Les travailleurs de l’ombre

01 Janvier 1900 | par

Un million et demi de volontaires sont engagés dans des projets aussi divers que les préoccupations de la vie : économie, santé, loisir, culture, religion, environnement… Hommes et femmes, jeunes ou plus âgés, de tous les métiers, de toutes les conditions sociales, de toutes les races et de toutes les opinions.
Cette réalité de notre vie sociale est importante même si elle est banalisée, voire occultée. Elle est de toute évidence complètement absente des préoccupations politiques.
Elle représente pourtant un capital social, culturel, politique, voire économique, fondamental pour notre société. Pour en cerner la matérialité, il suffit à chacun d’observer dans son quotidien le nombre de services, d’actions et d’activités dont nous bénéficions et qui n’existeraient pas sans le volontariat.
Que coûterait à l’Etat, c’est-à-dire à nous, l’organisation de cette vie sociale si elle n’était pas prise en charge de cette manière, souvent avec une extrême compétence ?
Soutenir le bénévolat, c’est avant tout lever les barrières à l’engagement volontaire ; barrières financières et statutaires. Seuls ceux qui ont leurs moyens de subsistance assurés ont le loisir de consacrer du temps et des moyens à une cause.
Un véritable statut de volontaire est donc nécessaire (activité en tant que chômeur, réglementation fiscale, loi sur la responsabilité civile et protection en terme d’assurance)
Il est temps d’explorer véritablement les pistes de valorisation de cette démarche citoyenne. Sybille Mertens, spécialisée en économie sociale, explique : Malgré sa forte densité de volontaires, l’activité bénévole en Belgique est peu reconnue par le monde politique. Inversement, 47% des Américains exercent une activité bénévole, mais dans le monde anglo-saxon, une forte tradition d’engagement va de paire avec un rôle de l’Etat plus modeste que chez nous .

85% de temps libre dans la vie d’un humain

L’augmentation du temps libre est une tendance lourde des sociétés développées. Les données Eurostat ont montré en 1993 que le temps hors travail constituait 85 % de la vie d’un humain.
Qu’allons-nous faire de tout ce temps, ce temps à nous, ce temps libre ? Allons-nous uniquement le consacrer à nos aspirations privées, égoïstes, faire gonfler encore l’individualisme ? Cette attitude risque d’engendrer le sentiment de passer à côté de sa vie…
Les gens et surtout les adultes qui ont passé le cap des premiers soucis, premier enfant, premier boulot, recherchent autre chose que le profit pour le profit. Ils se disent que la vie, c’est plus que cela. C’est pourquoi j’associe volontiers l’activité bénévole à une participation citoyenne , explique Léon Lemercier, président de l’association belge pour le volontariat.

Quelles sont les motivations de ces milliers de volontaires ?

La première motivation du bénévole est l’altruisme et le désir de venir en aide à quelqu’un, mais il y a derrière cette motivation consciente, des motivations inconscientes qui poussent le volontaire à entreprendre cette démarche. Une motivation différente de celle qui nous pousse à aider un aveugle à traverser la rue, différente d’un choix que nous poserions après avoir lu une annonce publicitaire. Le bénévolat est une activité qui a le même poids existentiel que le travail. Il a pour enjeu la création de quelque chose, la réalisation de soi. Il n’est pas de l’ordre du loisir ou de l’occupation, il n’en a pas la légèreté.
Le bénévole, par le volontariat, cherche à combler un manque, à satisfaire un besoin, à poursuivre la quête de ce que le travail ne lui permet pas d’accomplir. Comme en témoigne ce jeune cadre : Travailler à fond pour une entreprise familiale, cela m’a un peu dégoûté. J’ai réalisé que je bossais comme un malade. J’ai eu envie de freiner, j’ai essayé de mieux partager mon temps entre les loisirs, le boulot et le bénévolat.

