Les Premières Nations

01 Janvier 1900 | par

Ceux-ci refusent le nom d’Indiens pour lui préférer celui de Premières Nations. Aux Etats-Unis, on les appelle les Native Americans. Présentes en Amérique du Nord depuis plus de 15000 ans, les Premières Nations sont mal connues des Européens et leur histoire souvent déformée par de nombreux clichés. Entre 28000 et 10000 ans avant J.-C., lors des dernières glaciations, la baisse du niveau de la mer de Béring relia entre elles 1’Asie continentale et l’Amérique. Cet immense pont entre les deux continentS disposait de suffisamment d’herbage pour permettre à de grands herbivores, comme le mammouth ou le bison, de migrer vers cette nouvelle terre et par la suite de se répandre sur le continent américain. Vers 15000 avant notre ère, des groupes humains ont suivi le gibier et, à partir de l'Alaska ou du Yukon, ont pénétré en territoire américain.
L’étude de restes osseux découverts en Amérique confirme l'origine asiatique des autochtones. Mais pour les Premières Nations, il n'y a jamais eu de traversée du détroit de Béring pour venir peupler le nouveau monde ; la mythologie indienne n’évoque jamais cette migration originelle. Les autochtones considèrent en effet cette terre comme la leur puisqu'ils y sont nés tout comme leurs ancêtres avant eux.

L'arrivée des premiers Européens Si nos manuels d’histoire nous apprennent que Christophe Colomb découvre l’Amérique en 1492, nous savons aujourd’hui qu’avant le Xe siècle, les Vikings débarquèrent sur les côtes américaines et tentèrent d’y installer quelques colonies, mais ils furent repoussés par les Premières Nations. Il ne reste aucune trace orale ou matérielle de cette installation dans les récits indiens. Au XVe siècle, d’autres marins abordent sur ces rives froides où abonde le cabillaud, mais pour préserver les zones de pêche, il faut en taire l'existence. En fait, le vrai bouleversement date du 24 juin 1497, lorsque John Cabot se met au service du roi Henri VII d’Angleterre. Il débarque alors à l'Anse au Meadows, actuelle Terre-Neuve. A partir de ce jour, les Premières Nations d'Amérique du Nord font leur entrée dans les livres d’histoire de l'Ancien monde.
Le XVIe siècle demeure une époque essentiellement consacrée à la découverte du nouveau continent. L'agriculture étant la première préoccupation des Européens, ceux-ci convoitent rapidement les terres fertiles des autochtones. Jusqu’au XVIIIe siècle, les voyages se multiplient, amenant quantité de colons qui fondent de nouvelles villes et s’aventurent toujours plus loin vers l’Ouest. De nombreux conflits éclatent un peu partout petit à petit, les colons blancs s’emparant des terres ancestrales des Premières Nations.

Des glaces de l'Arctique au désert de l'Arizona Environ mille ethnies parlant plus de 200 langues se répartissent sur l'immense territoire américain, allant de l'Océan arctique à la frontière mexicaine. Au sein de ce territoire se sont constituées différentes aires culturelles, en rapport étroit avec le milieu géographique et les ressources naturelles. L’exposition Indian Summer, avec ses six centS objets issus des fonds belges, européens et amérindiens, et ses nombreuses reconstitutions grandeur nature (tipi, chariot de pionnier, navire à voile, mât totémique, kayak...) s’attache à décrire la vie quotidienne, l'art, les coutumes, la religion, l'organisation sociale de ces différentes aires culturelles : Inuits de l'Arctique, chasseurs et pécheurs du Subarctique, Hurons et Iroquois des Woodlands, Séminoles et Cherokees du Sud-Est, Sioux, Comanches ou Cheyennes des Plaines, Apaches, Navajos et Pueblos du Sud-Ouest, etc. Ne pouvant passer en revue toutes les aires culturelles qui composent cet immense territoire, nous avons choisi de vous décrire l'une d'entre elles, la moins connue, celle de l'Arctique.

