Léonard de Vinci, scientifique, inventeur, artiste

02 Octobre 2002 | par

 

La Renaissance, au 15e siècle, marque la transition entre le Moyen Age et les Temps modernes et introduit de grands changements dans les domaines des sciences naturelles et de la technique. Toute l’Europe, entraînée dans une ère nouvelle, s’en est trouvée modifiée et renouvelée. Parmi les grands acteurs de son temps, Léonard de Vinci joue un rôle capital dans les bouleversements de cette Renaissance qui porte bien son nom.

Sa jeunesse
Léonard di Ser Piero di Vinci naît le 15 avril 1452, en Toscane, dans le petit bourg dont il porte le nom, non loin de Florence. Il est le fils illégitime d’un notaire de la seigneurie de Florence, Ser Piero, et d’une paysanne, Caterina. Il reçoit néanmoins une éducation soignée, notamment en grammaire et calcul et vit une enfance heureuse en pleine campagne toscane. Il en gardera toute sa vie un grand amour de la nature. Vers l’âge de 15 ans, Léonard va vivre chez son père à Florence. Ser Piero le fait entrer dans l’atelier d’Andréa Verrocchio, un des grands artistes de la cité, qui lui enseigne la peinture, la sculpture, la décoration et la gravure. Ses compagnons d’atelier sont Botticelli, Le Perugin et Ghirlandaio. Il apprend à broyer les couleurs, à nettoyer les pinceaux et au bout d’un an seulement, à peindre les drapés d’un personnage. Verrocchio travaille alors à une œuvre peinte à l’huile, Le Baptême du Christ et, pour la première fois, confie à son jeune élève l’exécution du visage de l’un des deux anges. « Ce visage tranche déjà, par son modelé obtenu par un jeu d’ombre et de lumière, avec celui de l’autre ange peint par Botticelli. »

Son apprentissage
En 1472, Vinci, alors âgé de 20 ans, entre dans la compagnie de Saint-Luc, la guilde des peintres de Florence, tout en continuant à travailler pour Verrocchio jusqu’en 1476, date à laquelle il peint son premier tableau, La Madone à l’œillet. De cette période date également L’Annonciation et La vallée de l’Arno. Il fréquente en même temps l’atelier d’Ucello, passionné comme lui par la géométrie et la perspective. Il lit beaucoup et, en autodidacte, accumule d’innombrables connaissances sur toutes les sciences de l’époque. Sa soif de connaissances et insatiable. Après avoir terminé leur apprentissage, Léonard de Vinci et ses compagnons d’atelier vont quitter leur maître Verrochio. Tandis que Botticelli, Le Pérugin, Ghirlandaio partent pour Rome appelés par le Pape, Léonard s’installe comme peintre indépendant à Florence. Il a 25 ans. Commence alors pour lui une vie de nomade, la vie que menaient alors les artistes de la Renaissance : quitter sa ville natale et se déplacer de ville en ville, au gré des protecteurs et de leurs commandes. Désormais, Léonard de Vinci mettra son talent au service de celui qui lui permettra de poursuivre ses études sur toutes les connaissances de son époque. En 1482 – Léonard a 30 ans – Ludovic le More, duc de Sforza et souverain de Milan, l’engage comme sculpteur et