La durée du couple et les enfants

01 Janvier 1900 | par

Le Messager Qu’est-ce qui, à votre avis, fonde la durée du couple? Le sentiment amoureux, l’engagement, la préparation, la foi?
Michel et Monique Rouche
– Un des points les plus importants pour la durée du couple actuellement, même si la parole publique, comme acte d’engagement extérieur manque parfois, est l’existence d’un projet à deux. Si, en plus, ce projet est conçu comme étant un engagement devant Dieu, alors les conditions sont encore meilleures. Une deuxième condition qui permet à un projet d’être viable est un enracinement dans une culture, culture générale et culture religieuse en particulier.

  Les couples d’aujourd’hui ont-ils des racines?
– Avec le dépeuplement des campagnes et le surpeuplement des villes, aujourd’hui ces racines ont presque disparu. Le problème est donc de savoir si, à l’intérieur de la famille où vivent les jeunes, il y a une mémoire familiale, entretenue et transmise de génération en génération. La maîtrise du passé et l’histoire d’une famille permettent aux jeunes de percevoir ce que c’est que la durée et de s’apercevoir que les choses ne réussissent qu’avec l’aide du temps. Le temps est le lieu de la réussite, il est donné par Dieu pour, avec la patience de Dieu, réussir dans la durée.

Qui dit temps dit aussi préparation…
– Cette préparation nous paraît absolument fondamentale. A une époque où tout s’accélère, il est important de prendre du temps pour connaître l’autre, discuter avec lui, l’écouter, avant d’entamer une vie commune. Une fois ensemble, en effet, il y a l’éblouissement charnel et une quantité de réalités si différentes qu’il est difficile de se connaître vraiment. Une vraie connaissance n’est pas possible sans une certaine distance.

– Les jeunes ont-ils peur de s’engager?
– Ils ont très peur de s’engager dans la durée parce qu’ils voient autour d’eux des couples qui échouent ou qui ont l’air de s’ennuyer. C’est là où les couples qui s’aiment et qui croient à l’amour ont un rôle fantastique. Le témoignage de ceux qui tiennent le coup est absolument fondamental. Pour les enfants, avoir des parents ou des grands-parents qui ne divorcent pas est un encouragement à s’accepter dans la durée… Par ailleurs, l’accumulation des souffrances parmi ceux qui ont vu leur couple craquer fait que petit à petit on recherche ceux qui tiennent. Maman, nous avons besoin de modèle ! disaient ses deux filles à une mère divorcée, mais la mère ne pouvait leur offrir ce modèle…

Comment la durée du couple contribue-t-elle à structurer l’enfant, physiquement et affectivement?
– C’est l’amour du père et de la mère qui contribue à structurer l’enfant. C’est dans leur tendresse qu’il trouve la sécurité qui lui donne confiance en lui-même et dans la vie. Cet amour est important aussi parce qu’il permet à l’enfant de ne pas se sentir responsable, en cas de divorce, de l’échec de ses parents. Il sait que ce sont eux qui se donnent leur bonheur et un jour il pourra, à son tour, quitter la maison et avoir ce même bonheur, avec le mari ou la femme qu’il aura choisi(e).

Comment, au contraire, les ruptures influencent-elles son éducation?
– Les crises et les séparations des parents font douter les enfants d’eux-mêmes. Ils ne comprennent pas ce qui s’est passé. En général, quand il y a eu séparation, l’enfant aura la tentation de vouloir imiter son père ou sa mère dans ce qu’ils ont fait, et ceci explique que, chez les enfants de divorcés, le taux des divorces est supérieur à ceux dont les parents n’ont pas divorcé. Il y a une sorte d’imitation perverse qui fait que l’enfant est incapable de produire un autre modèle que celui des parents divorcés.
On assiste aussi au cas inverse : les enfants qui ont souffert à cause de la séparation de leurs parents redoublent de vigilance et se disent : Chez nous, ça ne se passera pas comme ça! …

– Lorsque l’enfant ne peut atteindre son équilibre au sein du foyer, où peut-il le trouver?
– Les grands-parents peuvent jouer encore un rôle d’équilibre affectif. Actuellement, leur génération n’en est pas encore au stade du divorce, mais cela ne saurait tarder et certains enfants s’étonnent qu’ils n’en soient pas déjà là. Mais enfin, disait une fillette à sa grand-mère, ça fait 50 ans que vous êtes mariés, comment se fait-il que vous n’ayez pas encore divorcé?
L’aide à l’enfant peut venir de la mère qui en a la garde si elle accepte de l’envoyer régulièrement chez son père. Lorsque le père est pervers ou violent, des points-rencontre sont d’ailleurs prévus par l’administration ou des mouvements, pour que le père puisse rencontrer ses enfants avec la présence d’un tiers, qui garantit que tout se passe bien pour l’enfant.
L’enfant qui aime toujours ses parents peut aussi les entraîner sur la voie du pardon. Une démarche qui, lorsqu’elle aboutit, ferme bien des blessures…
D’autres fois, la mère procure elle-même à l’enfant une sorte d’affection paternelle de substitution, en le confiant à un oncle, un prêtre, un professeur, un éducateur, un modèle masculin qui pourra équilibrer le rôle de la mère.

– Trouve-t-il une aide en milieu scolaire?
– En général les mauvaises notes des enfants dont les parents sont séparés sont l’indice d’un malaise psychologique intérieur. Les professeurs s’en aperçoivent vite, car l’atmosphère de la classe en souffre. Ces enfants ont en effet une instabilité motrice et une incapacité à écouter qui sont l’expression d’un malaise profond. Dans ces cas, les professeurs peuvent s’en inquiéter auprès des parents, et les parents, demander l’aide et la collaboration des éducateurs.

– Comment aidez-vous les couples et les enfants dans le cadre de la revue Alliance?
Nous avons souvent abordé ces questions sous l’angle de la famille, du corps et du cœur, du rôle du père, de l’éducation des enfants et, dans le dernier numéro, sous l’angle de la durée précisément. Nous travaillons également en lien avec les Associations familiales, les Centres de Préparation au Mariage, les Equipes Notre-Dame, l’Institut de la Famille que nous dirigeons nous-mêmes. Par toutes ces instances, nous essayons de fournir, surtout aux jeunes, des pistes de réflexion qui les aident a construire leur couple dans la durée. Un travail patient, de proche en proche, qui fait tache d’huile et où il est important, comme nous le disions au départ, de laisser le temps faire son travail.

Propos recueillis par
Valentin Strappazzon

Pour aller plus loin avec Alliance (49, rue de la Glacière, 75013 Paris)

Oser la famille (n° 93-94)
Le corps et le cœur
(n° 106-107)
Familles éclatées
(n° 109)
Etre père aujourd’hui
(n° 110)
La décision de se marier
(n° 116)
Eduquer nos enfants
(n° 118-119)
Le couple et la durée
(n° 124-125), avec un index donnant les sujets traités en vingt ans.

Le numéro double 87-88, Revivre, après deuil ou divorce, propose, p. 58, de nombreuses adresses de Points-Rencontre et de Médiations familiales, à Paris et banlieue, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Grenoble, La Roche-sur-Yon, Le Havre, Lille, Lyon, Nantes, Pau, Perpignan, Poitiers, Toulouse, Villeurbanne. Et p. 51, des organismes et des mouvements pouvant aider, en France, couples et enfants sur le plan psychologique et spirituel.

 

Updated on 06 Octobre 2016