Le retour du terroir

01 Janvier 1900 | par

Produits du terroir, saveurs des traditions régionales et beauté de la nature, la France mérite sa réputation de “pays de cocagne”, face aux scandales des vaches folles, clonages et autres OGM.

« Douce France, chantait Charles Trénet. J’ai connu des paysages et des soleils merveilleux au cours de lointains voyages tout là-bas sous d’autres cieux, mais combien je leur préfère mon ciel bleu, mon horizon, ma grande route et ma rivière, ma prairie et ma maison. » Ces simples paroles d’une chanson se font l’écho d’une nouvelle tendance comme si, face aux incertitudes mondiales, tous les occidentaux éprouvaient le besoin de se rassurer par un retour aux sources et aux valeurs sûres.
Tout commence naturellement dans les assiettes. Après les différents scandales alimentaires comme la vache folle, le poulet à la dioxine, les OGM (organismes génétiquement modifiés), les détracteurs de la malbouffe sont de plus en plus nombreux. Le mot, lancé par José Bové, s’est répandu comme une traînée de poudre dans toute la francophonie. Depuis 1999, son action, même contestable par ses méthodes, a fait prendre conscience des dangers qui guettent notre alimentation.
Dans le même temps, en Italie, naît le mouvement Slow food qui prône les bienfaits d’une nourriture traditionnelle et vante les mérites des bons produits naturels et des petits plats mijotés. Cette association rassemble d’ores et déjà 75 000 membres répartis dans 45 pays. Parmi ses principales actions : la publication d’une revue en cinq langues, l’animation d’un site Internet et surtout l’organisation de salons gastronomiques. En octobre 2002, à Turin, le quatrième salon du goût a attiré 140 000 visiteurs venus du monde entier

La qualité d’abord

Les adeptes du retour des produits locaux et artisanaux font le bonheur des petits producteurs qui peuvent désormais jouer la carte de la qualité, ce qui impose une vraie révolution des pratiques et des mentalités. En effet, si la mécanisation et la production intensive ont permis aux Français, et autres Européens, de ne plus avoir de tickets de rationnement à partir du milieu des années 1950 aujourd’hui ce modèle d’agriculture est responsable de la pollution des sols, des rivières et des crises alimentaires. Et les signaux d’alarme retentissent partout d’où l’exigence des consommateurs sur l’origine de leur alimentation.
« Pour le bœuf comme pour le poulet, je choisis toujours le label rouge, précise Marie, une mère de famille soucieuse de la santé de ses enfants. Et pour certains légumes comme les carottes ou les tomates, je les choisis bio pour le goût. » Le succès des labels de qualité est croissant. Les produits d’appellation d’origine contrôlée (AOC) concernent 113 000 exploitations et une gamme de plus en plus large, des vins au fromages en passant par les huiles, les viandes, le miel, les fruits et légumes. Le logo Label Rouge garantit la qualité supérieure d’un produit. A toutes les étapes de la production et de l’élaboration, le produit doit répondre à des contrôles et exigences sévères en matière de qualité et de goût. Le label Atout qualité certifié est plus ambigu. Il atteste simplement une qualité régulière et distincte du produit courant. Enfin, bien sûr, le label AB, agriculture biologique, garantit que l’aliment en question est issu d’un mode de production naturel et respectueux des équilibres sans produits chimiques de synthèses.
Sur le territoire français, on trouve des dizaines de produits du terroir qui sont, à nouveau, fabriqués à partir de recettes locales et d’un savoir-faire artisanal. Les produits oubliés reviennent en force. C’est le cas des huiles d’olives du Sud de la France. Pas moins de 26 000 oléiculteurs fabriquent des centaines de crus d’huile d’olive différents dans les 150 moulins. « La production française dont la faible quantité ne pourra jamais concurrencer celle d’Italie ou d’Espagne joue à fond la carte de la qualité , précise Jean-François Margier, oléiculteur à Auriol dans les Bouches du Rhône. Il en résulte des huiles goûteuses que les amateurs n’hésitent pas à payer un peu plus cher ainsi nous nous y retrouvons. » Nous bénéficions aussi de produits du terroirs classiques que nous prenons plaisir à redécouvrir : le piment d’Espelette, les prunes séchées de Corse, l’anguille fumé du Bordelais, les marrons glacés d’Ardèche... Enfin, il y a des nouveautés surprenantes comme l’huile vierge de chanvre de Guenard, le Breizh Cola de Phare Ouest (un coca cola breton!) ou la confiture de pêche au safran du Lot... De quoi émoustiller ses papilles à tous les repas !

