La crèche, une histoire franciscaine

25 Novembre 2013 | par

« Maman, papa, quand est-ce que l’on fait la crèche ? » Parfois lancinante, souvent attendrissante, cette question est sur la bouche de nombreux enfants dès que Noël approche et qu’apparaissent dans les commerces des guirlandes lumineuses. Alors, au début du temps de l’Avent, les parents vont chercher au fond d’une grande armoire ou au grenier les cartons remplis de santons. Armés de papier crèche et de patience, ils construisent avec leur progéniture ce véritable condensé de catéchisme pour tous. Qu’elle soit provençale, napolitaine ou d’Amérique latine, la crèche offre ainsi aux yeux des petits comme des plus grands la représentation éloquente d’un passage de l’Évangile de saint Luc : « Marie mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux à l’auberge » (Lc 2, 7).

Dans les familles, la tradition de la crèche est bien ancrée. Y compris, bien souvent, dans les foyers où nul n’ira à la messe au soir de la Nativité. Au fil de l’Avent, d’aucuns rajouteront des personnages dans la crèche. Dans certaines familles, chaque enfant possède un mouton que ses parents approchent plus ou moins du cœur de la crèche en fonction de son comportement ! La tradition de la crèche vient de loin et, beaucoup l’ignorent, remonte à saint François d’Assise, au XIIIe siècle.

 

Il y a près de huit siècles

Le petit village de Greccio est perché sur les pentes du mont Lacerone, dans la chaîne de montagne des Apennins. Non loin de la ville de Rieti et à une centaine de kilomètres au nord-est de Rome, c’est là que séjourne François en 1223, dans un ermitage, trois ans avant sa mort. Le Poverello, affaibli et qui a donné naissance à un ordre désormais florissant, a choisi de se retirer. Noël approche et il souhaite mettre en avant l’humilité de l’Incarnation du Christ. Une idée germe dans l’esprit de François, qui demande à un seigneur de la région de l’aider à la mettre en œuvre. La suite, c’est son tout premier biographe, le frère Tommaso da Celano, qui la raconte en rapportant tout d’abord la demande de François à ce noble personnage, Giovanni Velita : « Si tu veux que nous célébrions la naissance de Jésus à Greccio, va devant, et prépare ce que je te dis : je voudrais représenter l’enfant né à Bethléem, et en quelque sorte voir avec les yeux du corps les difficultés où il s’est trouvé par le manque des choses nécessaires à un nouveau-né, comment il était couché dans une crèche et comme il gisait sur la paille entre le bœuf et l’âne ».

Giovanni s’empresse alors d’aller préparer dans la grotte désignée par François ce qui va devenir la première crèche vivante de l’histoire, au milieu de la forêt. Au soir de Noël, des frères de la région se mêlent aux habitants venus avec des bougies et des torches pour illuminer la nuit. On a apporté du foin, un âne et un bœuf. François rayonne de joie, raconte Tommaso da Celano, car « dans cette scène émouvante, on voit briller la simplicité évangélique, on fait l’éloge de la pauvreté, et on recommande l’humilité ». « Greccio est devenu comme un nouveau Bethléem, poursuit le frère Tommaso, cette nuit est claire comme en plein jour et douce aux hommes et aux bêtes ! Les gens affluent et se réjouissent d’une joie jamais goûtée auparavant, face au mystère nouveau. La forêt résonne de voix, et les rochers imposants font écho aux refrains joyeux. Les frères chantent les louanges à l’Éternel, et la nuit entière semble un tressaillement de joie. »

Au soir de Noël, François a revêtu ses habits de diacre, et il proclame l’Évangile de la Nativité d’une voix forte. Dans la crèche, il n’y a ni Marie, ni Joseph, ni Jésus, mais François aurait eu une vision de l’enfant et il parle alors aux gens avec des mots très doux, il rappelle le Roi nouveau-né pauvre et la petite ville de Bethléem. Ceux qui assistèrent à cette veillée de Noël furent emplis de joie et l’on répéta l’initiative l’année suivante, à Greccio et ailleurs, de sorte que la tradition se répandit.

 

Jusqu’à Bethléem

Aujourd’hui encore, à Greccio, les frères franciscains et la ville font mémoire de la première crèche vivante. 790 ans plus tard, de nombreuses manifestations y sont organisées par la Pro Loco (le réseau d’associations de bénévoles qui s’occupe de la promotion touristique locale en Italie, ndr) de Greccio et des milliers de personnes assistent au moment de Noël à une merveilleuse révocation de la première crèche. Une crèche vivante de Greccio se déplace même cette année jusqu’à Bethléem, là où tout a commencé.

On a coutume de dire que si les Franciscains ont réalisé la première crèche vivante, ce sont les Jésuites qui ont remplacé les personnages vivants par des statues. De quoi rendre heureux le premier pape jésuite… qui a pris le nom de François et s’apprête à célébrer le premier Noël de son pontificat !

Au moment de bâtir la crèche en famille, repensons à l’expérience de saint François et au Dieu incarné en la personne de son Fils. Cherchons à avoir la simplicité d’un enfant pour que, si notre esprit et notre cœur croient, nous puissions grâce à nos sens être confortés par la vue de la Sainte Famille. Comme le ravi de la crèche ou les rois mages, approchons-nous de l’enfant emmailloté et couché dans une mangeoire. En silence, adorons-le. 

 

« Sur la mangeoire qui était entre le bœuf et l’âne, François faisait célébrer, la sainte Eucharistie.

Par la suite, sur cette mangeoire un autel fut construit, afin que là où un temps les animaux avaient mangé le foin, maintenant les hommes puissent recevoir, pour le salut de l’âme et du corps, la chair de l’Agneau immaculé Jésus Christ, comme raconte Celano. Dans la sainte nuit de Greccio, François comme diacre avait personnellement chanté d’une voix sonore l’Évangile de Noël. Grâce aux splendides cantiques de Noël des Frères, la célébration semblait tout un tressaillement de joie. Justement, la rencontre avec l’humilité de Dieu se transforme en joie :  sa bonté crée la vraie fête ».

 

Benoît XVI, extrait de l’homélie de la Messe de la nuit au Vatican, 24 décembre 2011.


 

 

Updated on 06 Octobre 2016