Génération Princesses franciscaines

En l’espace 5 années, entre 1462 et 1467, quatre princesses au destin exceptionnel et au parcours quasi identique, voient le jour. D’abord, une existence parmi les grands de ce monde, ensuite une vie de moniale franciscaine, enfin, la sainteté.
15 Juin 2017 | par

1467-2017. La Lorraine célèbre le 550e anniversaire de la naissance de la princesse Philippa de Gueldre, épouse de René II, puis clarisse à Pont-à-Mousson. Mais Philippa – ou Philippe comme on disait à l’époque – n’est pas seule de son espèce. Louise, Marguerite et Jeanne, ses contemporaines, connaissent des destins quasi identiques. Retour sur la génération Princesses franciscaines !

Veuve à 28 ans
L’aînée des quatre, Louise de Savoie (1462-1503) est la fille d’Amédée IX, duc de Savoie, et de la princesse Yolande de France, sœur de Louis XI. Elle épouse Hugues de Châlons, seigneur de Nozeroy dans le Jura, puis sitôt veuve, à l’âge de vingt-huit ans, elle entre chez les clarisses d’Orbe (en Suisse), y fait profession et y demeure jusqu’à sa mort en odeur de sainteté, le 24 juillet 1503. Son culte est approuvé en 1839 par le pape Grégoire XVI.
 
L’aïeule d’Henri IV
Ensuite vient Marguerite de Lorraine (1463-1521), sœur du duc de Lorraine René II et femme d’un autre René, le duc d’Alençon. Par sa belle-fille, Marguerite d’Angoulême, c’est l’aïeule du roi Henri IV. Après la mort de son mari, Marguerite administre son duché avec sagesse et justice, mais rêve depuis toujours d’autre chose. Elle fonde le monastère des clarisses d’Alençon (1498), puis celui d’Argentan, où elle fait profession le 11 octobre 1520. Elle a été béatifiée quatre siècles après sa mort, en 1921.

Fille de roi répudiée
Voici maintenant Jeanne de France (1464-1505), fille de Louis XI et de la reine Charlotte de Savoie. Elle est mariée très jeune à Louis d’Orléans, mais celui-ci, devenu le roi Louis XII en 1498, la répudie pour raison d’État. Devenue « la bonne duchesse » de Berry, elle fonde, en 1502, avec l’aide de son confesseur franciscain, le bienheureux Gabriel-Maria, l’Ordre de la Vierge Marie ou de l’Annonciade – un ordre marial et franciscain dont elle avait eu l’intuition en son enfance, alors qu’elle priait la Vierge qui lui aurait dit : « Avant ta mort, tu fonderas un ordre religieux en mon honneur… » Jeanne meurt saintement à Bourges le 4 février 1505. Rapidement son culte se répand. Elle est canonisée par Pie XII en 1950.

Duchesse et clarisse
Enfin, Philippe de Gueldre (1467-1547), celle des quatre princesses qui survivra le plus longtemps. Mariée au duc de Lorraine, René II, elle donne le jour à douze enfants. Devenue veuve en 1508, Philippe est écartée de la régence mais gouverne le duché lorsque son fils aîné est absent. Le 8 décembre 1519, elle prend le voile chez les colettines de Pont-à-Mousson. À la fin de la messe, en présence de sa famille, elle entre en clôture : « Elle fait porter son cierge par le plus jeune de ses enfants, qui n’avait que 12 ans. Et quand elle vint proche de la porte, elle prit son cierge, et tira arrière son enfant. Puis elle se mit à genoux, on lui apporta la croix à baiser, qu’elle embrassa et baisa en grande dévotion ». La clarisse biographe a bien senti la noblesse, mais aussi la violence – pour ce jeune enfant – de l’évènement. Philippe passe les 27 dernières années de sa vie au monastère, et elle meurt en 1547, avec une grande réputation de sainteté. L’Église ne s’est pas prononcée officiellement sur son compte, mais elle est considérée comme « bienheureuse » par la ferveur populaire.

Comprendre de telles trajectoires
Notons tout de suite que ces quatre princesses sont apparentées : Marguerite et Philippe sont belles-sœurs, Jeanne et Louise sont cousines germaines, Jeanne et Marguerite ont un aïeul en commun, Louis II, le duc d’Anjou. Par ailleurs, toutes les grandes familles dont elles sont issues (Savoie, Anjou, Vaudémont, Lorraine) ont un point commun : leur attachement au mouvement franciscain, et singulièrement à la réforme de l’Observance. Princes et princesses de ces familles ont fondé, financé, et soutenu de nombreux couvents et monastères. Charlotte de Savoie est à l’origine de l’Ave Maria de Paris (1485). Sa mère Anne de Lusignan, tertiaire franciscaine, a fondé le couvent des observants de Nice. Quant à Yolande de France, l’épouse du duc de Savoie Amédée IX, elle est la fondatrice des monastères de Chambéry et de Genève. Vers 1425, sainte Colette rend visite au duc de Lorraine, et de cette rencontre naît le projet d’implanter un monastère à Pont-à-Mousson. Ces familles princières ont des confesseurs et des prédicateurs franciscains, elles vivent au quotidien avec des frères – surtout à Nancy où le couvent n’est séparé du palais ducal que par une ruelle. Bref, ces quatre princesses ne sont pas isolées, et pour tout dire, le milieu est porteur, mais cela n’enlève rien à l’authenticité de leur vocation et à la radicalité de leur engagement.

Quelle sainteté ?
Chacune de ces femmes a eu son propre chemin de sainteté. De Marguerite et de Jeanne, pour lesquelles la vie proprement religieuse a été de courte durée, on retient surtout leur sagesse dans le gouvernement et leur amour des pauvres. Toutes, de par leur rang, pouvaient dialoguer d’égal à égal avec les plus hauts responsables franciscains, comme les ministres généraux. Et Philippe de Gueldre, par exemple, ne s’en est pas privée pour défendre les droits des Colettines. Mais dans le même temps, elles ont fait preuve d’une extraordinaire humilité. Philippe, qui porte le titre de « Royne de Sicile », signe ses lettres « povre ver de terre », une fois devenue clarisse. Louise se complaît dans les tâches les plus ordinaires : « Vous faites terriblement de poussière, sœur Louise ! », lui lance sèchement une religieuse, un jour qu’elle balaie les couloirs. Lorsque des frères passent par Orbe, Louise déclare avoir « grande faim qu’ils soient bien servis et pansés » et lave leurs écuelles avec dévotion.
Philippe, Louise, Jeanne et Marguerite ont incarné une génération de princesses pour lesquelles la sequela christi, sur les traces de François et de Claire d’Assise, n’est pas restée un vain mot.

Pour en savoir plus
- Sur Philippe de Gueldre : https://www.musee-lorrain.nancy.fr/
- Sur Louise de Savoie : La Vie de Madame Loyse de Savoye, escripte en 1507 par une religieuse, est disponible sur Gallica.
- Sur Marguerite de Lorraine : rendre une petite visite aux clarisses d’Alençon !
- Sur Jeanne de France, un site très bien documenté : http://www.annonciade.info/

Updated on 15 Juin 2017
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