Liberté, je crie ton nom…

Comment éduque-t-on à la liberté ? Un père de famille et une psychothérapeute s’essaient à répondre à cette vaste thématique… de toute une vie.
26 Novembre 2023 | par

Patrick, père de cinq enfants de 14, 12, 8, 6 ans et 16 mois, constate que les enfants ont « envie d’exercer leur liberté dès le début, dès l’âge du bébé, que ce soit mauvais ou positif ». Le rôle des parents au plus jeune âge est d’abord de « protéger », afin qu’ils ne mettent pas leurs doigts dans la prise, ou ne renversent pas le verre sur la table. « Nous servons de gardien du bon sens, qu’ils n’ont pas intégré parce que pour eux c’est de l’ordre de l’expérience ». L’enfant peut voir l’intervention de l’adulte « comme une brimade », note-t-il. D’où l’importance de pouvoir « éclairer ce qu’on demande ».
En tant que parent chrétien, Patrick souhaite s’appuyer sur l’exemple de Jésus, « qui par sa présence rendait la liberté à tous ceux qu’il rencontrait ». Grand lecteur de la Bible, il constate que ses pages sont pétries de la pédagogie divine. « Dieu a envie que l’homme exerce librement sa liberté, même devant lui », insiste-t-il en citant Dt 30,19 – vie / mort, choisis la Vie.
Au fur et à mesure de la croissance, le défi pour les parents est d’user de leur autorité pour « faire grandir l’enfant en personne libre ». Il s’agit aussi de s’assurer que « l’enfant choisisse ce qu’il voulait vraiment et pas ce que voulaient Papa et Maman ». Ainsi, constatant que ses deux grandes filles, adolescentes, étaient « obnubilées par leur portable », Patrick leur a proposé une retraite à la Trappe de Soligny, avec une règle : 3 jours sans portable. Mais il leur a laissé toute latitude pour en parler, et choisir. Il ne s’agissait pas de « les obliger à adhérer ».
Dans cet apprentissage de la liberté, « les enfants doivent être capables de donner une parole et les parents doivent être capables de l’entendre », poursuit Patrick. Lui-même sent la nécessité de se remettre en question lorsque ses adolescentes « s’affirment », voire carrément, « sont en opposition ». « Je me souviens de ma propre expérience, la place du dialogue était très restreinte, avec mes parents il n’y avait pas à discuter. Avec mes filles, je réalise que quand je fais des demandes trop abruptes, elles se ferment. Cela me force à une prise de conscience : je dis que j’ai entendu, et je reviens ensuite sur le sujet à un moment plus calme, sinon les paroles trop rapides peuvent être blessantes ». Prendre un temps de recul peut être nécessaire « pour discerner comment mieux répondre, pour l’aider à comprendre que ce que je dis n’est pas contre elles mais ce qu’on estime bon pour elles… ».
Il plaide aussi pour le travail du temps : « quand l’enfant refuse d’écouter, d’obéir, sur le moment c’est blessant mais on peut aussi voir le chemin de progression de chaque enfant »
Patrick souligne par ailleurs que « tout ne dépend pas des parents ». « Les enfant peuvent s’appuyer sur d’autres personnes comme le parrain, la marraine. Parfois mes filles reçoivent beaucoup plus à l’aumônerie que ce que moi j’aurais pu leur transmettre. On peut avoir besoin de relais quand ça bloque, et les enfants peuvent entendre ce qu’on dit par d’autres personnes, parfois c’est mieux ».
Enfin, Patrick est convaincu que « nous sommes tous porteurs de quelqu’un d’autre dans notre âme : du Seigneur. Rendre service à l’enfant c’est le sensibiliser à cette présence, en lui disant : “Toi aussi tu portes le Seigneur en toi et il est capable de t’éclairer sur tel ou tel sujet”. L’enfant peut nous éclairer aussi en tant que parent. Nous faisons des partages à table où les enfants disent des choses qu’on n’avait pas vues ».
Pour Tiphaine, psychothérapeute, l’apprentissage de la liberté ne s’arrête pas à l’âge adulte. « À tout âge on grandit en liberté. Il y a des gens qui sont persuadés qu’à 25 ans ils ne changeront plus, c’est trop triste comme manière de voir la vie, qui est une croissance permanente », glisse-t-elle. « Plus on grandit dans la liberté, dans la vérité, plus on apprend vraiment qui on est profondément, là où Dieu nous appelle, ce qu’il a mis en nous. C’est un chemin de vie ». Cependant, concède-t-elle, « on est souvent entravés dans notre liberté par nos blessures et nos péchés ». Il peut même y avoir un paradoxe, note-t-elle : « Parfois pour se protéger de choses qui nous font très mal, on choisit des choses qui ne sont pas bonnes pour nous. Dans ce cas, un travail de thérapie peut permettre cet apprentissage de la liberté, en travaillant sur nos blessures pour nous défaire de ces entraves ». Et la thérapeute de s’émerveiller : « J’ai vu des personnes qui à 80 ans passés faisaient des chemins incroyables sur elles-mêmes en thérapie, et qui se sentaient enfin libérées ».
Tiphaine n’hésite pas à dire in fine que « la vraie liberté c’est de choisir Dieu » et se départir de « l’idée de toute-puissance ». Et puis, conclut-elle avec saint Augustin, « “Aime et fais ce que tu veux”. Si tu aimes, tu vas choisir librement le bon et le bien pour toi ». 

Updated on 27 Novembre 2023
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