L’Edit de Nantes

01 Janvier 1900 | par

En 1598, L’Edit de Nantes mettait fin à 36 ans de guerres de religion et établissait, pour la première fois dans un grand Etat européen, la tolérance religieuse. Il est commémoré, cette année, conjointement par les protestants et les catholiques.

Le 30 avril 1598, le roi Henri IV promulguait l’Edit de Nantes, afin de réconcilier protestants et catholiques qui, depuis le début du siècle et l’avènement de la Réforme, s’entre-tuaient et mettaient le pays à feu et à sang.

Le XVIe siècle fut, en effet, le théâtre de la plus grande crise religieuse qui ait jamais secoué l’Europe. Crise, réforme, guerres de religion, persécutions et massacres se succédèrent sans interruption jusqu’à la fin du siècle.

La Réforme

Le mot Réforme sert généralement à définir le mouvement religieux qui s’opposa, au début du XVIe siècle, à l’Eglise catholique romaine. Comment naquit cette opposition et que reprochait-on alors à l’Eglise catholique ?

A l’aube du 16e siècle, le mode de vie de nombreux papes, évêques et abbés ne correspond plus à l’idéal chrétien de pauvreté, chasteté et humilité. Certains papes, comme Jules II, se préoccupent plus de politique et de guerre que de religion. D’autres vivent dans le luxe, l’opulence et la débauche, comme Alexandre VI. Les évêques et les abbés ne résident plus dans leur diocèse, leur abbaye et s’enrichissent outrageusement. Quant au bas clergé, il est mal encadré, ignorant, négligeant, amoral. Les pratiques religieuses des fidèles eux-mêmes restent confuses, parfois paradoxales, entachées de superstitions, car les dogmes ne sont pas clairement définis. Cette situation devient vite insupportable pour un grand nombre de religieux et de fidèles en Europe, qui réclament une réforme, même au sein de l’Eglise catholique.

Les indulgences

L’événement qui provoque la crise et la rupture entre la masse des chrétiens mécontents et la papauté est le trafic des indulgences. Ce fait mérite quelques explications.

En réalité, l’indulgence correspond à un principe séculaire de l’Eglise catholique : en accordant une indulgence au pécheur, l’Eglise puise dans le trésor de ses prières pour lui offrir la rémission des peines dues aux péchés et un apaisement à l’angoissant problème du salut.

Dès 1095, Urbain II avait accordé l’indulgence à ceux qui partaient pour la croisade ; l’Eglise la propose désormais en échange de bonnes œuvres : prières, pèlerinages, messes, dons à l’Eglise, aumônes... Mais cette pratique, en ces temps troublés de l’Eglise, s’est transformée en un véritable trafic : Sitôt que dans le tronc, l’argent résonne/Du purgatoire brûlant, une âme s’envole.

Lorsque la nouvelle se répand que Rome organise une campagne de vente d’indulgences pour financer la reconstruction de la basilique Saint-Pierre, c’en est trop.

Un moine saxon, Martin Luther (1483-1546) s’indigne contre ce marchandage et le dénonce en faisant placarder, le 31 octobre 1517 à Wittenberg, des affiches condamnant les indulgences du Pape. Pour lui, seule une grande rigueur morale et la foi peuvent assurer le salut des hommes ; les riches n’ont pas le paradis plus vite que les autres. Il tire cette conviction d’une phrase tirée d’une épître de saint Paul : Le Juste vivra par la Foi. Le Pape le somme de se rétracter. Luther refuse et, considéré comme hérétique, est excommunié en 1521. Réfugié au château de Wartburg sous la protection du duc de Saxe, il y traduit le Nouveau Testament en allemand ; ce qui assure à ce texte une large diffusion. Luther récuse la supériorité de la papauté, il prône la simplicité et la pauvreté, simplifie le culte et ne conserve que deux sacrement sur sept, le baptême et la cène.

Le Luthéranisme fait de nombreux adeptes dans toutes les couches de la population. On les appelle les Protestants . La nouvelle religion réformée se répand rapidement en Allemagne d’abord, puis en Suisse, en Europe Centrale, aux Pays-Bas, en Scandinavie et en Angleterre.

