique à Padoue, j’ai posé ouvertement la question à l’homme qui nous avait hébergés. Sa réponse m’a profondément marqué : il nous remerciait parce que notre simple présence en tant que pèlerins lui avait permis, à lui et à sa famille, de faire le bien. En tant que frère franciscain, je peux dire que cette expérience vécue parmi les gens m’a fait découvrir et redécouvrir l’importance du témoignage d’une vie concrète, vécue dans la simplicité et la joie. »
Le chemin d’En Route a vraiment été « avec saint Antoine », même physiquement, car une relique de saint Antoine « a marché » dans un sac à dos-reliquaire tout au long du chemin. Le frère Félix Wedel, qui a guidé le groupe de Lion à Turin, en témoigne : « Saint Antoine a été pour moi un véritable maître. Je le sentais encore plus proche quand j’avais l’honneur de bénir avec sa relique les personnes que nous rencontrions. C’était comme si saint Antoine prenait le dessus et bénissait lui-même ceux qui, par lui, souhaitent recevoir la bonté de Dieu. Et moi, j’ai eu la grâce d’en être le témoin ! »