expert fondeur pour réaliser un monument équestre géant à la gloire de son père, François Sforza. Léonard de Vinci travaillera plus de seize ans à la maquette du Cavallo qui sera exposée à Milan, mais jamais fondue. La guerre qui éclate en 1494 entre l’Italie et la France va mettre fin au séjour milanais de Léonard. En 1499, après la défaite de Ludovic Sforza face à Louis XII et l’occupation de Milan par l’armée française – il a vu les soldats ennemis détruire Il Cavallo – il préfère quitter la ville. Pendant sept ans, Léonard voyage à travers l’Italie, séjourne à Venise, Mantoue, Florence, Rome, au gré des contrats qui se présentent à lui. Papes, princes, ducs et riches aristocrates se disputent son talent. Il revient à Milan en 1507, au service de Charles d’Amboise, maréchal de France. Dix ans plus tard, en 1517, Léonard de Vinci quitte définitivement l’Italie. Invité par le roi de France, François Ier, il franchit les Alpes, à dos de mulet, en plein hiver, accompagné de Francesco Melzi, son élève, Salaï son disciple et Mathurine sa servante.
Il emporte avec lui ses tableaux préférés : La Vierge à l’Enfant avec Sainte Anne, Saint Jean-Baptiste, l’Annonciation, et le très célèbre portrait de Lisa Gherardini, dite la Joconde, tous acquis par François Ier et intégrés ainsi aux collections royales où se trouvaient déjà La Vierge aux rochers et La Belle Ferronnière, acquises auparavant par Louis XII et aujourd’hui conservés au Louvre. Nommé « premier peintre, ingénieur et architecte du Roi », il s’installe au Clos Lucé, près d’Amboise et touche une pension de 2000 livres par an, somme très élevée qui témoigne de la renommée de son talent. Le cardinal Luis d’Aragon lui rendit visite le 10 octobre 1517 ; son secrétaire Antonio de Beatis, nous a laissé une page célèbre de cette rencontre. Il écrit : « Notre maître se rendit avec nous tous dans un faubourg voir Messire Léonard de Vinci, un vieillard de soixante-dix ans, le peintre le plus célèbre de notre temps. Messire Léonard montra au cardinal trois tableaux : le portrait d’une dame florentine, un Saint Jean-Baptiste et une Madone avec un enfant sur les genoux. Trois ouvrages absolument parfaits. Mais on ne peut plus attendre de belles choses venant de sa main : il a la main droite paralysée. »
En effet, Léonard n’a guère peint à la fin de sa vie en France, mais malgré son âge et une paralysie partielle de sa main droite, il continue de travailler sans relâche : projet d’assèchement des marais pontins, transformation du château d’Amboise, projet d’architecture pour le château de Romorantin, projet d’assèchement entre Romorantin et Amboise, etc. Il meurt à l’âge de 67 ans, le 2 mai 1519 et est inhumé dans l’église Saint-Florentin d’Amboise en léguant l’ensemble de ses notes techniques à Francesco Melzi, son élève et compagnon fidèle, afin qu’elles soient publiées et rendues utiles au plus grand nombre. Hélas, cela ne se fera pas. L’héritage intellectuel de Léonard restera dans l’ombre jusqu’à la fin du XIXe siècle.