L'aire arctique Lorsque les premiers Européens atteignent les côtes de l’extrême nord du continent américain, ils ne peuvent imaginer habiter ce pays, et pourtant il l'est ! Sur une très vaste étendue rude et hostile, un petit nombre d’hommes et de femmes vit là depuis des milliers d'années en harmonie avec leur environnement. Hommes et femmes font preuve d'une polyvalence inouïe. A deux, ils savent tout faire : l'homme est pécheur et chasseur ; il est en mesure de fabriquer tout l’équipement du ménage, l'armement et les moyens de locomotion. La femme, outre l'éducation des enfants, se consacre presque exclusivement à tirer un profit maximum du gibier. Viandes, peaux, cornes, os se transforment en alimentation, outils, armes, habillement, sacs, toiles de tentes, couvertures de kayaks, courroies, semelles de chaussures, manteaux, anoraks...
Aujourd’hui, la vie de la majorité des familles s'est occidentalisée. Les habitants de l’Arctique américain ont adapté leur mode de vie au monde moderne. Sur le plan matériel, leur vie s’en trouve considérablement simplifiée : les armes à feu, et les moyens de transports, les fournitures du ménage, marmites en fonte, étoffes, couteaux, sel et farines soulagent les hommes et les femmes dans leurs tâches quotidiennes. Au fil des années, les populations ont été christianisées. Les gouvernements ont installé le long de la côte arctique des écoles, des stations médicales, de postes de police et des représentants de l'administration centrale. La chasse ne suffit plus à nourrir toute la communauté. Aujourd’hui, les métiers communs à toutes les nations occidentales dominent : mécaniciens, artisans, menuisiers, électriciens... et surtout les artistes qui, grâce à leurs œuvres inspirées du passé et de leur mythologie, maintiennent la tradition vivante. L'homme craint la nature et la respecte. Le lien entre l'homme et l'animal est puissant car l'animal est la seule nourriture sur laquelle l'homme puisse compter. En s’adaptant aux rigueurs de l'hiver boréal, les Inuits ont développé des formes originales de production artistique centrées surtout sur l'utilitaire : vêtements, outils... sans négliger pour autant le contenu sacré. La rareté des matériaux durs – ivoire de morse ou bois de flottage – ne permet que la réalisation de petits objets, le plus souvent des animaux dont il faut s’assurer la protection pour assurer une chasse fructueuse.

Les clichés « Un chef audacieux brandit son tomahawk, un guerrier coiffé de plumes bande son arc, un chasseur au teint cuivré, le visage buriné, l’œil vif et le corps grimé poursuit un troupeau de bisons dans les vastes plaines. Dans un village, au creux des Rocheuses, une jolie squaw prépare devant son tipi un ragoût parfumé. Un vieux sage fume le calumet de la paix au pied du totem : voilà les principaux clichés que le mot indien évoque à lui seul dans l’esprit européen », explique Sergio Purin, commissaire scientifique de l’exposition. C’est tout un univers composé de réalités, mais il ne tient pas compte des spécificité culturelles du vaste territoire qu'est l'Amérique du Nord. L'Indien évoque pour d'autres une brute sanguinaire avide de scalps et de massacres, entièrement dominé par ses mauvais instincts et sa concupiscence à l’égard des pionnières à la peau laiteuse. C'est encore une horde de cavaliers affrontant les Tuniques Bleues. Ces évocations, en réalité des raccourcis, que l'histoire, les films, les romans, la bande dessinée, la publicité ont contribué à véhiculer, offrent une vision fortement limitée des Premières Nations et entraînent inévitablement une série d’amalgames et d'erreurs. Notre vision ethnocentriste a réduit notre perception des civilisations indiennes.

