NON à la SELECTION des ENFANTS à naître

01 Janvier 1900 | par

Cette conviction, exprimée par Jean-Paul Il en 1981, constitue le pivot de la réflexion menée par le Conseil permanent de la conférence épiscopale française lorsqu'elle a publié sa déclaration intitulée Essor de la génétique et respect de la dignité humaine (Janvier 1998). Le texte reconnaît la légitimité de la recherche génétique, mais appelle à la vigilance, face à l'éventualité d'une organisation collective d'une sélection des enfants à naître.
Les progrès de la science dans le domaine de la connaissance du fœtus posent aujourd'hui des questions morales préoccupantes et même angoissantes pour les chrétiens. Dès le début de la grossesse, on peut en effet savoir maintenant qu'un enfant sera anormal ou qu'il risque d’être anormal à la naissance, présentant des infirmités plus ou moins graves, ou atteint de maladies curables ou non.
La médecine fœtale a fait, en effet, des progrès considérables en matière de diagnostic, depuis les débuts de l'échographie aux alentours de 1975. Le corps médical n’était alors confronté qu'à un seul problème, celui de la santé de la mère. Si celle-ci était en danger de mort, l'avortement thérapeutique pouvait, à son avis, être éventuellement envisagé.

Terribles problèmes de conscience Au début de 1’échographie, on ne pouvait déceler que des anomalies très importantes, comme l'anencéphalie. Là, les anomalies étaient tellement graves qu'il n'y avait aucune interrogation éthique : un enfant sans tête n'est pas viable. Seul apparaissait un débat entre ceux qui, chrétiens, ne voulaient pas interrompre une grossesse mais savaient que l'enfant serait mort-né, et ceux qui se refusaient à poursuivre une telle grossesse.
L'échographie est devenue de plus en plus précise et d'autres méthodes d’investigation sont apparues, comme la biologie moléculaire, et on a pu faire des études de fœtus de plus en plus fines et de plus en plus précoces dans la grossesse. Mais ces progrès posent des questions, car maintenant on décèle des maladies incurables, mais qui ne seront dangereuses pour l'enfant qu'à l'adolescence ; ou des maladies incurables, qui ne seront pas mortelles, mais très lourdes à supporter ; ou des maladies curables, mais qui seront, elles aussi, très lourdes ; et enfin on décèle des cas où il n'y a que des risques, parfois très importants, de maladies. Et puis, il y a les maladies décelables, mais incurables, comme les malformations, l'absence de reins, l'absence de poumons. On sait que l'enfant ne sera viable que quelques heures, quelques jours au mieux. Des anomalies qui ne sont pas compatibles avec la vie...
On décèle désormais, chez le fœtus, des maladies qui sont incurables, qui exigeront des traitements très lourds. Les formes graves de mucoviscidose, par exemple. On sait que l'enfant aura des infections pulmonaires continuelles, qu'il sera soumis à des traitements perpétuels et qu'il mourra à l'adolescence. Même chose avec certaines maladies des globules rouges.

Une troisième solution Il y a enfin des maladies incurables, mais qui ne sont pas mortelles, comme la trisomie 21, qu'on ne peut pas guérir, ou les maladies dues à des infections virales pendant la grossesse, comme la rubéole, le cytomégalovirus.
Désormais donc, en matière de diagnostic fœtal, on décèle des malformations, des maladies, mais aussi des risques de maladies. C'est là un des problèmes les plus délicats. On découvre, en effet, en observant le fœtus, des anomalies dont on ne connaît pas la signification réelle. En France, sur 700.000 femmes par an qui sont enceintes, 7.000 d'entre elles ont un fœtus qui présente une anomalie. Le choix ne doit plus être, en ce cas, interruption de grossesse oui ou non, mais une troisième solution : une tentative de traitement du fœtus. Il y a des maladies qu'on ne peut pas traiter chez un nouveau-né, mais qu'on pourrait traiter chez le fœtus. Ce sont, bien sûr, des traitements audacieux, expérimentaux. On doit alors proposer des protocoles, comme on le fait dans certains cas pour le cancer ou le sida.
Le 28 avril dernier, le Premier ministre Lionel Jospin a officiellement saisi le Conseil d'Etat au sujet de la révision des lois dites de bioéthique. Un avant projet devrait être rédigé pour un examen, avant la fin de l'année, devant le Parlement. Une partie des lois de bioéthique de 1994 va ainsi être révisée, en ce qui concerne notamment l'assistance médicale à la procréation, la question de la recherche sur l'embryon et le diagnostic prénatal, qui nous intéresse aujourd'hui.

