Père Jean-Marie Parrat. Études : trouver sa vocation

Les étudiants ont chacun un projet professionnel, constate le père Parrat, aumônier des étudiants pour le diocèse de Luçon. Pour tous, la question de la vocation et de la finalité de leurs études reste un défi.
13 Janvier 2019 | par

La question de la foi est-elle présente à l’esprit des étudiants que vous côtoyez ?
À cause de la culture environnante, matérialiste et anesthésiante, les étudiants ne se posent pas forcément la question du sens de Dieu. Ils pensent que c’est une opinion personnelle. Cependant, beaucoup d’étudiants ont la foi et veulent la faire grandir même s’ils ne s’en donnent pas forcément les moyens. Certains sont très sérieux et veulent passer d’une foi d’enfant à une foi d’adulte quand d’autres vont devenir paresseux dans leur vie spirituelle.

Face à ces étudiants, quelle est votre réaction ?
Pour ceux qui ont la foi, j’essaie de développer une pastorale de l’unification et du disciple. C’est-à-dire les aider à prendre conscience que le Seigneur leur demande de le suivre, de le placer en premier et de mettre en place une vie de prière. L’unification consiste à comprendre que Jésus est le chemin, la vérité et la vie (Jn 14, 6). Voilà le triptyque de l’étudiant. D’abord, sa vie relationnelle et affective, sa vie d’imitation et morale. Il suit celui qui est le chemin pour devenir un jour le chemin pour un autre, quelles que soient ses responsabilités. Ensuite, la vérité avec la notion d’étude. Le Christ en est la synthèse car Il est la sagesse, le logos, le Verbe. Dans ses études, on peut contempler la vérité : elles sont une caisse de résonance et renvoient à Dieu qui est vérité. Quant à la vie, c’est la vie spirituelle. L’étudiant doit prendre conscience qu’il ne faut pas simplement vivre une vie efficace mais une vie féconde. Lorsque ce triptyque se met en place, l’étudiant devient solide.

Les étudiants font-ils un lien entre la finalité de leurs études et cette vocation à laquelle ils sont appelés ?
Tous les étudiants ont des projets professionnels. Mais la question de la vocation, de l’unité, de la finalité concerne principalement ceux qui veulent devenir des disciples. Cependant, ils n’ont généralement pas conscience de l’unité et de la vocation. Il y a un échec dans l’éducation chrétienne : la question de la vocation arrive malheureusement trop tard. Les jeunes sont projetés dans des études en s’essayant à une meilleure orientation possible mais sans aucune connexion avec leur vie spirituelle. Ils ne voient pas en quoi cela va les rendre saints. Pourtant la question cruciale de l’orientation est liée à celle de la vocation.

D’où vient cet aveuglement que vous relevez ?
Il y a une carence dans la prédication, quand il n’y a pas de sacrement en amont, baptême et confirmation. Cette carence existe même chez les familles catholiques bien pratiquantes. On a l’impression que la vocation n’est qu’une sorte de « cerise sur le gâteau » alors qu’elle est le principe unificateur de toute la construction humaine. Les jeunes n’ont pas conscience de cela. Souvent le domaine de leurs études est profane. Ils n’ont pas conscience qu’en faisant des études de droit par exemple, ils se mettent au service du Christ qui est le Juste et le Juge par excellence. Il faut les aider à christianiser leurs études.

Cette carence se heurte à l’étape qui suit le lycée. Le cycle des études — professionnelles ou universitaires — favorise-t-il un vide spirituel ?
Pas forcément. Certes, il existe des idéologies, mais les études favorisent également le questionnement existentiel et l’étonnement. En revanche, trouver Dieu demande une démarche qui peut effrayer. Il faut donc amener par la raison les étudiants à montrer que Dieu est crédible et démontrable. Que l’espérance chrétienne en Jésus Christ est à la fois équilibrée, non sectaire et une source d’amour bien plus grande que toutes les pseudo-mystiques dont les jeunes sont aujourd’hui friands. Il faut leur donner une vraie image du Christ et leur montrer que le christianisme va bien plus loin que toutes les utopies.