Il ne subsiste qu’une quinzaine d’œuvres attribuées avec certitude à Léonard de Vinci, et parmi elles, certaines ont vu leurs couleurs abîmées par le temps ou sont inachevées. Ses œuvres les plus célèbres sont La Cène, fresque d’un couvent de Milan, La Vierge aux Rochers, La Vierge, Sainte Anne et l’Enfant Jésus, la Joconde, la grande composition de La Bataille d’Anghiari, inachevée, L’homme de Vitruve, son Autoportrait, portrait d’un homme de 64 ans, prématurément vieilli, au regard immensément triste. La figure humaine constitue le motif central des œuvres de Léonard De Vinci : « Il élève au plus haut deux techniques picturales, qui, aux alentours de 1500, ont radicalement changé l’art de peindre. La première d’entre elles est le souci constant et de la composition géométrique à la fois gracieuse et scrupuleusement étudiée. La structure pyramidale, apparue avec La Vierge aux Rochers en est un exemple marquant. La deuxième technique dont Léonard de Vinci est le maître est l’art dit du clair-obscur (ou sfumato) qui permet au sujet, par le jeu subtil des ombres et des lumières, de baigner le sujet dans une atmosphère à la fois harmonieuse et mystérieuse. »

Le scientifique
De Vinci est peintre à l’origine, mais il se révèle aussi grand savant que grand artiste. L’analyse scientifique du réel, la réflexion avant l’expérimentation sont les principes de base de la démarche de Léonard de Vinci, qu’il manifeste aussi bien dans les arts que dans les sciences. Il a tenté toute sa vie de comprendre les phénomènes qui l’entourent. En physique et en astronomie, il trace les voies sur lesquelles s’engageront Copernic, Kepler et Galilée pour l’étude de la gravitation, du scintillement des étoiles, et du mouvement. Il pressent les lois de la mécanique des fluides ainsi que, en chimie, celles de la combustion et de la respiration. Il anticipe les voies de la science actuelle sur la géologie et la botanique. Léonard de Vinci est également le premier artiste à avoir disséqué le corps humain. S’il s’agissait d’une pratique commune pour les médecins, elle ne l’était pas pour les artistes, mais l’interdiction de pratiquer l’autopsie qui est en vigueur au XVe s. ne l’empêche ni de découper des membres de cadavres, ni de scier os et crânes, ni même de dépecer les dépouilles afin d’examiner leurs systèmes nerveux et musculaire. Il dessine les différentes parties de l’anatomie du corps, se concentrant sur le fonctionnement du cœur humain et le développement du fœtus. Il s’intéresse à tout, jusqu’aux moindres détails : « La nature a placé l’os glanduleux au-dessous de l’articulation du gros orteil, parce que, si le nerf où s’attache cet os glanduleux se trouvait au-dessus de cette glande, il serait très endommagé par la friction provoquée par un tel poids. »

Les découvertes révolutionnaires de Léonard de Vinci dans les domaines de l’anatomie, mais aussi de la botanique, de la géométrie et de l’astronomie, ainsi que de la mécanique et de l’architecture marquent les débuts des sciences modernes. Réalisées sur la base des croquis de Léonard de Vinci, de nombreuses maquettes que l’on peut mettre en mouvement témoignent de ses nombreuses inventions techniques très en avance sur son temps

L’architecte et l’ingénieur
Léonard de Vinci possède une extraordinaire maîtrise de l’outil graphique qui lui permet d’explorer bien des domaines. Comme architecte, il participe aux discussions portant sur les cathédrales de Milan et de Pavie ; comme décorateur, il conçoit des costumes pour les fêtes et les tournois, ainsi que des décors de théâtre avec des scènes tournantes ; comme urbaniste, il s’intéresse à l’hydraulique et à la géologie pour concevoir les canaux de Milan ; comme ingénieur, il dessine l’aile volante à pédales ainsi qu’un parachute qui, selon lui, devait être fabriqué avec une toile hermétique, être de forme pyramidale et mesurer environ sept mètres de long. En mécanique, Léonard s’illustre en inventant un certain nombre de machines dont le principe est toujours en usage (notamment dans l’industrie textile). Des profusions de moulins, pompes, scies, armes, marteaux mécaniques, appareils de transmission, horloges, sont analysés et décrits dans d’admirables dessins. Il entrevoit les lois de la mécanique : il est le père de l’aviation, de l’hélicoptère, du parachute, du sous-marin, de l’automobile, de l’appareil photo et même de la bicyclette. On retrouve tous ces plans dans un recueil qu’il rédige lui-même, Le Codex Atlanticus. Comme il est gaucher et qu’à l’époque on écrit à la plume et à l’encre, cela représente un inconvénient majeur, car sa main passe sur l’encre fraîchement déposée. Il a donc l’idée d’écrire à l’envers, de droite à gauche. Il s’agit d’une écriture en miroir: placée face à un miroir, elle devient tout à fait lisible.
L’œuvre de Léonard de Vinci s’enrichit ainsi d’une somme impressionnante de dessins, croquis et esquisses, qui, bien plus que les peintures, sont la vitrine des ses recherches inépuisables.

Son héritage
Après la révélation des écrits de Léonard en 1882, il devient habituel de l’ériger en précurseur en bien des domaines. Au total, un grand nombre des découvertes de la science moderne sont anticipées dans les notes de Léonard, sous une forme balbutiante. Léonard de Vinci a impressionné ses contemporains et les générations suivantes par son approche méthodique du savoir, du savoir apprendre, du savoir observer, du savoir analyser. La démarche qu’il déploya dans l’ensemble des activités qu’il abordait, aussi bien en art qu’en technique (les deux ne se distinguant d’ailleurs pas dans son esprit), procédait d’une accumulation préalable d’observations détaillées, de savoirs disséminés ça et là, qui tendait vers un surpassement de ce qui existait déjà, avec la perfection pour objectif. Aujourd’hui, il reste encore beaucoup de l’héritage de Vinci. Néanmoins, des 13000 pages originales, il n’en reste de nos jours que 7000.

