Joseph Folliet, compagnon de saint François

Novembre 1972. 50 ans après son retour à Dieu, Joseph Folliet a disparu des radars de l’actualité et même de nos mémoires. Pourtant dès les années 20 et jusqu’aux années 1960, ce tertiaire franciscain a joué un rôle majeur au sein du catholicisme français
21 Novembre 2022 | par

Lyonnais, amoureux de sa ville et de ses particularismes ; militant catholique, membre du Sillon puis de Temps présent ; journaliste, fondateur de l’hebdomadaire La Vie ; sociologue, théoricien de la décolonisation ; Résistant, distribuant clandestinement les Cahiers du témoignage chrétien ; directeur de la Chronique sociale, successeur de Marius Gonin ; chansonnier, conférencier ou encore essayiste – il est l’auteur de célèbres « petites béatitudes » (voir encadré). Toutes ces facettes éclairent la figure de Joseph Folliet (1903-1972), mais sans nous en révéler l’ultime secret. Celui-ci réside peut-être dans son appartenance peu connue à la famille franciscaine. Voici quelques jalons marquants de son engagement comme fils de saint François.

Paris, 1927
Très marqué par sa rencontre avec Franz Stock – le futur aumônier allemand des prisons de Paris entre 1940 et 1944 –, Folliet lance en 1927 un mouvement de jeunesse consacré à la réconciliation franco-allemande et fondé sur la marche et la vie en plein air : les Compagnons de saint François. Très vite, les compagnons et compagnes nouent des liens étroits avec les Frères Mineurs (notamment avec le capucin Gratien de Paris), et organisent plusieurs « grands pèlerinages » vers Assise.

Clermont-Ferrand, 1938
Lors de ce congrès national du Tiers-Ordre (d’obédience capucine), Folliet prononce un long discours ponctué d’applaudissements. De même que François, qualifié de « militant » (C’est la grande période de l’action catholique !), a lutté contre les hérésies de son temps, de même « nous, membres du Tiers-Ordre », nous devons combattre le bolchévisme, mais avec nos armes, que sont la pauvreté, l’humilité, la charité : « Notre place à nous, tertiaires, c’est au centre de la mêlée sociale, où nous devons maintenir l’esprit de pauvreté et de charité. Le vrai tertiaire est celui qui met dans tous les actes de sa vie l’esprit de saint François. Vous êtes pères ou mères de famille ; votre famille doit être franciscaine. Vous êtes ouvriers, patrons ; votre vie au travail doit être franciscaine ».

Lyon, Juin 1944
Le 18 juin 1944 – juste avant la Libération de la ville –, Joseph Folliet fait profession dans le Tiers-Ordre. L’évènement, rapporté par plusieurs sources, se déroule dans la chapelle des clarisses de la rue Sala – l’actuelle résidence des jésuites – et en présence du provincial des franciscains de Lyon. Quelques jours auparavant, devant huit cents personnes, il avait donné une conférence intitulée Vers un monde nouveau par la Révolution franciscaine. Dans une ville encore occupée par les Allemands, il fallait oser.

Orléans, 1963
Invité au « Carrefour national des responsables des fraternités », Folliet, alors vice-président des Semaines sociales, dresse un « portrait du laïc franciscain » qu’il faudrait pouvoir citer en entier (et proclamer à haute voix !) tellement il est riche d’informations, profond sur le plan spirituel et bourré d’humour ! Folliet y évoque plusieurs grandes figures de tertiaires, dont « son maître », Marius Gonin, mais aussi Eugène Duthoit et Émile Romanet (l’inventeur des allo-
cations familiales). « Paradoxe vivant, comme saint François », le laïc franciscain est un « pacifique, pas un père tranquille, pas un bêleur de paix, même pas un crieur ou un hurleur de paix, mais au sens étymologique du mot et d’ailleurs au sens même de l’Évangile, un faiseur de paix. Il fait la paix ».

Lyon, 19 mars 1968
Ce jour-là, Joseph Folliet est ordonné prêtre au sein du Prado par Mgr Ancel. En ce temps de contestations tous azimuts (nous sommes à la veille des « évènements »), beaucoup ne comprennent pas l’engagement clérical d’un homme qui passe le cap des 65 ans. C’est pourtant le couronnement de son parcours franciscain. Lui-même s’en explique dans un très beau texte sur la spiritualité du père Chevrier – fondateur du Prado et lui-même tertiaire : « S’il convient de trouver des origines à cette spiritualité, écrit Folliet, c’est vers l’école française du XVIIe siècle qu’il convient de se diriger, mais surtout vers la tradition franciscaine […]. Lisant les œuvres et la biographie du père Chevrier, le franciscain se retrouve en paysage connu […]. Le franciscanisme du Prado est un franciscanisme pour banlieue industrielle des XIXe et XXe siècles, un peu comme le décor industriel, urbain et prolétarien qui environne, maintenant à Saint-Fons, la bergerie des clochettes (c’est-à-dire l’ermitage du père Chevrier) ». Dans la spiritualité du fondateur du Prado, Folliet retrouve « la source franciscaine, toujours pure, mais prolongeant ses eaux jusqu’à nos jours, parmi les fumées, les scories et les fracas du monde contemporain ».
Ces quelques jalons donnent à penser que c’est toute la vie de Joseph Folliet qui a été comme imprégnée par la spiritualité franciscaine. Quel est l’historien qui nous éclairera sur cet axe, peut-être central, de la personnalité du fondateur des Compagnons de saint François ?

Pour en savoir davantage : Antoine Deléry, Joseph Folliet (1903-1972). Parcours d’un militant catholique, Paris, Éditions du Cerf, 2005.

Updated on 21 Novembre 2022
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