Le Jura pastoral, entre tradition et sécularisation

01 Janvier 1900 | par

Il y a chez les catholiques jurassiens une foi populaire, profonde et enracinée, forgée par une histoire de luttes et de souffrances. Les églises sont mieux fréquentées que dans d’autres contrées, les célébrations vivantes et originales, les jeunes amènent les plus âgés aux Montées vers Pâques… Nous avons une Eglise dans laquelle on se sent accueilli et entouré, même si l’on voit poindre l’indifférence.  Michèle Fringeli qui trace ce portrait est rédactrice d’Evangile et Mission, le bulletin officiel des diocèses romands.

Ce tableau rassurant et quelque peu idyllique, se voile de quelques ombres lorsqu’on aborde le problème de la sécularisation :  Elle a fait son chemin, estime une assistante pastorale… Parmi les pratiquants, beaucoup le sont par habitude. Je pense que cela ne durera plus très longtemps. Et elle ajoute que les jeunes répondent lorsqu’on leur propose une activité, mais seulement là où existe une pastorale orga-nisée :  Quand se produit une rupture pendant cinq ou dix ans, il est difficile de repartir. 

 Il y a vingt ans, souligne un couple, on suivait encore la tradition, mais aujourd’hui les enfants dont les grands-parents et les parents ont toujours pratiqué lâchement, sont plus indépendants d’esprit et n’acceptent plus l’enseignement moral de l’Eglise. C’est une des raisons majeures de leur éloignement. 

Face à cette réalité, le plan pastoral, en cours d’élaboration, cherche à faire face à cette situation :  Plutôt que de faire comme si tout tournait comme auparavant, il s’agit d’amener un changement d’attitude, explique Pierre Rebetez, vicaire épiscopal pour la partie francophone du diocèse et lui-même évêque auxiliaire de Bâle. Nous fixons quelques objectifs précis en vue d’un tel changement : ils concernent notam-ment la formation, l’accompagnement des personnes ou le renforcement du travail en équipes pastorales. 

Ainsi, par exemple, Agnès Chavanne Angiolini, assistante pastorale, est membre d’une équipe d’hommes et de femmes, de prêtres et d’assistants pastoraux, avec un diacre et une religieuse, chargés de Délémont et de cinq villages des alentours.

Et le vicaire épiscopal précise :  Il y a entre prêtres et laïcs une unité qui fait du bien. L’apport des laïcs, professionnels et bénévoles, représente une grande richesse. 

De même y a-t-il une unité entre les deux parties du Jura pastoral :  Elles forment une seule entité , affirme Michèle Fringeli.

Notre-Dame du Vorbourg témoignage de foi. Haut lieu de dévotion mariale au-dessus de Délémont, la chapelle du Vorbourg, rassemble des milliers de pèlerins, surtout lors des fêtes qui se déroulent chaque année entre le deuxième et le troisième dimanche de septembre. C’est en 1869 que Mgr Eugène Lachat, un Jurassien devenu évêque de Bâle, couronna solennellement en présence de six à huit mille personnes, la statue de la Vierge placée dans la chapelle du Vorbourg, vestige d’un château en ruines. Les semaines du Vorbourg ont été interrompues une seule fois, entre 1873 et 1875, durant les affres du Kulturkampf. Le préfet de Délémont y voyait  un moyen de résistance aux ordres du gouvernement et pour ameuter les masses . En 1874, 84 prêtres jurassiens furent bannis. L’Eglise du Jura avait dû faire face à l’adversité à la fin du siècle précédent, quand les troupes de la Révolution française avaient occupé la région. Dans la vallée, les Sœurs de Soyhières m’ont montré la cachette, aménagée derrière une paroi, où se dissimulait le curé Fleury, prêtre réfractaire qui célébrait l’eucharistie durant la nuit.

 Je ne vais pas toujours à la messe le dimanche, raconte une femme d’âge moyen, mais cette semaine je viens ici chaque jour.  Habituellement, elle donne du catéchisme à des handicapés :  Selon les médias, ajoute-t-elle, il faut être beau, fort, riche… Les handicapés représentent tout le contraire. Ils me rappellent les vraies valeurs… Et de conclure :  Pour moi, être chrétien, c’est être joyeuse et transmettre la joie. Rendre service avec joie. 

Pour d’autres pèlerins, Notre-Dame du Vorbourg est un lieu de prière et de témoignage de foi pour les enfants et les jeunes :  Nous sommes venues prier pour nos enfants et petits-enfants, m’ont confié des grands-mères au petit déjeuner du Vorbourg. Ils ne pratiquent pas et ça nous fait de la peine. On leur dit qu’on ne peut pas vivre comme des petits poulains ou des chats. Il y a autre chose… 

Engagement social Pour d’autres, Notre-Dame du Vorbourg est un lieu où s’exprime la détresse cachée :  Notre-Dame, note un cahier, sortez-moi de cette solitude… 

Jean-Noël Maillard, directeur de Caritas-Jura, est particulièrement sensible à ce cri :  L’isolement dans le Jura, explique-t-il, n’est pas le même que dans une grande ville. Il n’en existe pas moins. Il y a aussi des familles éclatées, beaucoup de Jurassiens qui partent à l’extérieur, laissant l’un ou l’autre au pays. Les petites épiceries où l’on déposait ses soucis ont fermé, le facteur ne distribue plus les rentes AVS… 

Pour combler les vides, on invente d’autres structures : Caritas a lancé des RESOS, réseaux de solidarité, qui rassemblent, dans un village ou un groupe de villages, des coordinateurs, des bénévoliens et des bénéficiaires ; des LARC Lieux d’accueil et de rencontre Caritas, pour des repas en commun ; des ateliers pour chômeurs, des groupes d’accompagnement pour personnes en fin de vie, des visiteurs de détenus. Au total 450 à 500 bénévoles sont ainsi à l’œuvre près des personnes en difficulté, dans le Jura pastoral.

Updated on 05 Octobre 2016