La formation des prêtres

20 Janvier 2009 | par

Une relève, ça se forme. Lors de la séance plénière des évêques de France à Lourdes cet automne, la question de la formation des futurs prêtres a été étudiée. Comment les préparer aux nouvelles réalités ecclésiales ? Les débats ont notamment tourné autour de l’année propédeutique, cette année de discernement et de formation spirituelle avant le séminaire. Seule la moitié des diocèses la proposent. Pour le moment, la réflexion sur sa généralisation a été reportée dans les provinces.



Une préoccupation ancienne

Ce renforcement de la formation spirituelle des futurs prêtres pourrait en partie répondre à la crise des vocations. Depuis quelques années, le nombre de séminaristes se tasse autour de 700, soit 130 aspirants et une centaine d’ordinations par an. « L’Eglise peut survivre sans prêtre, mais elle ne peut pas se développer, note Luc Perrin, professeur d’histoire contemporaine à la faculté de théologie de Strasbourg et spécialiste du clergé et du catholicisme. Face à la pénurie actuelle et pour mettre en place la nouvelle évangélisation définie par Jean-Paul II, l’Eglise occidentale cherche à renforcer la formation de son clergé. » En somme, elle considère que son avenir dépend en grande partie des prêtres et de leur formation intellectuelle, spirituelle et humaine. Ces préoccupations ne sont pas nouvelles, rappelle Luc Perrin, « dès le XVe siècle, l’élite cléricale considère que la formation de ses prêtres est insuffisante. Cette prise de conscience s’accroît avec la Réforme : Luther est très bon en prêche, ce qui est loin d’être le cas de nombreux curés. Ceux-ci sont souvent formés sur le tas auprès d’un ancien. Ils savent souvent à peine lire et leur formation spirituelle est limitée. Aussi, en 1562, un décret du Concile de Trente “crée” les séminaires. »

Comme l’a assuré Benoît XVI aux évêques de France, le 14 septembre 2008 à Lourdes, « [la vie spirituelle des prêtres] est le fondement de leur vie apostolique. » A l’image du saint Curé d’Ars, les prêtres diocésains sont perçus aujourd’hui comme des “missionnaires immobiles”.

Missionnaires immobiles, mais exigeants quant à leur formation, voilà les nouveaux séminaristes. A Lourdes, Mgr Hippolyte Simon, archevêque de Clermont, s’est ainsi plaint de la propension croissante des séminaristes qui choisissent « leur évêque, leur diocèse, leurs réseaux ». L’attractivité de certains centres de formation comme Paris, Fréjus-Toulon, Strasbourg, Toulouse, Lyon, Issy-les-Moulineaux, en menace d’autres. Pour le P. Gérard Le Stang, secrétaire du Conseil national des grands séminaires et supérieur du séminaire de Rennes, les jeunes ne sont pas fautifs, « ils sont amenés, par la force des choses, à choisir leur séminaire. Souvent quand ils entrent au séminaire, ils ont déjà une expérience de vie étudiante et professionnelle, ils ont voyagé. Aussi des critères géographiques, familiaux, intellectuels rentrent-ils en ligne de compte dans leur choix ». Une tendance que confirme le P. Arnaud Adrien, supérieur du séminaire La Castille de Fréjus-Toulon, « les jeunes sont peu fidélisés à un terroir. » 



Diverses formations

D’autant qu’il existe différentes formations : le séminaire diocésain classique, les formations universitaires et les séminaires de communautés à l’étranger. Aujourd’hui, 40% des ordinations concernent des prêtres formés en dehors de séminaires diocésains. Dans ce cas, il est difficile pour l’évêque d’unifier son presbyterium, défini depuis Vatican II comme l’ensemble des prêtres d’un diocèse. L’articulation avec l’autorité épiscopale est d’autant plus complexe avec des mouvements tels que le Chemin néo-catéchuménal, les Béatitudes, et certains mouvements traditionalistes qui forment leurs prêtres presque exclusivement au sein de leur communauté. Dans le cas des mouvements traditionalistes, aucun ne dispose de séminaires en France. Les jeunes partent donc se former à l’étranger, comme à Wigratzbad en Bavière pour la Fraternité sacerdotale de saint Pierre (FSSP). D’après Luc Perrin, la section française de la FSSP accueille une centaine de jeunes hommes. L’Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre dispose lui d’un séminaire dans le diocèse de Florence, à Gricigliano. « Des études montrent qu’en 2010-2020 les prêtres formés dans les séminaires traditionalistes représenteront 15% des nouveaux ordonnés », précise Luc Perrin.



Des séminaires en évolution

Pour mieux répondre aux attentes des futurs prêtres et enrayer ce que certains évêques considèrent comme des formations concurrentes, les séminaires diocésains évoluent. Après le mouvement de regroupement des séminaires, suite au décret du 7 décembre 1965 sur le ministère et la vie des prêtres (Presbyterorum ordinis) du Concile Vatican II, des séminaires fermés rouvrent comme celui de Fréjus-Toulon en 1983 ou celui de Nice en 2002. A l’image de la réforme du séminaire de Paris, entreprise par Mgr Lustiger dès 1981, pour qui la formation des prêtres constitue plus un chemin de conversion spirituelle et un apprentissage ecclésial qu’un simple enseignement, des diocèses renforcent la formation intellectuelle et spirituelle, en insistant notamment sur la lectio divina, l’oraison et la vie communautaire.

Certains séminaires décident d’accueillir les jeunes de sensibilités différentes. A Fréjus-Toulon, le séminaire est ouvert aux jeunes de l’Emmanuel, du Chemin néo-catéchuménal, de la communauté Shalom, mais aussi à des jeunes traditionnels. Pour le P. Arnaud Adrien, supérieur du séminaire La Castille du diocèse de Fréjus-Toulon, « la dimension missionnaire du séminaire permet d’unifier les différentes sensibilités. » Au service des vocations de la communauté de l’Emmanuel, le P. Xavier Malle précise les attentes de la communauté vis-à-vis de ce nouveau type de séminaire. « Nous cherchons à ce que nos séminaristes continuent à vivre notre vie communautaire, qu’ils puissent par exemple se rendre aux réunions hebdomadaires de maisonnées. Il faut pour cela que le séminaire soit proche d’une communauté de l’Emmanuel. » Et que le supérieur et l’évêque acceptent ces aménagements.





Le sacerdoce : indispensable

« On ne dira jamais assez que le sacerdoce est indispensable à l’Eglise, dans l’intérêt même du laïcat. Je vous invite à rester soucieux d’aider vos prêtres à vivre dans une union intime avec le Christ. Leur vie spirituelle est le fondement de leur vie apostolique. […] A l’école du curé d’Ars, fils de votre terre et patron de tous les curés du monde, ne cessez pas de redire qu’un homme ne peut rien faire de plus grand que de donner aux fidèles le Corps et le Sang du Christ, et de pardonner les péchés. Cherchez à être attentifs à leur formation humaine, intellectuelle et spirituelle et à leurs moyens d’existence. [ …] 

N’oubliez pas qu’ils sont, comme le dit le Concile Vatican II, reprenant la superbe expression utilisée par saint Ignace d’Antioche aux Magnésiens, “la couronne spirituelle de l’Evêque” (LG 41). »



Allocution du pape Benoît XVI lors de sa rencontre avec les cardinaux et évêques français à Lourdes,  le 14 septembre 2008.




 

Updated on 06 Octobre 2016