En France, par contre, les doctrines luthériennes sont condamnées et les protestants subissent des persécutions. Sous le règne de François Ier, d’Henri II puis d’Henri III s’organise la répression. Contrairement aux monarques anglais et allemands qui ont opté pour la religion réformée, les rois de France ne tolèrent aucun trouble religieux qui pourrait amener révoltes et divisions politiques et mettre en danger le pouvoir royal. Les protestants, acculés, n’ont pas le choix : c’est la conversion forcée ou la fuite. C’est la solution que choisit Jean Calvin, un brillant intellectuel français qui trouve refuge en 1535 en Suisse, dans la ville de Bâle.

Jean Calvin, féru d’humanisme, formé au droit et à la rigueur par les meilleurs maîtres, est proche des milieux réformateurs. Il rédige, d’abord en latin, puis en français des ouvrages sur la Réforme dans lesquels il expose sa théologie (1). Son œuvre n’est pas originale, mais elle unit les éléments des réformes précédentes. Travailleur infatigable, esprit hors ligne, dialecticien redoutable, il devient, selon le mot de Bossuet, le second patriarche de la Réforme après Luther. A ses prédications, discours et sermons, s’ajoutent de nombreux écrits (traduction de la Bible en français, catéchisme, guides...).

Ces nouvelles idées, grâce à l’avènement de l’imprimerie, se répandent rapidement en Europe, et particulièrement en France, aussi bien chez les nobles et les bourgeois que chez les paysans et les ouvriers, tant dans les grandes villes que dans les provinces reculées.

Paris vaut bien une messe...

Pourtant, ce que les rois de France redoutaient se produit : la violence des passions religieuses et les ambitions politiques des deux partis ouvrent en France une lutte sans merci entre les protestants et les catholiques.

De 1562 à 1598, les guerres de Religion vont faire rage dans tout le pays et toucher chaque village. Elles seront bien plus meurtrières que la guerre de Cent ans qui ne toucha en fin de compte que quelques provinces. L’état du royaume de France est pitoyable : campagnes dévastées, populations urbaines cruellement démunies, monnaie affaiblie, routes infestées de brigands... Et pour couronner le tout, le roi Henri III est assassiné par un moine fanatique, Jacques Clément. Le désordre est total. Et le seul héritier du roi défunt est protestant. Mais Henri de Bourbon-Navarre se rend vite à l’évidence : après 35 ans de guerre, protestants et catholiques ont montré qu’ils étaient incapables de s’imposer. Pour régner et reconstruire le pays, il lui faut abjurer sa foi et se convertir, seul moyen pour réconcilier les frères ennemis. Ce qu’il fait en 1593... les scrupules religieux ne l’étouffant guère. Il est plus porté vers la politique que vers la métaphysique : Paris vaut bien une messe !

L’année suivante, Henri de Bourbon est sacré roi à Reims, sous le nom d’Henri IV et en 1598, après de difficiles négociations, il promulgue l’Edit de Nantes qui reconnaît aux protestants la liberté et l’exercice de leur culte, l’égalité avec les catholiques devant la loi et une centaine de places fortes en garantie. Pendant quelques dizaines d’années, les protestants, que l’on appelle les Huguenots (2), vivront une période de tolérance religieuse et de compromis avec les catholiques et le pouvoir royal.

Une foi, une loi, un Roi

Moins d’un siècle plus tard, Louis XIV est au sommet de sa gloire. Roi de droit divin, il est l’interprète des volontés divines. A ce titre, il se doit d’établir la religion catholique dans sa plus grande gloire . Il devient le serviteur dévoué de la Contre-Réforme. Depuis longtemps, les assemblées du clergé le pressaient d’intervenir contre la religion prétendue réformée . Bien que protégés par l’Edit de Nantes, les Huguenots sont harcelés par le pouvoir, puis ouvertement persécutés. A partir de 1679, les violences des soldats et de certains intendants entraînent de nombreuses conversions forcées. Puis, en 1685, Louis XIV, par l’Edit de Fontainebleau, révoque purement et simplement l’Edit de Nantes, revenant à la conception traditionnelle : Une foi, une loi, un Roi . Les temples protestants sont détruits, les pasteurs exilés, le culte interdit, les enfants obligatoirement baptisés dans la religion catholique. Interdiction leur est faite de sortir du royaume sous peine de galères pour les hommes et de prison à vie pour les femmes. Il y a à cette époque en France un million de protestants fixés dans le Midi, dans l’Ouest, à Paris et en Alsace. Deux cent mille d’entre eux environ parviennent cependant à prendre la fuite pour se réfugier en Suisse, Allemagne, Angleterre, Irlande et Hollande.