Les Blancs et les Rouges Dès le XVIe siècle, lorsque les premiers contacts s’établissent entre Blancs et autochtones, images, textes et histoires à dormir debout vont circuler en Europe. « La distance qui sépare le Vieux et le Nouveau monde, la lenteur de la communication, les sources de seconde ou troisième main, l'incompréhension des premiers explorateurs face à des modes de vie si différents seront autant de facteurs déformants qui ne recouvreront une perception plus proche de la réalité que durant ces dernières décennies », explique Purin. L’achèvement de la conquête du territoire des Etats-Unis au XIXe siècle et la ruée vers l’or entraîneront des conflits dont la presse se fera l’écho, véhiculant une image de l'Indien détrousseur, cruel, rusé et sauvage, cliché qui s’ancrera profondément dans la mentalité de la majorité des gens civilisés.
L’histoire écrite par des Blancs pour des Blancs a longtemps valorisé la lutte courageuse de la Tunique Bleue contre les Sauvages. Cette histoire-là a passé sous silence la farouche résistance des Premières Nations, leur courage et leur ténacité face à des envahisseurs présentés comme de paisibles fermiers à la recherche de terres fertiles. Dans les terribles guerres qui opposèrent les deux camps, le mauvais rôle est laissé à l'autochtone, et si l'Indien devient parfois un bon Indien, le compagnon de l'homme blanc, c'est toujours avec un soupçon de paternalisme et à condition qu'il se range sagement du côté des gagnants de l'Histoire, les Blancs. La vérité, c'est que les Blancs ne trouvent ni gloire ni grandeur, mais bien la honte pour avoir massacré des populations entières et avoir déporté ce qui en restait dans des réserves où leurs conditions de vie étaient plus que précaires.

Une réhabilitation tardive... Jusqu’en 1924, l’Indien appartient à une nation domestique et dépendante. Ce n’est qu’à cette date qu’il est reconnu enfin citoyen américain. Une curieuse situation pour celui qui fut le premier à occuper l'Amérique. Depuis la fin des années 40, les dirigeants des Premières Nations travaillent avec acharnement pour que leur peuple puisse reprendre la place qui lui revient de droit dans l'Histoire.
Parallèlement, l'image de l'Indien a été revalorisée par des films comme Danse avec les loups de Kevin Kostner, qui revendique ouvertement ses origines indiennes, Little Big Man, Blue Soldier. Des célébrités telles que Jane Fonda, Marlon Brando ont largement contribué à raviver l’intérêt des Blancs pour la civilisation indienne.
Aujourd’hui, les Premières Nations, reconnues et aidées par les gouvernements canadien et américain, retrouvent leur fierté et leur identité. Si elles puisent aux sources des traditions, elles savent également que leur survie dépend de leur adaptation à un monde dominé par la technologie et une économie mondiale. La tradition leur permet de faire renaître les cérémonies de leurs aïeux et de perpétuer des formes artistiques traditionnelles, alors que le monde moderne leur offre la possibilité d'améliorer leur situation économique.
Pour cela, les Premières Nations ont tiré parti du fait que les réserves indiennes ne sont pas soumises aux lois fédérales des gouvernements américain et canadien. La prise de conscience de cette indépendance a incité les Premières Nations à engager des actions en justice qui leur permettent aujourd’hui de profiter des richesses de leur sous-sol ou encore d’ouvrir des casinos. Les formes de commerce euro-américaines ont été également adaptées à l'intérieur des réserves. Enfìn, les attractions touristiques, les centres culturels et les musées indiens constituent une source de revenus importante pour les habitants des réserves.
Certaines communautés ont réclamé des dédommagements pour le non-respect des limites de leurs territoires ou encore le droit de pratiquer la chasse d'animaux considérés comme protégés par les instances internationales. Cependant. tout n'est pas pour le mieux dans le meilleur des monde. La situation sanitaire, le système scolaire, un taux de chômage de 20%, de nombreux suicides parmi les jeunes. le mépris subi de la part des Euro-américains restent des problèmes majeurs pour les authentiques Américains.
Aujourd’hui, bien que les Indiens constituent la plus faible de toutes les minorités ethniques, c'est le sort qui leur est réservé qui pèse le plus lourd sur la conscience des Américains. La race dominante ne peut oublier que les Indiens étaient là les premiers et qu’ils n'ont pas mérité de disparaître.

Updated on 06 Octobre 2016