Montbrison : depuis deux siècles, des clarisses chez les capucins

Après la Révolution, les clarisses de Montbrison (Loire) ont trouvé refuge dans un prieuré bénédictin délabré non loin de la ville. Elles y ont vécu 17 ans dans des conditions difficiles. En 1821, elles font l’acquisition de l’ancien couvent des capucins.
22 Novembre 2021 | par

« En cas d’incendie : 1) couper le gaz ; 2) s’occuper des sœurs âgées ; 3) sauver la bulle de fondation ». Ces consignes, que se redisent régulièrement les moniales, résument assez bien l’état d’esprit qui anime depuis toujours la communauté des clarisses de Montbrison. Couper le gaz signifie une vie ancrée dans le réel, un grand sens pratique – il faut voir sœur Geneviève, sœur externe, récupérer les invendus en ville. Rien ni personne ne lui font peur. Le souci des sœurs âgées renvoie bien entendu à la vie fraternelle, au cœur de la règle de Claire. Mais pourquoi avoir placé une bulle – c’est-à-dire un vulgaire parchemin – en troisième position dans l’urgence ? Cette bulle pontificale, datée du 14 novembre 1496, est le document officiel par lequel le pape Alexandre VI autorise Pierre d’Urfé, bailli de Forez et grand écuyer du roi, à fonder à Montbrison un monastère de l’Ordre de sainte Claire, avec, suivant la formule consacrée, « une église, un clocher, un cloître, réfectoire, dortoir, jardin, jardin potager et autres officines nécessaires selon la coutume dudit ordre ». En application de ce document, onze filles de sainte Claire en provenance de divers monastères de colettines (Le Puy, Aigueperse, Genève, Chambéry, Moulins) prennent pied à Montbrison en juillet 1500. Cinq siècles plus tard, les clarisses y sont toujours. Elles sont treize actuellement. Cette bulle, qui a survécu à au moins trois incendies et que les sœurs ont su préserver pendant la Révolution, symbolise à elle seule le solide enracinement de la communauté dans l’histoire de l’Église et dans celle de la capitale historique du Forez. On comprend donc qu’elles y tiennent comme à la prunelle de leurs yeux.

Ce qui s’est passé en 1821
La Révolution déclenche une longue épreuve pour la communauté. Les ordres religieux sont abolis, mais les sœurs, par la voix de leur abbesse, mère Peyrache, « déclarent qu’elles sont toutes fermement résolues à persévérer dans le genre de vie qu’elles ont librement embrassé ». Les frères mineurs récollets restent au service de la communauté. En octobre 1792, en dépit des protestations des habitants, les moniales sont expulsées mais elles parviennent à rester en ville. Suivent plusieurs années de tribulations marquées par des changements de domicile, des perquisitions, des vols, des vexations en tout genre, mais aussi par de multiples gestes de solidarité de la part de la population. Les sœurs réussissent à garder auprès d’elles leur confesseur récollet, Honoré Courajod, lequel porte bien son nom : au péril de sa vie, il célèbre la messe conventuelle à voix basse et en pleine nuit. Pendant le Directoire, la persécution diminue d’intensité et les clarisses cherchent à récupérer leur monastère, mais en vain. En 1804, elles font l’acquisition du prieuré bénédictin de Sainte-Eugénie, sur la commune voisine de Moingt. Dans ce lieu délabré, insalubre, rempli de décombres, sans carreaux aux fenêtres, les sœurs reprennent leur vie communautaire. En dépit de conditions de vie très difficiles, les quinze moniales de Montbrison sont rejointes par onze sœurs issues de monastères fermés (dont l’abbesse d’Aigueperse), ainsi que par douze postulantes. Le père Courajod, toujours au service de la communauté, meurt le 11 juin 1820, peu de temps après avoir eu la joie d’apprendre que les sœurs cherchaient à acquérir l’ancien couvent des capucins de Montbrison, fondé en 1609 et transformé en auberge sous la Révolution. Le 25 septembre 1821, « à trois heures du matin, après avoir entendu la messe et avoir reçu la Sainte Communion, les clarisses sont conduites en charrette dans leur nouvelle demeure, accompagnées de quelques personnes honnêtes qui portaient des torches ardentes ». Après dix-sept ans d’exil, elles étaient enfin de retour à Montbrison et en terre franciscaine. Dédiée à Notre-Dame des Anges, comme la Portioncule, l’église conventuelle a été remaniée mais elle a conservé son allure capucine.

La célébration de 2021
Deux siècles plus tard jour pour jour, les sœurs ont voulu faire mémoire de ce bienheureux transfert. Le samedi 25 septembre, une journée d’études a permis d’évoquer l’histoire du monastère. Le lendemain, après la messe célébrée par l’évêque de Saint-Étienne, Mgr Sylvain Bataille, les clarisses sont toutes retournées à Sainte-Eugénie – désormais en cours de restauration –, et elles y ont vécu une forte rencontre avec Christophe Bazile, le maire de Montbrison et de nombreux  Montbrisonnais. À cette occasion, le maire a remis à l’abbesse la médaille de la ville. Il a redit les liens profonds qui unissent la ville avec celles que l’on appelle encore ici « les Sainte-Claire ». « Chaque fois que je vais voir les sœurs, a-t-il même confié, j’en ressors transformé ». Après quoi, les clarisses ont célébré les vêpres dans cette chapelle depuis longtemps désaffectée, et elles sont revenues en procession vers leur actuel monastère. Certaines ont témoigné de leur profonde émotion à remettre leurs pas dans ceux de leurs sœurs d’il y a deux siècles.
Et sainte Claire, me direz-vous, était-elle partie prenante de ces festivités ? Eh bien on peut le supposer et en voici quasiment la preuve. Les prévisions météorologiques pour le dimanche 26 septembre n’étaient pas bonnes : on annonçait de la pluie à Montbrison. Alors les clarisses ont prié, prié, prié leur fondatrice pour qu’il fasse beau temps. Résultat : à chaque fois que les sœurs ont été à l’extérieur, et notamment pendant l’émouvante procession où elles ont refait le trajet de 1821, le soleil a brillé radieusement. Et lorsque les sœurs se sont trouvées à l’intérieur de la chapelle de Sainte-Eugénie, et uniquement à ce moment-là, il est tombé une pluie particulièrement drue.
De passage à Montbrison en 1432, sainte Colette aurait prophétisé « qu’on établirait un couvent dans cette ville et qu’il durerait jusqu’à la fin des temps ». Alors, rendez-vous dans cinq siècles !

Pour en savoir davantage :
Monastère Sainte-Claire
29, avenue de la Libération
42600 Montbrison
Tél. : +33 (0)4 77 58 13 35
Internet : www.clarissesmontbrison.org

Updated on 22 Novembre 2021
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