Refus de la sélection génétique Attention danger ! a rappelé le Conseil permanent de la Conférence épiscopale, qui a publié, le 15 janvier 1998, un important document sur les enjeux du défi génétique, dans une déclaration intitulée: Essor de la génétique et respect de la dignité humaine (Cerf-Centurion), sous la houlette du Père Patrick Verspieren et sous la signature de Mgr Louis-Marie Billé, Président de la Conférence.
«L'approfondissement permanent de la connaissance du vivant est de soi un bien, déclare le document. C'est même une forme de louange du Créateur. Mais ce savoir ne donne actuellement, dans la plupart des cas, aucun pouvoir sur l'anomalie ou la maladie. Cela crée des situations très délicates ou même dramatiques et peut, en l'absence d'une réflexion suffisante ou d'une réelle volonté de respecter pleinement la dignité humaine, entraîner des discriminations, renforcer des exclusions ou même conduire à l'organisation collective d'une sélection des enfants admis à naître dans une société. Serait alors exercée par les forts et ceux qui sont sains, une discrimination à l'encontre des faibles et des malades, non moins répréhensible que la discrimination raciale».
Le texte poursuit: «Il n'est pas toujours bénéfique pour l'homme de s'entendre nommer à l'avance, avec un degré plus ou moins élevé de certitude et sans qu'il puisse tenter de se prémunir contre elle, une maladie dont il risque d’être atteint ultérieurement. Aussi importe-t-il de se garder d'un emploi irréfléchi – ou même idéologique – de la notion de médecine prédictive».

Une pratique collective de sélection des enfants «La génétique se révélerait inhumaine, si les termes techniques employés devenaient une étiquette posée sur le front de l’enfant, interdisant tout espoir et invitant à se séparer du nouveau-né, alors que les parents sont encore sous le choc d'un traumatisme et frappés de stupeur. Si les scientifiques et la médecine n'y prennent garde, les sciences génétiques peuvent renforcer les attitudes de commisération et de rejet.»
«Dans la plupart des cas, diagnostic et dépistage prénatals ne permettent que de constater et d'exclure une anomalie incurable. Le diagnostic prénatal est désormais proposé à des groupes de femmes enceintes, sinon à toutes, acquérant ainsi une dimension collective. Est même de plus en plus acceptée une perspective de prévention aussi étendue que possible de la naissance d'enfants atteints d'anomalies graves. Assez généralisée est l'attitude adoptée alors par le médecin : conseiller, de façon plus ou moins directive, de procéder à l'interruption de grossesse.»
«Notre société est devenue discriminatoire. La conviction se répand qu'il est préférable que certaines vies ne soient pas vécues. Les évêques invitent donc tout spécialement les médecins à réfléchir loyalement à leur rôle en cas de découverte d'une anomalie fœtale grave. Non pas en décidant eux-mêmes d'interrompre une vie, alors qu'ils ont reçu mission de soigner et de soulager celles qui lui sont confiées.»

Un acte de foi en Dieu Le texte des Evêques poursuit : «Dans le climat culturel actuel, accepter en connaissance de cause de donner le jour à un enfant qui sera gravement handicapé représente un acte de foi en Dieu ou en l'amour humain. Une telle décision sera suivie de souffrances. Mais c'est la voie d'un plein respect de l'homme et de sa dignité, le chemin aussi de la découverte de richesses insoupçonnées».

«Une pratique collective de sélection des enfants admis à prendre place dans la société s'est déjà instaurée, encouragée plus ou moins explicitement par ceux qui y voient un mode de prévention des anomalie congénitales et une source d'économies pour la société. L’acceptation de plus en plus générale d'une norme (l'interruption de la grossesse après constat d'une anomalie fœtale grave) et d'une pratique collective de sélection des enfants à naître».

Les enfants et adultes porteurs de handicaps congénitaux graves apparaissent ainsi, de plus en plus comme des erreurs de la médecine, des ratés de la prévention.

 

Révision des lois de bioéthique

Le Conseil d'Etat français a été chargé de rédiger un avant-projet de loi, avant la fin Septembre 1999, de la révision des lois de bioéthique, pour un examen devant le Parlement avant la fin de l'année.
Le texte devrait concerner l'assistance médicale à la procréation, les greffes et le diagnostic prénatal. Cinq questions devraient être plus particulièrement abordées : l'usage des tests génétiques et leur application ; les dons d'organes et les greffes ; les problèmes liés au consentement des personnes (en matière de dons d'organes et de tissus) ; l'assistance médicale à la procréation ; les problèmes posés par le clonage et sa pratique. On n’évitera pas la question de la recherche sur l'embryon.
En France, la recherche génétique était cadrée jusqu'ici par les lois sur la bioéthique de Juillet 1994. Au niveau européen, depuis le 12 janvier 1998, une convention des
droits de l'homme sur la bioéthique pose des principes généraux.
« Le diagnostic prénatal, s'il décèle une malformation ou une maladie héréditaire, ne doit pas être l'équivalent d'un sentence de mort. Tout enfant a droit à la vie. »
Cardinal Jean-Marie Lustiger, 1992.

