Extases et visions franciscaines

27 Novembre 2003 | par

Qu'est-ce qu'un saint, pour nous aujourd'hui ? C'est un homme ou une femme qui a su, infiniment mieux que nous, aimer ses frères : Mère Teresa soulageant les mourants de Calcutta, Maximilien Kolbe s'offrant à mourir à la place d'un père de famille, Frédéric Ozanam secourant les miséreux, François d'Assise embrassant le lépreux, ou encore, si on remonte aux premiers temps de l'Eglise, Martin coupant son manteau en deux.
Pourtant, la sainteté ne se limite pas à ce versant humanitaire auquel nous sommes si sensibles de nos jours. L'exposition Visioni ed Estasi (Visions et extases), présentée à Rome, place Saint-Pierre, dans ce que l'on appelle le bras de Charlemagne, vient fort opportunément nous rappeler que la sainteté c'est tout autant l'aventure d'un cœur à cœur avec Dieu et que cette aventure peut conduire l'être humain à traverser les épreuves spirituelles les plus terribles, comme à connaître les joies les plus sublimes. Les peintres et sculpteurs baroques n'ont pas hésité à représenter ces expériences si particulières vécues par les saints et racontées par leurs biographes. Pensons à la célébrissime Transverbération de Thérèse d'Avila réalisée par Le Bernin pour l'église romaine de Santa Maria della Vittoria et qui trouve son origine dans l'autobiographie de la sainte carmélite.
L'exposition ayant d'abord été organisée pour marquer le quatrième centenaire de la naissance de saint Joseph de Copertino, on y découvre les étonnantes lévitations de ce frère mineur conventuel, mais c'est surtout François d'Assise qui tient la vedette (une quinzaine de peintures). Les plus grands peintres du Seicento italien (notre XVIIe siècle), Annibale Carracci, Le Caravage, Guido Reni, Pierre de Cortone, nous le montrent en extase, recevant les stigmates, réconforté par des anges musiciens, ou encore recevant l'Enfant Jésus des mains de la Vierge Marie. Notons que bien d'autres saints ont bénéficié de cette dernière consolation divine, notamment Antoine de Padoue et le capucin Félix de Cantalice. Certains tableaux exposés ici sont bien connus, mais ils sont beaucoup mieux éclairés (et donc visibles) que dans les chapelles où ils sont habituellement présentés. C'est le cas par exemple de l'extraordinaire Saint François recevant les stigmates d'Orazio Gentileschi (vers 1615), qui est conservé à San Silvestro in Capite - en plein centre de Rome, l'église d'un ancien monastère de Clarisses.
Quelques chefs-d'œuvre français ont fait le déplacement pour l'occasion, parmi lesquels le Saint François en extase du musée Tessé du Mans, une copie ancienne d'une grande toile de Georges de La Tour aujourd'hui perdue. Alors que la figure de frère Léon se détache dans la lumière, le saint glisse vers la nuit, dans une extase qui clôt ses yeux, tire ses lèvres, et les lueurs qui l'atteignent lui sculptent une face de mort (Jacques Thuillier). N'oublions pas que le grand maître lorrain comptait deux Cordeliers dans sa famille proche.
Il faut être reconnaissant aux organisateurs de cette exposition d'avoir osé aborder de front ces figures dérangeantes de la sainteté. Ils n'ont pas cherché un alibi esthétique (l'art baroque) pour nous présenter ces visions et ces extases. Ils nous invitent à nous pencher sur la dimension proprement religieuse de ces œuvres d'art. Laissons-nous joyeusement ravir par elles !

Visioni ed Estasi. Capolavori dell'arte europea tra Seicento e Settecento, jusqu'au 18 janvier 2004, Braccio di Carlo Magno, Place Saint-Pierre, ouvert tous les jours à partir de 10 heures. Informations au +39 06 698 859 74.

 

Au Séminaire Français de Rome : un patrimoine franciscain inattendu

1853-2003 : Le séminaire pontifical français de Rome (via Santa Chiara) fête cette année le cent cinquantième anniversaire de sa fondation par les Pères du Saint-Esprit. L'établissement a pris la place d'un monastère de Clarisses fondé en 1560 dont les moniales avaient été chassées par les armées napoléoniennes. En 1853, l'église avait perdu sa voûte, et il fallut tout de suite la reconstruire. Aujourd'hui, subsiste seulement de l'ancien monastère le réfectoire, qui sert également de réfectoire aux séminaristes et qui n'est autre que l'ancienne salle des bains froids des thermes d'Agrippa. Il n'y a qu'à Rome que l'on voit cela !
Le bienheureux pape Pie IX, très attaché au séminaire français, lui fit de nombreux cadeaux, dont un magnifique buste en cire de Ste Claire, patronne de notre église, précisent les Annales de l'époque. Ce buste était sorti d'un moule pris sur le corps même de la sainte après sa mort, en sorte que nous pouvons nous féliciter de posséder le vrai portrait de notre protectrice. Ce beau masque mortuaire de sainte Claire, toujours conservé au séminaire français, devrait susciter l'intérêt des Clarisses et des historiens. Il faudrait en effet retrouver et vérifier la source selon laquelle le masque a bien été réalisé à partir du visage de la sainte.

Updated on 06 Octobre 2016