Les mutations du bénévolat

Le militantisme idéologique du XXe siècle s’étiole progressivement pour se recentrer vers un bénévolat moins engagé sur les idées. L’engagement bénévole désinvestit donc certains terrains traditionnels (politique, syndicalisme, éducation permanente…) pour se recentrer sur des actions plus ponctuelles, des services concrets, des causes humanitaires, des activités qui réagissent à l’immédiat ou à l’émotion. Il suffit de se rappeler le succès de la marche blanche, des restos du cœurs, ou des mobilisations pour les sans (abris, papiers…. ).
L’heure est à la vitesse et au momentané. N’y aurait-il pas également le désir de combler à notre manière un manque d’humanité de notre société ? Nous sortons péniblement de la crise économique, les points de référence bougent, les valeurs évoluent, l’individualité s’installe, la défense de ses intérêts personnels est devenue la norme sociale standard plutôt que de donner la primauté à l’intérêt collectif.
Parallèlement, on constate en Belgique une recrudescence d’inscriptions d’étudiants dans des branches psychologiques ou sociales avec une nette désaffection pour les branches scientifiques. Ce contexte influence irrémédiablement le monde du volontariat qui subit dès lors ses propres mutations.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le volontariat n’est pas proportionnel au temps disponible. Ce sont les personnes les plus actives et les plus scolarisées qui acceptent travail et responsabilité bénévoles. Ce fait s’explique sans doute par des facteurs psychologiques et pratiques : déjà actif, inscrit dans une dynamique, on a envie d’agir et on est sollicité.
Les chômeurs sont relativement peu nombreux. Cela s’explique par des restrictions administratives d’une part et d’autre part par le fait que le chômage entraîne une baisse de l’estime de soi, un sentiment d’exclusion peu propice au développement d’une activité bénévole tournée vers les autres. En outre, l’insécurité financière n’incite pas à s’investir dans une activité non rémunérée.
La conclusion est simple : un million et demi de volontaires s’occupent aujourd’hui en Belgique de jeunes en difficultés, jouent dans une pièce de théâtre amateur, luttent contre les mines antipersonnel, entraînent des équipes de minimes, assurent le transport de personnes handicapées ou malades et l’accompagnement de personnes âgées, s’efforcent d’élargir l’accès à la culture, entretiennent des réserves naturelles, se font l’avocat des plus faibles et des étrangers, tentent de réinsérer dans la société des drogués, des délinquants, des sortants de prison, militent pour que soient préservés les droits et la dignité de personnes qu’ils ne connaissent pas.
Comme en témoigne magnifiquement ce jeune homme de 18 ans : J’ai un peu partagé leur existence et ils ont envahi la mienne. C’est eux qui me remercient mais c’est moi qui ai reçu…

Les Compagnons bâtisseurs

Les Compagnons bâtisseurs consacrent une partie de leurs vacances à des travaux manuels socialement utiles. Ils restaurent des maisons dans des quartiers défavorisés pour reloger familles nombreuses et personnes âgées. Cette association fut créée en Belgique après la Seconde Guerre mondiale pour aider au relogement des réfugiés. Les jeunes sont logés et nourris et aucune qualification ne leur est demandée : Ma famille ne comprend pas mon engouement pour ce travail salissant, mais si tonique et pas tellement compliqué puisque nous sommes supervisés par un technicien et passons chacun d’une tâche à l’autre.

 

L’ASBL Alpha

La parole est aux gens, le silence à tort

L’alphabétisation a encore de beaux jours devant elle… malheureusement. Quatre cent mille personnes sont concernées en Belgique, malgré l’école obligatoire jusqu’à 18 ans. L’asbl Alpha y remédie et fonctionne autour de 3 axes. L’axe politique tente de toucher le grand public avec des campagnes de sensibilisation. Le dicton populaire : La parole est d’argent, le silence est d’or est devenu La parole est aux gens, le silence à tort. L’illettrisme perdure et il est de plus en plus urgent de combattre les causes et de trouver les remèdes. L’axe pédagogique est centré sur la formation des bénévoles pour l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et des mathématiques.Enfin, l’axe institutionnel s’attache à chercher les moyens, notamment financiers, et à créer les structures les plus adéquates afin de lutter efficacement contre l’analphabétisme.
 

Entraide et Amitié

Grâce à Entraide et Amitié, des visages ridés s’éclairent par la présence de jeunes bénévoles, des enfants recommencent à sourire. Ils seront encore nombreux cette année dans les homes ou les hôpitaux à souffrir de leur isolement. Pour les sortir de leur solitude Entraide et Amitié invite les jeunes de 17 à 69 ans à contribuer à l’humanisation des milieux hospitaliers. Plus il y aura de volontaires, plus le monde médical s’humanisera , déclare Catherine Baron, animatrice de l’association. L’Association regroupe 600 bénévoles dont 320 jeunes de moins de 30 ans qui, après avoir suivi une formation, sont au service des malades et des plus isolés.

 

Updated on 06 Octobre 2016