 

Fallait-il tuer Toulouse-Lautrec ?

Le professeur Jacques Milliez, chef du service de gynécologie-obstétrique à l’hôpital Saint-Antoine de Paris, raconte : « J'ai reçu récemment deux femmes enceintes, dont les fœtus étaient atteints de la même maladie incurable, qui allait provoquer des risques de retard intellectuel non quantifiables. Pour la première, la chose était totalement inacceptable, elle ne pouvait pas assumer un tel enfant. La seconde m'a dit: il n’y a aucun problème, cet enfant est un don de Dieu, je le garde. »
«Certains parents demandent une interruption de grossesse, quand on leur dit qu'on a décelé, chez le fœtus, un bec de lièvre. Or, le bec de lièvre s'opère très facilement et ne laisse aucune trace. Moi, je refuse l'interruption dans ces cas là. Mais il y a des cas difficile, comme le nanisme, qu'on ne décèle d'ailleurs que tardivement, au sixième mois de grossesse. On sait que c'est incurable, que c’est incompatible avec une vie normale, que c'est insupportable pour des parents. Mais fallait-il tuer Toulouse-Lautrec?»

 

L’Eglise : l’embryon est un être vivant

Le magistère catholique s'est toujours opposé à toute forme d'instrumentalisation de l’embryon. Quand, en 1987, le Comité consultatif national d'éthique ouvrait la brèche pour autoriser la recherche sur l’embryon, le P. Olivier de Dinechin, alors membre du Comité, s’y était clairement démarqué. Pour lui, expliquait-il alors, il faut attribuer aux cellules totipotentes, le même statut éthique que l'embryon humain qu'elles sont susceptibles de produire. Faute de quoi, on réduit l'embryon à un matériau de recherche.
«L'utilité scientifique et thérapeutique qui conduit le Comité consultatif national d'éthique à évoluer, ne peut justifier l'utilisation de cellules embryonnaires, estime également le Père Patrick Verspieren, spécialiste d'éthique biomédicale au Centre Sèvres, qui met en garde contre le glissement du vocabulaire. Les scientifiques parlent de cellules, en oubliant leur origine : l'embryon, cet être porteur d'une vie humaine qui mérite le même traitement qu'une personne en fin de vie».
La position de principe de l'Eglise est énoncée dans l'instruction Donum vitæ (10 mars 1987), de la Congrégation pour la doctrine de la foi et reprise dans l'encyclique Evangelium vitæ, de 1995.

 

Ce que dit la loi

Un embryon humain ne peut être conçu ni utilisé à des fins commerciales ou industrielles.

• La conception in vitro d'embryons humains à des fins d'étude, de recherche ou d'expérimentation est interdite.

• A titre exceptionnel, l'homme et la femme formant le couple peuvent accepter que soient menées des études sur leurs embryons. Ces études doivent avoir une finalité médicale et ne peuvent porter atteinte à l'embryon.

 

Des livres à lire

Alice et les clones. Claude Sureau, vice-président de l'Académie de médecine et ancien membre de la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal, explique ce que sont la procréation médicalement assistée, la médecine prédictive, etc. Une invitation à la réflexion. Ed. Stock, 280 pages, 120 FF.

L'Euthanasie du fœtus, par Jacques Milliez, Chef du Service de gynécologie-obstétrique, de l’hôpital Saint-Antoine à Paris. Une analyse des progrès et des limites de la thérapie du fœtus. Ed. Odile Jacob, 220 pages 135 FF.

L’Etre en gestation, par Vincent Bourguet, philosophe. Ses réflexions bioéthiques sur l'embryon humain. Ed. de la Renaissance. 400 pages, 149 FF.

L'homme de la bioéthique, par le Père Olivier de Dinechin, avec Yves de Gentil-Baichis. Que va-t-on faire des nouvelles connaissances de la bioéthique ? Vont-elles ouvrir un chemin de vie ou de mort ? Ed. Desclée de Brouwer, 125 pages, 82FF.

Updated on 06 Octobre 2016