L'Année du Rosaire

01 Janvier 1900 | par

Jean-Paul II a toujours aimé le rosaire. Et sa piété mariale est connue. Témoin, sa devise pontificale Totus tuus (Tout à toi), inspirée de Louis-Marie Grignion de Montfort. Rien d’étonnant donc si, le 16 octobre dernier, jour du 24e anniversaire de son accession au trône pontifical, il publiait une Lettre apostolique sur ce sujet. Rosarium Virginis Mariae, le Rosaire de la Vierge Marie, récapitule toute l’affection profonde du vieil homme pour cette prière.  Le Rosaire est ma prière préférée, écrit-il, reprenant des propos tenus en 1978. C’est une prière merveilleuse. Merveilleuse de simplicité et de profondeur. 

L’art de la prière

D’octobre 2002 à octobre 2003, Jean-Paul II propose donc de placer l’année sous le signe de cette  prière destinée à porter des fruits de sainteté . Car le rosaire concentre en lui la profondeur de tout le message évangélique, dont il constitue presque un résumé.

L’initiative est motivée par diverses considérations : une certaine crise de cette prière, amoindrie dans le contexte actuel, la crainte d’apparaître peu œcuménique. Mais avant tout, Jean-Paul II veut  favoriser l’engagement de contemplation du mystère chrétien . Car le Saint-Père tient à un christianisme qui se distingue dans l’art de la prière. D’autres raisons militent pour ce renouveau de la prière à Marie : l’urgence d’implorer le don de la paix et de défendre la famille. De surcroît, de nombreux saints ont trouvé dans le rosaire une authentique voie de sanctification, pratiquée, entre autres, par le Padre Pio et le bienheureux Bartolo Longo, véritable apôtre du rosaire, près la Basilique de Pompei.

Nouveaux mystères

Mais le rosaire ne risque-t-il pas devenir une récitation sans âme ? En insistant sur sa dimension contemplative, le Pape réhabilite la notion de souvenir : prier avec Marie, c’est actualiser les événements du salut et entrer dans un chemin de médiation et de supplication. Autre élément important : le rosaire est orienté vers le Christ.

C’est pourquoi Jean-Paul II veut compléter cette invocation. A côté des 150 Ave, découpés en mystères joyeux (Incarnation et vie cachée du Christ), douloureux (Passion) et glorieux (Résurrection), le Pape propose des mystères dits lumineux. Ces derniers remémorent les événements de la vie publique de Jésus, à travers cinq faits majeurs : le baptême, les noces de Cana, l’annonce du Royaume, la Transfiguration et l’institution de l’Eucharistie.

Lors de la prière, ces nouveaux mystères de lumière viennent s’intercaler après les mystères joyeux et avant les mystères douloureux. Cet ajout, qui fait passer le chapelet de 150 à 200 Ave, est laissé à la libre appréciation des personnes et des communautés , précise le Pape. En pédagogue avisé, Jean-Paul II souligne que  chaque mystère du rosaire, bien médité, éclaire le mystère de l’homme .

Prière familiale

La méthode du rosaire est fondée sur la répétition, souligne l’auteur de la Lettre. Cependant nul besoin de chercher des formules analogues dans d’autres religions : cette prière à Marie est le fruit d’une expérience séculaire, alliant le visuel et l’imagination, favorisant la concentration de l’esprit sur le mystère du Christ. Le centre de gravité de l’Ave Maria, qui est presque comme une charnière entre la première et la seconde partie, est le nom de Jésus , précise Jean-Paul II. La semaine priante pourra prendre, selon lui, la forme suivante : le lundi et le samedi les mystères joyeux ; le jeudi les mystères lumineux ; le mardi et le vendredi les mystères douloureux ; le mercredi et le dimanche les mystères glorieux. Alliant la simplicité d’une prière populaire et la profondeur théologique d’une prière contemplative, le rosaire est une réponse au besoin de prière d’aujourd’hui. Elle est  par nature orientée vers la paix , précise le Pape en conclusion de Rosarium Virginis Mariae. De plus, cette prière est par excellence une prière familiale. Antidote à la présence massive de la télévision dans nos familles, le Pape préconise la récitation du rosaire en famille  pour introduire dans la vie quotidienne des images différentes  de celles du petit écran. Il est beau de confier à cette prière le chemin de croissance des enfants , indique la Lettre. Mais sans récitation ennuyeuse : il faut faire des aménagements concrets pour ne pas lasser. Car dans ce domaine aussi, les jeunes peuvent surprendre les adultes.

 

Jean-Paul II et le Rosaire

Faisant suite à la réflexion proposée dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte… j’ai senti la nécessité de développer une réflexion sur le Rosaire… pour exhorter à la contemplation du visage du Christ en compagnie de sa très sainte Mère et à son école… Pour donner un plus grand relief à cette invitation, je désire que, tout au long de l’année, cette prière soit proposée et mise en valeur de manière particulière dans les différentes communautés chrétiennes.