La révocation de l’Edit de Nantes reste une des grandes erreurs du règne de Louis XIV, car, comme l’écrit Janine Garisson, cet édit ne réussit qu’à renforcer les Etats protestants, trop heureux d’accueillir cette grande richesse humaine, ces Huguenots français, principalement industriels, financiers, commerçants, artisans, compagnons, dont l’exil allait sensiblement appauvrir la France.

Mais les protestants ne s’avouèrent jamais vaincus. Ils continuèrent d’affirmer leurs convictions jusqu’à ce que l’Edit de Tolérance promulgué par Louis XVI (1787) leur reconnaisse une existence légale.

 

(1) Pour Calvin, les pécheurs doivent accepter la sagesse du Christ. Il faut rendre honneur à Dieu, obéir à ses lois et accomplir son service. Dieu fait alors aussitôt du pécheur un juste.

(2) Huguenot : de l’allemand Eidgenossen , confédérés. Surnom donné par les catholiques aux calvinistes français.

 

1598 - Edit de Nantes

VI. Et pour ne laisser aucune occasion de troubles et différents entre nos sujets, avons permis et permettons à ceux de ladite Religion prétendue réformée, vivre et demeurer par toutes les villes et lieux de notre Royaume et pays de notre obéissance, sans être enquis, vexés, molestés, ni astreints à faire chose pour le fait de la religion contre leur conscience, sans pour cette raison être recherchés en maisons et lieux où ils voudront habiter en se comportant au reste selon qu’il est contenu en notre présent édit.

IX. Nous permettons aussi à ceux de ladite Religion faire et continuer l’exercice de celle-ci en toutes les villes et lieux de notre obéissance, où il était par eux établi et fait publiquement par plusieurs et diverses fois, en l’année mille cinq cent quatre vingt seize et l’année mille cinq cent quatre vingt dix sept jusqu’à la fin du mois d’Août, nonobstant tous Arrêts et jugements à ce contraire.

XVIII. Nous défendons à tous nos sujets, de quelque qualité et condition qu’ils soient d’enlever par force ou induction, contre le gré de leurs parents, les enfants de ladite Religion pour les faire baptiser ou confirmer en l’Eglise Catholique Apostolique Romaine. Comme aussi mêmes défenses sont faites à ceux de ladite Religion prétendue réformée, le tout à peine d’être punis exemplairement.

XXII. Ordonnons qu’il ne sera fait différence ni distinction, pour le regard de ladite Religion, à recevoir les écoliers pour être instruits en les Universités, Collèges et Ecoles, et les malades et pauvres en les hôpitaux, maladreries et aumônes publiques.

1685 - Révocation de l’édit de Nantes

Faisons savoir que nous avons, par ce présent édit perpétuel et irrévocable, supprimé et révoqué l’édit du Roi notre aïeul donné à Nantes au mois d’avril 1598 en toute son étendue et en conséquence voulons et nous plaît que tous les temples de ceux de ladite religion prétendue réformée situés dans notre royaume soient incessamment démolis. Défendons à nos sujets de ne plus s’assembler pour faire l’exercice de ladite religion. Enjoignons à tous ceux qui ne voudront pas se convertir et embrasser la religion catholique apostolique et romaine de sortir de notre royaume quinze jours après la publication de notre présent édit. Faisons défense à tous nos sujets de sortir, eux, leurs femmes et enfants de notre royaume ni d’en transporter leurs biens et effets sous peine pour les hommes de galères et de confiscation de corps et de biens pour les femmes.

Updated on 06 Octobre 2016