Le tourisme rural

Rien de tel que de déguster dans le contexte d’autant plus qu’à la campagne, le citadin renoue avec des valeurs que le progrès a écartées de sa vie quotidienne. Jacques, Catherine et leurs deux filles de 10 et 12 ans passent leurs vacances en gîte depuis plusieurs années. « Pour nous, c’est le vrai repos et c’est idéal pour les enfants. Elles sont ravies de découvrir les animaux et adorent les nourrir en compagnie de la fermière. Nous faisons de longues balades à pied ou en vélo avec des pique-niques le midi. Nous achetons presque tous nos produits à la ferme. On mange bien ! Nous ne connaissons vraiment pas de meilleurs moyens de nous ressourcer ! » Selon une enquête du CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie), l’image des séjours à la campagne est celle de vacances saines et reposantes et de destination bien adaptée aux enfants, mieux que la montagne mais cependant moins bien que la mer.
Le tourisme rural, c’est aussi un poids économique puisque la campagne est le deuxième espace de vacances après le littoral et que les dépenses touristiques à la campagne ont été évaluées en 2001 à 14 milliards d’euros soit 19,2% des dépenses nationales (source du Ministère du Tourisme). Si tous les acteurs ne sont pas des paysans, le tourisme rural apporte à ces derniers la possibilité de diversifier leurs revenus, condition souvent indispensable à leur maintien. « Lorsque nous sommes arrivés dans le hameau avec nos quatre enfants, raconte Christine Herlin, éleveuse de chevaux dans le Cher, nos voisins ont été ravis. Sans nous, il n’y avait plus d’activité. » A l’élevage est venu s’ajouter la ferme équestre avec randonnée, les chambres et la table d’hôte. La vieille dame d’à côté est ravie: « Ce sont toujours des gens charmants qui viennent et qui ont envie de parler. » Car voilà bien aussi la grande motivation de ces vacances natures : la simplicité et la convivialité. « Après une journée de randonnée à cheval, on se retrouve tous ensemble à la table d’hôte et c’est super », confirme Constance. D’autant qu’en général, la cuisine maison à base de produits de la ferme est délicieuse.

Le renouveau des races anciennes

Retour au terroir, retour aux racines... Pas étonnant donc que réapparaissent les races rustiques. On revoit les percherons paître un peu partout dans les prairies et on assiste au retour des ânes, comme le Grand Noir du Berry ou l’âne bourbonnais, la septième race asine à être reconnue par les haras nationaux en une quinzaine d’années.
Cette mode des races anciennes ne concerne pas que les équidés. Dans l’ensemble de la filière, l’élevage tente de remettre au goût du jour des espèces qui étaient en voie de disparition pour conserver la biodiversité, mais surtout pour leur intérêt gastronomique ! Retour donc du porc de Bayeux ou de la vache Maraîchine, race croisée entre la Normande et la Parthenaise qui ne compte plus qu’une soixantaine de bêtes. Chez les volailles, la chair goûteuse des races anciennes comme les poules Géline, Gauloise, Houdan ou Barbezieux n’a aucun rapport avec les variétés hybrides sélectionnées pour grossir le plus vite possible. Bien que les poulets Label rouge ou Bio soient nourris au moins deux fois plus longtemps que les poulets en élevage intensif, ils sont aussi issus de races hybrides. Et bien sûr, toutes les manifestations qui vont avec connaissent un nouveau succès. La foire aux ânes de Lignières (Cher), par exemple, compte chaque année de plus en plus de visiteurs et de plus en plus de participants. Pareille en botanique. Les fêtes des orties ou du lin en Normandie permettent de retrouver les vieilles recettes d’antan. De là à revêtir les costumes d’antan, il n’y a qu’un pas vite franchi pour le bonheur des amoureux de traditions et de terroirs.

L’Europe des saveurs

Si la France cultive ses terroirs, ses voisins n’ont rien à lui envier. Que ce soit en Belgique, au Luxembourg ou en Suisse, les papilles sont pour le moins satisfaites. Comme dans l’hexagone, l’art du bien manger se cultive à nouveau.
L’industrialisation ne connaît pas de frontières et chacun souhaite retrouver le goût de vivre. Alors, les petits plats mijotés et toutes les recettes traditionnelles ont le vent en poupe. En Suisse aussi, on se bat pour maintenir la qualité notamment des fromages. Que deviendraient la tome vaudoise, l’appenzell ou le vrai gruyère si on les fabriquait avec un lait devenu insipide pour répondre à un souci d’aseptisation totale !
Cette volonté de retrouver le “vrai” participe également au développement du tourisme vert. Le Canada est un pionnier en la matière mais même un tout petit pays comme le Luxembourg n’est pas en reste. Ce dernier propose 6 circuits, soit 191 km de chemins de randonnée très bien balisés, avec des auberges en pleine nature, rien que dans sa magnifique forêt ardennaise. Et en Suisse, le must reste de passer quelques jours, en dehors de toute civilisation, dans un chalet d’alpage.

Updated on 06 Octobre 2016