Je proclame donc l’année qui va d’octobre de cette année en octobre 2003 Année du Rosaire.

(Lettre Apostolique Rosarium Virginis Mariae, n° 3.)

Chapelet et rosaire

On distingue le chapelet et le rosaire, le premier correspondant à cinq dizaines d’Ave Maria, précédés chacune d’un Notre Père ; le second à trois chapelets, soit 15 dizaines. Traditionnellement, les 150 Je vous salue, Marie

du rosaire correspondent aux 150 psaumes de la Bible ; pour cette raison, le Rosaire a été aussi appelé

le bréviaire des pauvres , par analogie avec la prière liturgique des clercs.

Le chapelet, c’est littéralement le petit chapeau, au sens de couronne. Le mot rosaire a d’ailleurs la même origine : les deux proviennent de l’usage, au Moyen Age, de couvrir les statues de la Vierge de roses, chaque fleur symbolisant une prière. D’où l’idée d’utiliser un collier de grains pour prier Marie. La coutume était déjà en vigueur lorsque saint Bernard la développa, au XIIe siècle. Un siècle plus tard, saint Dominique demanda à ses frères de porter un chapelet à leur ceinture. Les deux ordres, cistercien et dominicain, favorisèrent ainsi la prière mariale. Et en 1573, le pape Pie V institua la fête de Notre-Dame du Rosaire, célébrée le 7 octobre. Le rosaire correspond à la récitation de trois chapelets, divisés en trois mystères : les mystères joyeux (Annonciation, Visitation, Nativité, Purification, Jésus retrouvé au Temple), douloureux (Agonie au Jardin, Flagellation, Couronnement d’épines, Portement de croix et Mort sur la Croix) et glorieux (Résurrection, Ascension, Pentecôte, Assomption, Couronnement de la Vierge). La Lettre apostolique de Jean-Paul II fait donc passer les mystères de trois à quatre, avec l’ajout des mystères lumineux.

 

TÉMOIGNAGES

Du zapping à l’égrenage

Dominique Lehnherr est animateur de l’accueil Bethraïm-Maison de la Vie à Lausanne, qui prend en charge des personnes toxicomanes. Il nous partage sa passion pour le chapelet :

 Le chapelet n’est pas une fin en soi. Je l’intègre dans une dimension éducative de Marie. Prier le chapelet, c’est se mettre à l’école de la Vierge. Cette dimension pédagogique se double d’une dimension humaine : la fonction imaginative est nourrie et recentrée grâce à la prière du chapelet. C’est important dans un monde où l’imaginaire est sans cesse sollicité. C’est un retour au réalisme évangélique.

Dans mon travail avec des personnes toxicomanes à l’imaginaire très éclaté, cela me permet d’avoir un axe. Dans la rue, j’ai un chapelet dans ma poche et je m’agrippe à ses boules. Chaque grain égrené, c’est de l’amour transfusé dans notre monde. Dans ce monde déboussolé, nous sommes dans la situation de Marie au pied de la croix. La Lettre de Jean-Paul II nous situe dans cette scène évangélique du  Voici ta mère . Notre humanité est au pied de la croix et ne sait plus quoi faire.

Au niveau du couple et de notre famille, cette Lettre du Pape a permis un renouveau. Nous avons tenté cette aventure de dire un mystère chaque jour. Et je suis passé du zapping avec ma télécommande, le soir, à l’égrenage du chapelet comme un moyen de ne pas me disperser. 

Une arme d’amour

La fribourgeoise Chantal Clément, 62 ans, maman et grand-maman, a fondé avec son mari Conrad l’association SOS Futures Mamans en Suisse. Cette œuvre qui aide matériellement et financièrement les jeunes femmes enceintes, compte actuellement 23 sections en Suisse. Elle a essaimé dans 11 pays.

 Les fruits de cette prière sont immenses. Quand des gens nous attaquent, quand il y a de la violence autour de SOS Futures Mamans, le chapelet est la plus belle arme pour retrouver l’équilibre. On prie pour les personnes qui nous en veulent et nous avons pu constater que le calme revient en elles. Oui, la prière à Marie est vraiment la plus belle arme. Mais ce n’est pas une arme à feu : elle agit contre la mort, contre la violence. C’est une arme d’amour qui vous protège et protège l’autre. Dieu a une miséricorde pour le monde et le chapelet donne cette miséricorde.

Mon mari Conrad et moi, nous prions le chapelet tous les jours. J’ai donc été très heureuse de la Lettre du Pape sur le rosaire. Comme fiancés, on priait déjà le chapelet ensemble. Cette prière nous a vraiment portés dans la vie. Prier le chapelet, ça apporte la joie au cœur. On peut se promener dans la Judée, la Samarie : la récitation du chapelet nous emmène dans d’autres paysages et ça fait du bien.

Updated on 06 Octobre 2016