Les éclipses, un monde de prodiges

01 Janvier 1900 | par

Aujourd’hui, l’infime partie du monde interstellaire, qui est nôtre, et où se promène inlassablement notre galaxie, n’a plus guère de grands secrets à nous révéler.
Pourtant, la gravitation des corps célestes, les révolutions de la terre et de la Lune, leurs courses orbitales sur d’élégantes et mystérieuses ellipses ; l’incessant mouvement planétaire, dans un système solaire, lui-même itinérant dans l’immensité du Cosmos, nous déconcertent souvent, tout autant qu’ils inquiétaient nos lointains ancêtres.
Nous sommes en 1999. Le 11 août prochain, à moins 143 jours de l’an 2000, ne manquez surtout pas de protéger vos yeux avec des verres fumés si vous avez envie de jouer à l’astronome amateur en observant le déroulement d’un phénomène céleste pour le moins impressionnant : une éclipse solaire!
Totale dans la région parisienne, cette éclipse durera deux minutes et elle nous est promise comme un spectacle peur commun à ne pas manquer.

Si toutefois, la pluie n’est pas au rendez-vous et qu’en la circonstance, le ciel a bien voulu renoncer à se charger de nuages intempestifs.
Partielle ou totale, l’éclipse de Lune est une disparition de notre satellite dans le cône d’ombre de la terre. L’éclipse de soleil, elle, fait disparaître partiellement ou totalement le disque solaire par interposition de la Lune entre l’Astre du jour et la Terre.
Visible on nom, ce rendez-vous de la Lune avec le Soleil n’a rien que de très naturel. Il n’annonce rien d’exceptionnel et n’est pas dangereux. Pourtant, le phénomène a toujours été curieusement ressenti par les humains qui en étaient les témoins, et aussi les animaux. Cela n’a rien de mystérieux. En effet, il a été établi scientifiquement que l’éclipse produisait des variations brusques dans la propagation des rayons cosmiques, jouait sur le magnétisme terrestre et influait quelque peu sur le régime des vents en agissant sur les zones atmosphériques de hautes et de basses pressions. Tout cela ne se produit que durant un temps très court, la durée totale d’une éclipse n’excédant jamais 7 minutes 30 secondes...

Pourtant, certaines personnes, plus particulièrement sensibles que d’autres, peuvent ressentir une inexprimable angoisse pendant le déroulement du phénomène. Quant aux animaux, ils manifestent, pour certains, un affolement qui peut aller jusqu’à la panique.
En 1715, le temps d’une éclipse totale, on vit des chevaux de trait de coucher en tremblant. En 1842, à Perpignan, lors de l’éclipse du 8 juillet, un chien qui avait volontairement été privé de nourriture depuis 36 heures, refusa de manger au moment où le disque solaire commençait à se cacher. On le força à prendre un peu de viande, il la laissa aussitôt retomber. Mais l’événement céleste achevé, il se jeta gloutonnement sur la pâtée offerte...
On serait tenté de croire à une fable, voire à une bouderie ou un caprice de la part d’un chien bien dressé, si le fait n’avait été observé et rapporté par le physicien et astronome Arago, en personne...

Mages, devins et vrais savants Il est à peu près certain que, 2283 ans avant J.C., des savants chaldéens observaient régulièrement les déplacements de la terre et de la lune par rapport au soleil, qu’ils avaient parfaitement défini la période de 18 ans, 11 jours et 8 heures, comportant 223 lunaisons et réglant le retour des éclipses. Les tables de ce cycle, plus tard transmises aux Egyptiens et aux Grecs, prirent le nom de Cycle de Saros. Mais il est permis de se demander comment ont pu être faites de telles découvertes avec les instruments d’observation rudimentaires de l’époque. Certains spécialistes en ont déduit qu’il existait dans la Haute Antiquité une science du domaine céleste dont les bases restent pour nous totalement inconnues.
La chose étant, mages et devins chaldéens, puis égyptiens et les savants arabes savaient que les éclipses, dont ils avaient trouvé le moyen de calculer la venue, n’étaient que la conséquence d’un processus naturel bien réel ne pressentant aucun danger. Mais, afin de garder intact leur prestige, ils se gardaient bien de rassurer les ignorants du bas peuple. Ainsi, dès l’Antiquité, les superstitions et les légendes allèrent-elles bon train partout, jusqu’à notre Moyen Age et même au-delà...
Un millénaire au moins avant notre ère, des astronomes chinois prévoyaient aussi l’apparition des éclipses. L’Empereur battait alors lui-même le tambour sur la terrasse du Temple du Ciel tandis que les soldats lançaient force flèches vers le firmament avec des arcs sacrés.
Le peuple, lui, devait entrer en grande pénitence dans les dix-huit provinces pour atténuer les effets dévastateurs promis par le message menaçant qu’était l’éclipse... Deux astronomes réputés furent ainsi étranglés, sur l’ordre du Souverain, sous le règne de l’empereur Che Wang Ti, pour s’être trompés dans leurs calculs !