Il fait partie de ces figures dont l’universalité du génie dépasse l’entendement. Il faut reconnaître qu’il n’y a guère qu’à cette époque qu’il était humainement possible de rassembler chez un seul individu autant d’aptitudes diverses, et ce au plus haut niveau. Aujourd’hui, la diversité des techniques et l’étendue des connaissances sont telles qu’un tel phénomène est inconcevable.
Léonard de Vinci est l’un des plus grands génies de son temps, la Renaissance, et l’un des phares de l’humanité, selon le célèbre éloge de Charles Baudelaire.

 

La Joconde

La femme représentée sous les traits de la Joconde est Lisa Gherardini, la femme de Francesco del Giocondo, alors qu’elle était âgée de 26 ans. Elle a été peinte en 1503 à Florence. Dans ce portrait, Mona Lisa a une expression de grande dignité et de sérénité. Sa bouche esquisse un léger sourire qui évoque le mystère. C’est sans doute le sourire le plus célèbre de l’histoire de la peinture. Les mains constituent un élément essentiel de la composition de la peinture. En les cachant, on perdrait un certain équilibre dans la toile. La Joconde était l’un des tableaux préférés de Léonard de Vinci, qui le conserva jusqu’à sa mort. On peut remarquer le paysage vaporeux derrière Mona Lisa. Il devint célèbre pour son effet sfumato qui en italien signifie vaporeux. Cet effet de distance est inventé par lui pour caractériser des paysages lointains qui paraissent comme noyés dans la brume. La Joconde, dominée par une parfaite symbiose entre personnage et paysage, représente le manifeste de sa théorie dans le domaine du portrait : « Le bon peintre a essentiellement deux choses à représenter : le personnage et l’état de son esprit. »

 

 

La Cène
Cette monumentale fresque religieuse a été peinte entre 1495 et 1498. Elle ornait les murs du réfectoire des Dominicains de l’église Santa-Maria-delle-Grazie à Milan. Ce chef d’œuvre fut aussitôt célèbre et souvent copié. Léonard de Vinci sut, selon le témoignage de Vasari, « exprimer le trouble des Apôtres, anxieux de savoir qui trahissait leur maître ». Léonard de Vinci voulait que sa peinture ait des couleurs vives et riches : au lieu d’opter pour la technique de la fresque, où on appliquait de la peinture sur du plâtre fraîchement posé, il utilisa la technique de la détrempe sur une base de plâtre sec. Mais la peinture commença à se détacher et fut détruite en 1560. Ce qu’on voit aujourd’hui est une pâle reconstitution de l’original. On raconte également que le prieur du monastère, impatient de voir l’œuvre terminée, se fit menacer par Léonard de Vinci de représenter Judas sous ses traits. Le roi de France, Louis XII, a tenté de faire détacher du mur la Cène pour la transporter en France.

 

La Vierge aux rochers
En 1483, la Confrérie de l’Immaculée à San Francesco Grande lui commande le retable de la célèbre Vierge aux rochers, conservée aujourd’hui au musée du Louvre. Dans la Vierge aux rochers, Léonard de Vinci atteint une transfiguration du sujet par la diffusion de la lumière. On remarque l’approche scientifique de la composition par l’utilisation de formes très simples.

 

L'homme de Vitruve
Architecte et ingénieur de l’époque romaine, Vitruve avait décrit les rapports de mesures d’un corps humain parfait. Il avait conclu qu’un homme aux bras et jambes écartés, pouvait être inscrit au même titre dans les figures géométriques parfaites du cercle et du carré. D’après les descriptions de Vitruve, dans le cas des figures entourées par un cercle ou un carré (homo ad circulum et homo ad quadratum), le centre du corps humain se trouverait en outre dans le nombril. Les indications de Vitruve ont souvent été illustrées à la Renaissance, avec les résultats les plus divers. Le dessin le plus connu est celui de Léonard. Il corrige les erreurs de Vitruve en se servant des mesures qu’il a prises lui même en dessinant et redessinant, pendant des mois, deux jeunes modèles. Le relevé des mesures empiriques de l’être humain, voilà ce qui importe à ses yeux. Grâce à ces mesures exactes, Léonard réussit donc à vaincre le canon antique de l’homme de Vitruve et crée un dessin qui fait encore autorité aujourd’hui.
Son Uomo vitruviano figure aujourd’hui sur l’une des pièces italiennes de l’Euro.

Updated on 07 Octobre 2016
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