Je vous salue Marie
De même que nous nous saluons en français en nous souhaitant le « salut » ou le « jour-bon », ainsi les Hébreux se disaient-ils bonjour en parlant de la joie partagée : « Réjouis-toi Marie » (chairè, dans le texte grec), dit l’ange comme première parole adressée à la Vierge de Nazareth, accordée en mariage à un homme du nom de Joseph de la maison de David, qui plus tard inscrira Jésus dans cette lignée royale.
Avec Gabriel : « Réjouis-toi ! »
Nous devrions toujours en français tutoyer Marie, comme nous tutoyons Dieu dans le Notre Père, et commencer la prière par le « Réjouis-toi ! ». En grec et en latin en effet, il n’y a pas de vouvoiement. Le « Je vous salue » est donc dans un sens anachronique et dépassé, et théologiquement, il ne correspond pas totalement aux paroles de Gabriel. Car le cœur de l’Annonciation est cette immense allégresse promise par les prophètes Isaïe et Sophonie à cette petite fille de Sion, et à travers elle, à tout le peuple d’Israël. Il est donc regrettable de nous priver de cette mention de la liesse partagée, avec son poids messianique, en nous contentant d’une « plate salutation ».
« Comblée de grâce »
Car Marie est remplie de l’Esprit Saint et de son action, la grâce divine. Elle est comblée de la faveur du Seigneur qui l’a choisie par son immaculée conception dans le sein de sa maman Anne. Par et en elle, Dieu voulait se préparer comme un jardin nouveau, une terre vierge, où il pourrait « planter » le germe de son divin Fils et recommencer ainsi une création nouvelle. Ce que l’ange annonce à la Vierge, c’est qu’elle va concevoir en son sein un fils auquel elle donnera le nom salvifique de « Jésus », c’est-à-dire « le Seigneur sauve ». Ce petit sera grand, puisqu’il sera appelé le Fils du Père et du Très-Haut. Il se verra attribuer le nom de David, son père par la filiation humaine. Il régnera sur la maison de Jacob et de ses douze fils, à travers les douze apôtres du peuple nouveau, et son Royaume n’aura pas de fin, il durera pour les siècles.
« Le Seigneur est avec toi »
Si cet enfant-Dieu sera appelé Emmanuel, c’est que le Seigneur « est avec » Marie. La nuée de l’Esprit la prendra sous son ombre pour qu’elle conçoive du Père lui-même ce divin Fils. Quelle nouvelle ! Quelle Annonciation ! Vraiment « Dieu est fort », selon ce que signifie étymologiquement en hébreu le nom de « Gabriel ».
« Tu es bénie entre toutes les femmes
Et voici que lorsque Marie va partager son allégresse auprès de sa cousine Élisabeth, puisque l’ange lui a révélé la conception de celle-ci dans sa vieillesse, car rien n’est impossible à Dieu (Luc 1, 36-37), elle entend ce double cri : « Tu es bénie entre toutes les femmes et béni le fruit de tes entrailles », Benedicita – Benedictus, en latin. Élisabeth dit sur la Vierge tout le bien que le Seigneur vient manifester sur elle et par son biais, sur toutes les générations à travers les siècles. Élisabeth bénit Dieu que la mère de Dieu vienne la trouver. Et elle la déclare « bienheureuse » parce qu’elle a cru en l’accomplissement des paroles prononcées de la part du Seigneur.
En disant l’Ave Maria, une fois, dix fois, cinquante fois, deux cent fois, une dizaine, un chapelet, un rosaire, nous entrons dans le mystère du salut et nous nous ouvrons à la plénitude de la grâce divine.