Noël à Bethléem

16 Novembre 2011 | par

Diplômé en liturgie, polyglotte, affable et grand organisateur, le père Stéphane Milovitch, 45 ans, est arrivé en Terre sainte en 1992. À part une coupure de 4 ans à Rome pour ses études, il y est toujours resté. Après 6 ans comme secrétaire de la custodie de Terre sainte à Jérusalem, il est devenu, en 2010, gardien de la communauté franciscaine de Bethléem qui a son siège au couvent de la basilique de la nativité. il nous raconte comment se vit noël là où Jésus est né.

 

L’imposante basilique de la Nativité est la destination principale des pèlerins qui affluent du monde entier. « Il faut préciser, dit le père Stéphane, qu’à Bethléem c’est Noël tous les jours. Les pèlerins, même s’ils arrivent en juillet ou août, viennent ici pour célébrer Noël. Et nous les accueillons chaque jour pour célébrer la liturgie de Noël avec eux. Mais cela ne signifie pas, cependant, que le 25 décembre soit un jour comme les autres pour nous. »

 

Arrêtons-nous sur le 25 décembre…

Cette liturgie commence le samedi qui précède le premier dimanche de l’Avent. Le custode de Terre sainte, qui vit à Jérusalem, vient à Bethléem. Il préside les vêpres dans l’église Sainte-Catherine, puis descend dans la grotte de la Nativité pour une cérémonie qui démarre officiellement l’attente de Noël. Il allume la première des quatre bougies de la couronne de l’Avent, puis la porte dans la basilique et un grand nombre de personnes viennent allumer, à cette lumière, une bougie qu’ils rapportent chez eux et conservent jusqu’à Noël. Les quatre semaines de l’Avent sont consacrées à la préparation de la fête. Tout le monde participe, pas seulement les chrétiens, qui sont une petite minorité à Bethléem.

 

Comment se passe le grand jour ?

À partir du 24 décembre dans l’après-midi et jusqu’à la fin de la soirée du 25, Bethléem devient une grande église où la prière est continue. Des pèlerins arrivent du monde entier. Les prêtres, les évêques et tous les frères présents en Terre sainte viennent à Bethléem. Le patriarche de Jérusalem, la plus haute autorité catholique en Terre sainte, arrive également pour présider la cérémonie religieuse, ainsi que les autorités civiles : le maire de Bethléem, qui, légalement, doit être chrétien, Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, avec ses ministres, tous musulmans, ainsi que des hommes politiques et diplomates du monde entier. Bethléem devient un grand centre interreligieux.

 

Quand les cérémonies religieuses commencent-elles ?

En début d’après-midi le 24 décembre, avec l’arrivée du patriarche, qui se déroule selon un cérémonial très ancien. Le patriarche part de Jérusalem accompagné d’un cortège de voitures. La police israélienne participe en fermant toutes les routes latérales et en s’assurant que tous les feux soient au vert. Le cortège s’arrête au monastère Saint-Élie, à l’entrée de Bethléem, où le patriarche est accueilli par les autorités civiles et religieuses de la ville. Bethléem est entourée par le mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie. Le cortège doit passer par une porte qui n’est ouverte qu’en de rares occasions, pour des autorités importantes. Selon une tradition qui remonte à l’Empire ottoman, le patriarche, pour son voyage, est accompagné de cinq cavaliers. Pour des raisons politiques,  avant de passer le mur, les cavaliers israéliens sont remplacés par des cavaliers palestiniens. Dans Bethléem, le cortège s’arrête devant la tombe de Rachel, où le patriarche reçoit les salutations des prêtres de la ville. Puis le cortège arrive à la basilique. En qualité de gardien de la communauté, j’attends le patriarche devant la porte de l’Humilité, lui souhaite la bienvenue et l’accompagne dans l’église où il préside la première célébration, les vêpres. À 16h a lieu la procession que nous, frères de la communauté, faisons tous les jours à la grotte. Nous chantons les hymnes et récitons la prière traditionnelle. À ce moment, c’est moi qui récite et le patriarche assiste. Puis le patriarche se retire, et nous continuons à préparer.

 

Que préparez-vous ?

L’église, avant tout. Pour la messe de minuit, il y a des demandes du monde entier. Même la basilique Saint-Pierre ne pourrait satisfaire toutes ces demandes. Notre église peut accueillir 500 personnes assises ; en enlevant les bancs, nous parvenons à faire tenir 2 000 personnes. Bien entendu, nous sommes obligés de distribuer des billets, totalement gratuits. Puis nous préparons le dîner de la soirée de Noël. Un dîner frugal qui fait partie du cérémonial ; avec les frères dînent également, dans la fraternité, l’amitié et la paix, les autorités de Bethléem, le patriarche, les évêques, le président Abbas et ses ministres, les diplomates… Vers 21h, nous ouvrons la porte d’entrée de l’église Sainte-Catherine et commençons à faire entrer les pèlerins qui ont un billet.

 

Puis arrive la messe de minuit…

À 23h30 débute la cérémonie qui concerne strictement la naissance de Jésus. Elle est présidée par le patriarche et concélébrée par les évêques et les prêtres, en général 150. Elle commence avec le chant des matines. Cinq minutes avant minuit arrivent le président Abbas et sa suite, accueillis brièvement par le patriarche. À minuit, les cloches de la basilique sonnent à toute volée, et la chorale entonne le Gloria. Un sacristain enlève le drap qui enveloppe la partie inférieure de l’autel, faite en forme de berceau, et dans laquelle est rangée la statuette de l’Enfant Jésus. C’est le moment le plus émouvant ; il rappelle la naissance du Sauveur. Le Gloria, dans un tel lieu, a une signification particulière, car il rappelle celui des anges entendu par les bergers. Le patriarche rend hommage à l’Enfant Jésus avec de l’encens, puis commence la messe, célébrée en latin, avec les lectures en huit langues. Selon la tradition, les musulmans peuvent être présents à la messe, mais pas au moment de la communion. C’est pourquoi, après l’Agnus Dei, le patriarche salue le président Abbas, qui se retire avec toute sa suite.

À la fin du rite eucharistique, il y a la cérémonie de déplacement de la statuette de l’Enfant Jésus du berceau de l’autel à la crèche. Ici nous avons la véritable crèche, permanente, où Jésus a été mis par Marie dans la mangeoire. Le patriarche prend l’Enfant Jésus, et rejoint en procession la grotte de la Nativité. Le cortège est limité aux concélébrants et à quelques personnes, parce qu’il y a peu de place dans la grotte. La première étape est le lieu où se trouve l’étoile d’argent à 14 pointes qui, d’après la tradition, est l’endroit de la naissance de Jésus. Un chanteur récite les passages de l’Évangile qui racontent l’histoire. Les détails du chant et les gestes du patriarche rappellent l’événement le plus marquant jamais arrivé sur cette terre. Quand la cérémonie est finie, le patriarche retourne dans la basilique et salue les autorités et les fidèles.

À ce moment-là, il est 3h du matin. À la grotte commencent les messes, qui se succèdent l’une après l’autre pendant toute la journée du 25. D’autres messes sont célébrées en continu dans les autres églises de Bethléem. Des chants s’élèvent de différents endroits de la ville et créent une atmosphère d’enchantement et de sérénité. À 10h du matin, le patriarche retourne à la basilique pour célébrer la seconde messe solennelle. C’est la messe paroissiale, célébrée en arabe. Après la messe, le patriarche repart avec sa suite et retourne à Jérusalem. À Bethléem, en revanche, on continue à chanter et prier.

Updated on 06 Octobre 2016