Le triste sort des enfants " sorciers "

28 Octobre 2003 | par

Histoire étrange que celle des enfants dits sorciers . Le BICE (Bureau International Catholique de l'Enfance) a recueilli leur témoignage en République Démocratique du Congo.
Chaque histoire commence un peu de la même manière... Du jour au lendemain, après un accident, un deuil, une famine, des enfants sont accusés de sorcellerie par leur entourage, maltraités, sous couvert d'exorcisme, et jetés à la rue.
Le BICE a consacré une de ses dernières conférences de presse, au printemps 2003, au sort de ces enfants. Un an auparavant, deux réalisateurs, accompagnés par Geneviève Justin, responsable de la communication au BICE, tournaient un film à Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo (ex Zaïre), sur Les enfants dits sorciers (cf. encadré).

Leur vie a basculé
Qui sont ces enfants ? Ils s'appellent Thomas, Cédric, Mizou... et leur vie a basculé lorsqu'ils ont eu le malheur d'être désignés comme sorciers . Il suffit donc d'un élément déclencheur - un mauvais concours de circonstances, un drame dans la famille, etc. - pour qu'un enfant devienne un bouc émissaire. L'enfant rebelle, l'enfant malade ou handicapé est tout désigné pour cela. Et être accusé de sorcellerie n'est pas anodin et peut même mener très loin : mise à l'écart, punition, sévices, torture, abandon.
C'est le cas du jeune Thomas, qui a aujourd'hui 15 ans. Il n'a pas connu son père et après la mort de sa maman, il a été accueilli chez sa tante maternelle. Au bout de quelques années, la belle-mère de sa tante ne supportant plus de le voir là, l'a accusé de sorcellerie. C'est ainsi qu'ont commencé pour lui les exorcismes à base de potions faites d'huile et de sel, et son errance dans la rue.

Le Centre de Sauvetage de Kinshasa
Après un long parcours d'exclusion et d'accueil ponctuel dans des centres pour des enfants comme lui, Thomas a échoué au Centre de Sauvetage de Kinshasa, du BICE. Il y est resté trois ans avant d'être réintégré chez un voisin de sa tante, car la belle-mère de celle-ci refusait toujours de le reprendre à la maison.
Le Centre a été créé pour venir en aide à ces enfants en rupture avec la société. Il propose une alternative à l'emprisonnement pour des enfants de 8 à 18 ans. Certains d'entre eux sont orphelins ou ont fui leur famille, d'autres ont été jetés à la rue par la famille elle-même. A Kinshasa, une bonne partie des enfants qui sont dans la rue sont dits sorciers .
Les enfants du Centre sont scolarisés ou reçoivent une formation professionnelle qui leur permet d'apprendre, par exemple, la mécanique, le maraîchage ou le fonctionnement d'un petit commerce. Ils sont complètement pris en charge jusqu'à une possible réinsertion familiale. Et le BICE fait tout un travail de réhabilitation auprès des familles, qui consiste à les aider à trouver les moyens financiers pour élever les enfants et surtout, à changer leur regard sur ces enfants et sur la sorcellerie. La sorcellerie tient en effet une grande place dans la société congolaise.

Témoignages d'espoir
Cédric, 15 ans, a grandi dans une famille équilibrée et unie, jusqu'au décès de son père. Accusé par sa famille et par les gens du quartier, d'être sorciers et responsable de sa mort, il a été frappé très durement, sauvé par l'arrivée de la police qui le mettait un peu plus tard entre les mains du Centre de Sauvetage. Il raconte : Cela fait deux ans que je suis au centre. Ici, on m'a élevé, on m'a fait grandir. J'étudie et on me donne tout ce dont j'ai besoin. Maintenant, je voudrais qu'on m'aide à retrouver ma famille.
Mizou fait, elle aussi, partie de ces enfants parias, elle est venue du Congo pour témoigner au moment de la présentation du film Les Enfants dits sorciers , au printemps 2003. Elle a aujourd'hui 17 ans. Devenue orpheline de père alors qu'elle n'a que 5 ans, son cauchemar a commencé, il y a deux ans, avec la mort successive de deux demi-sœurs. Un féticheur confirme alors les doutes de sa mère : Mizou est bien une sorcière ! C'est elle la responsable. A cause de sérieux problèmes de santé, elle représente en outre une lourde charge pour sa famille. Sa propre mère tente de l'empoisonner, avec la complicité d'autres membres de la famille. Alors qu'elle est endormie, elle lui injecte du pétrole dans les oreilles ; une autre fois, c'est de l'acide qu'elle lui verse sur le bras. Ses oncles et tantes chez qui elle s'est réfugiée refusent de la protéger.
A la rue, traumatisée, blessée et affamée, elle est finalement recueillie par la police qui la place au Centre de Sauvetage. Soignée depuis un an, Mizou pratique des activités de couture et de vannerie. Elle va mieux et a recommencé à sourire. Mais la blessure reste et son message aux adultes est implorant : Vous, parents, n'abandonnez pas vos enfants, ne les accusez pas à tort... Même si nous sommes bien ici au Centre, nous vivrons toujours mieux ensemble, avec nos parents.

Les enfants dits sorciers
Premier de série
Le film Les enfants dits sorciers a été tourné à Kinshasa par deux réalisateurs - Matias Canavese et Christian Guyonnet - accompagnés de Geneviève Justin, responsable de la communication du BICE, à l'origine de ce projet. Il s'agit, en fait, du premier d'une série documentaire : Un enfant, un regard : une rencontre , coordonnée par Raymond Depardon, cinéaste de renommée internationale, qui présente le travail du BICE dans différentes régions du monde.
Les prochains tournages aborderont le thème des Enfants travailleurs , Enfants abusés sexuellement et Enfants polyhandicapés , tournés successivement au Népal, en Inde et en Russie. Ces films sont réalisés par des personnalités du monde de l'image et de la musique, sensibilisés à la cause des enfants les plus démunis.

Les 55 ans du BICE
Le BICE fête cette année ses 55 ans d'existence : plus d'un demi siècle employé sans relâche à défendre les droits de l'enfant et en dénoncer les violations. Son slogan, Pour chaque enfant un avenir est à la hauteur de ses objectifs.
Le BICE intervient dans 40 pays qui ont ratifié la Convention des Nations Unies relative aux Droits de l'enfant. Il travaille sur de nombreux fronts et se bat, par exemple, contre l'exploitation sexuelle et le trafic d'enfants, l'enrôlement d'enfants soldats, l'emprisonnement de mineurs... Avec à chaque fois une partie d'aide aux enfants pour les sortir de ces engrenages et une partie à plus long terme de réhabilitation et de réinsertion.
Contact BICE - Geneviève Justin : +33-(0)1-53 35 01 01.
70 boulevard de Magenta 75010 PARIS
Site internet : www.bice.org

 

Updated on 06 Octobre 2016