Des éclipses célèbres Dans les autres parties du monde, selon les mythologies, il semble que les éclipses soient restées très longtemps aussi parmi l’arsenal légendaire d’une certaine vindicte céleste. Et il est de fait qu’elles faillirent parfois sinon changer la face du monde, tout au moins modifier le déroulement de certains événements et troubler le cours de l’Histoire. Ces éclipses sont demeurées célèbres.
En 331 avant J.C. à Arbèles en Assyrie, Alexandre le Grand allait entamer le combat contre Dario III, roi des Perses, lorsqu’une éclipse obscurcit le ciel. Les soldats du Conquérant furent pris de panique et il lui fallut déployer une grande énergie pour les rassurer, les reprendre en main et les lancer contre l’ennemi.
En revanche, à quelque temps de là, le Romain Sulpicius Gallus fut considéré par ses frères d’Armes comme un envoyé des dieux, pour avoir annoncé une éclipse solaire plusieurs heures avant qu’elle se produise.
La fable de l’œuf de Christophe Colomb est connue. L’histoire de l’éclipse qui l’aurait sauvé à la Jamaïque en 1494 semble plus réelle... Lors de son second voyage d’exploration dans l’archipel des Caraïbes, Colomb se trouva aux prises avec des indigènes menaçants. Lui et ses marins étaient en passe d’être massacrés lorsqu’une éclipse partielle de soleil s’amorça et, en un instant, retourna la situation. Les guerriers caraïbes furent saisis d’effroi en voyant le disque solaire mordu par une ombre sinistre et l’amiral en profita pour affirmer qu’il ne rendra jamais « leur » soleil, s’ils ne se soumettaient pas immédiatement. La soumission obtenue, Colomb, sauvé par l’éclipse, se montra magnanime et, solennellement, rendit l’astre du jour à ses ennemis encore tremblants de peur.

De l’Antiquité à Concorde En 1687, au Siam, envoyés par le roi de France, des jésuites, vinrent en ambassade chez le souverain de ce pays afin d’observer une éclipse annoncée.
Les 16 juin 1406 et 22 mai 1724 Paris était balayé par la pénombre d’éclipses totales. L’éclipse du 15 février 1961 ne se montra totale que dans le Midi de la France et le 30 juin 1973, sept astronomes parisiens, anglais et américains, à bord de l’avion Concorde allaient « chercher » l’éclipse dans le ciel africain. C’était le 376e vol du prototype 001 de Concorde. Pour la première fois, un avion faisait littéralement séjourner des observateurs dans une éclipse. Grâce à sa vitesse, et à la rigueur de son plan de vol, il permettait une observation bien plus longue et plus précise que tout ce qu’avait pu accumuler un astronome dans toute sa carrière.
Equipé de hublots spéciaux et d’un télescope modifié, l’avion avait décollé de Las Palmas aux Canaries à 10 h 12.

A 10 h 47, ayant atteint 17 00 mètres en altitude, il volait à deux fois la vitesse du son dans une atmosphère raréfiée mais bien dégagée. La Mauritanie, le Mali et le Niger étaient survolés pendant 74 minutes... Lorsque Concorde revint au sol, il avait réussi ce qu’aucun autre avion, militaire ou civil, ne saurait faire aujourd’hui encore. Il avait vaincu le temps et participé à l’éclipse dans toutes les phases de son déroulement.

Des émerveillements et des terreurs d’antan à l’exploit réalisé grâce au prestigieux Concorde, l’histoire de éclipses appartient bien au monde des prodiges !

L’ECLIPSE ARTIFICIELLE

• Le Soleil comme la Lune n’étant pas toujours à la même distance de la terre, les diamètres apparents des deux corps célestes varient en conséquence et souvent le disque de la lune est trop petit pour masquer entièrement celui de l’astre du jour. L’éclipse est alors dite annulaire. Elle laisse seulement paraître la couronne solaire où se manifestent toujours d’énormes jaillissements et boursouflures de feu qui sont autant d’éruptions gigantesques de gaz et matières incandescentes dont la température peut atteindre un million de degrés et qui influent sur nous par d’intenses rayonnements.

• Les éclipses annulaires ont surtout permis aux astronomes d’observer cette couronne solaire. En l’absence d’éclipse, la médiocre clarté de l’atmosphère terrestre empêche cette observation. C’est ce qui amena l’astronome français Bernard Lyot, à concevoir en 1930 le coronographe : une lunette dont le centre de la lentille est occulté et qui permet de reconstituer, pour l’œil de l’observateur, les condition d’une véritable éclipse.
Le coronographe remplace aussi avantageusement l’éclipse annulaire pour le photographie de la couronne solaire.

Updated on 06 Octobre 2016