Qui peut le mieux guider les étudiants ?
Les jeunes ont besoin de professeurs, d’agents pastoraux, de prêtres, de témoins qui leur donnent un témoignage humain, des raisons de croire intellectuellement et les initient à la spiritualité chrétienne. La mystique n’est pas bonne uniquement pour le yoga : le top de la mystique, c’est le christianisme. Il faut leur donner des enseignements pour les provoquer sur leur terrain et partir de là où ils sont. Si une élite chrétienne est formée via le parcours EVEN ou Zachée, des groupes de prières, le forum Wahou!, la plupart des étudiants n’ont pas ces clefs-là. Il faut donc les rejoindre sur leur propre terrain : l’humanitaire, la charité, l’écologie, l’ésotérisme, l’art et la culture, la raison et la science.

Quant aux jeunes catholiques, quel rôle peut jouer l’aumônier auprès d’eux ?
Le rôle de l’aumônier est clairement de faire des jeunes des saints. Demain, ces catholiques doivent être des acteurs dans la cité. Il faut qu’ils aient conscience de se former de manière excellente non pas pour dominer mais pour prendre des responsabilités pour aider la société dans tous les domaines. Ils doivent avoir conscience qu’ils vont servir le Christ, le faire connaître et doivent désirer la sainteté. Ils doivent être bons dans leurs études, quelles qu’elles soient : BTS cuisine, ingénieur, CAP d’ébéniste... On est apte à servir dans la mesure où l’on devient compétent. Ensuite, les jeunes doivent se former à être missionnaires. Il ne suffit pas d’être un simple catholique, il faut en plus être missionnaire.

Comment encourager les étudiants à devenir missionnaires ?
Il faut d’abord se former à prier pour avoir une ardeur pour servir le Christ. Il faut ensuite connaître la foi afin de pouvoir bien l’expliquer aux autres. Charge donc aux aumôneries de donner aux étudiants des cours de théologie, de spiritualité, de leur enseigner le catéchisme, des cours sur l’oraison... Ensuite, il faut s’exercer à parler de Dieu grâce à des parcours Alpha, dans des lieux où les jeunes peuvent témoigner comme des « théo bars », voire directement dans des espaces missionnaires. Former les jeunes à être missionnaires doit faire d’eux plus tard des laïcs missionnaires.

Du coté familial, quelle attitude adopter par les parents pour que leur enfant déploie ses ailes dans ses études ?
On n’accompagne pas un jeune étudiant comme on l’accompagnait au lycée. Il faut lui parler comme à un adulte et le mettre en face de ses responsabilités. Les parents doivent également prendre conscience que le cordon est coupé pour une part tout en restant attentifs à ce que le jeune s’épanouisse. S’ils ne sont pas les meilleurs prophètes à cette période-là, les parents doivent être des veilleurs et prier pour que le jeune rencontre d’autres modèles bien construits. Ceci dit, vers la fin de ses études, le jeune sera tenté de voir dans ses parents des experts qui ont des années de bouteille dans la même voie qu’il est en train de prendre. Et à ce moment, les parents peuvent à nouveau dire des paroles fortes.

Quel est le risque à éviter de la part des parents ?
Certains parents projettent des désirs pas forcément ajustés et peuvent mettre une certaine pression sur le jeune. Trop de jeunes font des études intellectuelles et devraient suivre des études manuelles. C’est d’ailleurs pareil pour la vocation : certains jeunes sont mûrs à 20 ans et peuvent demander d’entrer au séminaire à cet âge-là quand pour d’autres, il faudra quelques années de plus. Enfin, les parents doivent apprendre la gratitude qui sait mesurer ce qu’on a reçu et qui donne ensuite envie de se donner. Elle rappelle que l’on a des assises derrière soi.

Updated on 13 Janvier 2019
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