Patrimoine franciscain : la Renaissance

Les anciens couvents franciscains sont concernés par toutes ces questions. Plusieurs seront ouverts à l’occasion des prochaines journées du patrimoine.
15 Septembre 2019 | par

« On  n’a rien vu, mais c’était magnifique ! » C’est ainsi qu’une sœur clarisse malicieuse réagissait après que je lui ai montré les vestiges du monastère de l’Ave Maria de Paris. Il est vrai que le patrimoine franciscain, omniprésent en France, se réduit souvent à un pan de mur, ou à une plaque commémorative. Heureusement, toute une série de monuments quasiment intacts sont actuellement en cours de restauration. Je vous propose un tour de France de ces édifices franciscains qui méritent (vraiment) le détour.  

Notre-Dame-des-Anges de l’aber Wrac’h
Au bord de l’aber Wrac’h, au nord-ouest de la Bretagne, le couvent Notre-Dame-des-Anges de Landéda a été fondé au début du XVIe siècle pour servir de refuge aux religieux qui vivaient en ermitage sur des îles battues par les flots et visitées par les pirates. Au XVIIe siècle, ce couvent de cordeliers, comme tous ceux de Bretagne, passe à la réforme récollette. Abandonné à la Révolution et tombé en ruines, il connaît une spectaculaire réhabilitation depuis 2012 grâce à ses propriétaires, Robert et Chantal Tétrel, et à l’association des « amis de l’abbaye ». L’église vient de retrouver sa voûte en charpente et sa couverture en ardoise, tandis que les historiens et les acousticiens se passionnent pour la centaine de « pots acoustiques » retrouvés à l’intérieur de ses murs. Fort logiquement, dans un futur proche, Notre-Dame-des-Anges devrait abriter un centre culturel dédié au chant et à la voix.

Ciboure
Toujours en bord de mer, mais sur la côte basque, le couvent de Ciboure témoigne de la mission pacificatrice des Franciscains. Au début du XVIIe siècle, les récollets se sont implantés sur un îlot que se disputaient Saint-Jean-de-Luz et Ciboure, et depuis, comme dit la chronique, « les deux bourgs ont toujours conservé la paix, et les récollets y ont toujours conservé l’affection des habitants ». Fermé à la Révolution, le couvent est resté presque intact. L’église mesure près de 40 m de long. Elle a fière allure ! Le retable du maître-autel, avec la statue de Notre-Dame de la Paix, ainsi que le tabernacle orné de saints franciscains ont repris du service dans l’église paroissiale Saint-Vincent de Ciboure. Restauré, le couvent doit devenir un « centre d’interprétation du patrimoine » et mon petit doigt me dit que sa mémoire franciscaine n’y sera pas occultée.

Pino
La mission confiée à Stéphane Bern a braqué les projecteurs sur ce magnifique ensemble conventuel du Cap Corse. Désormais, même s’il manque encore des financements, l’affaire suit son cours et le monument est sauvé. Mais il ne faudrait pas que l’arbre de Pino cache la forêt corse. Le patrimoine franciscain, réparti sur toute l’île, y est en grand péril. Il se détériore d’année en année : des façades s’écroulent, des vestiges sont recouverts par la végétation, des monuments intacts sont complètement abonnés depuis des lustres. Qui sauvera le couvent Saint-François de Bastia ? Celui de Caccia ? Celui de Farinole ?

Nice
Depuis le milieu du XIIIe siècle, les frères sont implantés au cœur du Vieux-Nice, et tous les Niçois connaissent la tour Saint-François, remaniée au XVIIIe siècle, fier témoin de cette première présence franciscaine. Mais ce clocher n’est pas le seul vestige du couvent. L’église, quoique défigurée par des transformations au cours du XIXe siècle, a résisté contre vents et marées. Occupée encore récemment par les services de voirie de la ville, elle est en cours de dégagement. On distingue maintenant très bien sa nef unique, large et non voûtée, suivie d’un chœur couvert d’une coupole. Sa ré-
ouverture — comme musée ? — changera notre regard sur l’architecture franciscaine médiévale du sud de la France.

Saorge
Perle de l’arrière-pays niçois, avec son magnifique bourg médiéval déployé en amphithéâtre au-dessus des gorges de la Roya, Saorge conserve également un exceptionnel couvent franciscain du XVIIe siècle, habité par des frères jusque dans les années 70. Aujourd’hui, le monument, absolument intact, est géré par le Centre des monuments nationaux et sert de résidence à des écrivains en mal d’inspiration. On nous annonce une grande campagne de restauration. On ne peut que s’en réjouir et on espère que ce sera l’occasion de mettre davantage en valeur la mémoire franciscaine de ce joyau architectural.

Les Thons
Au sud du département des Vosges, autrefois dans le duché de Lorraine, le couvent des Thons a été fondé en 1451, par des « Colétans », les frères mineurs réformés par sainte Colette. Les bâtiments ont traversé les siècles, mais en 1980, ils étaient voués à la ruine et à une disparition progressive. C’est à partir de ce moment que l’association Saône Lorraine, présidée par l’historien Jean-François Michel, s’est lancée dans un combat pour leur survie. Ce combat commence à porter ses fruits. L’église a retrouvé ses volumes d’origine. La sélection de ce site par la Mission Bern redonne confiance pour l’avenir.

Coulommiers
Dans le parc de son château (aujourd’hui disparu) de Coulommiers, Catherine de Gonzague a fait bâtir pour les Capucins un couvent dont l’église à été consacrée en 1625. C’est aujourd’hui le musée municipal. Au-dessous du chœur des religieux, la princesse avait fait aménager une étonnante chapelle basse, peut-être en vue de s’y faire inhumer. Cet étrange espace, à la voûte de pierre très aplatie, est bordé de niches qui ont reçu une luxurieuse décoration, malheureusement très abîmée. Grâce à la Fondation du patrimoine, cette « grotte de coquillages » va bénéficier d’une minutieuse restauration. Le musée lui-même va revoir sa muséographie, et là encore, il faudra œuvrer pour que ces chers capucins ne soient pas totalement oubliés au profit du Coulommiers… le célèbre fromage local.

Paris, le couvent des capucins du Marais
Paris n’est pas en reste. Des trois implantations capucines d’Ancien Régime, seul le couvent du Marais est parvenu jusqu’à nous. C’est un rare exemple de couvent à ne pas avoir été fondé ex-nihilo. Dans les années 1620, les frères avaient en effet installé leur église dans un « tripot », et l’un des murs, celui qui borde la rue Charlot, est probablement un vestige de cet établissement de jeu. Cette église, qui abrite plusieurs trésors franciscains (saint François d’Assise par Germain Pilon, cycle de peintures de Frère Luc) vient enfin de bénéficier d’une vraie restauration. C’est aujourd’hui la cathédrale des Arméniens catholiques, lesquels sont attachés à la mémoire capucine du lieu. n

Avant votre visite :
Aber Wrac’h : www.abbayedesanges.com
Pino : www.fondation-patrimoine.org/les-projets/couvent-de-pino
Les Thons : www.saonelorraine.com
Coulommiers : www.fondation-patrimoine.org/les-projets/grotte-de-coquillages-de-coulommiers
Saorge : www.monastere-saorge.fr

Updated on 15 Septembre 2019
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