Points-Coeur, avec les enfants pauvres du monde

01 Janvier 1900 | par

100 millions d’enfants dans le monde vivent dans la rue. 200 millions sont exploités, plus d’un million sont entraînés, chaque année, dans la prostitution. Face à cette détresse, frère Thierry de Roucy fonde, en 1990, l’Œuvre Points-Cœur. Récit et témoignages.

Ancien Normale Sup, Thierry de Roucy entre, en 1975, dans la jeune Congrégation des Serviteurs de Jésus et de Marie, fondée en 1930 par le Père Jean-Edouard Lamy (1). Docteur en théologie, il choisit, à son retour de Rome, d’aller vers les plus pauvres, et, parmi les pauvres, vers les plus faibles, les enfants.
Ce qui, au point de départ, m’a bouleversé, écrit-il, c’est un cri : celui de millions d’enfants. Un cri parfois silencieux, mais qui déchire le coeur, car il vient d’une souffrance atteignant le plus intime de l’être. Depuis, il est habité d’une profonde conviction : La soif la plus intime de l’homme, d’un enfant, c’est de recevoir un ami, une présence compatissante qui accueille, réconforte et l’aide à retrouver sa dignité.
Le premier projet d’une structure d’accueil pour enfants pauvres, a vu le jour, en 1990, à São Salvador de Bahía (Brésil). Lors de mon passage à Paris, raconte le cardinal Moreira Neves, archevêque émérite de ce diocèse, le Père Thierry me fit part de l’intuition qu’il avait reçue de fonder une œuvre en faveur des enfants les plus pauvres et d’ouvrir au Brésil la première maison de cette Œuvre. Connaissant trop bien les besoins de mon pays, nous ouvrîmes immédiatement les portes de São Salvador à Points-Cœur et confiâmes à sainte Thérèse de l’Enfant Jésus l’Œuvre naissante.
Depuis, 30 Points-Cœur ont été créés dans 18 pays, dans les banlieues de Manille, Beyrouth, Naples, Lima, Madras, Tegucigalpa, Cap Haïtien, etc. Mais qu’est-ce qu’un Points-Cœur ?

Prière, communauté, amour


C’est autour de ces trois mots-clé que se bâtit un Point-Cœur. Chaque Point-Cœur, en effet, est une maison, un petit foyer d’amour et de tendresse, implanté au cœur d’un quartier particulièrement défavorisé ou d’un bidonville.
Il est animée par 4 ou 5 volontaires, de 18 à 35 ans, amis des enfants, qui consacrent au moins 14 mois de leur vie au service des enfants et des familles les plus meurtris et les plus abandonnés, vivent en communauté, prient, partagent la vie quotidienne des habitants du quartier, tissent avec eux des liens d’amitié et de confiance, écoutent, accompagnent et orientent vers les structures locales les plus adaptées à la situation de chaque enfant : retour en famille, école, travail, hospitalisation...
La prière – le chapelet, prière des pauvres – permet de tenir et de rester fidèles, souligne un Ami des enfants de retour des bidonvilles des Philippines. C’est la source à laquelle je puise pour aimer davantage.
La vie en communauté est le lieu où l’amour croît et se propage. Souvent difficile pour des personnes d’origine, de culture et de conditions différentes, elle permet à chacun de s’accueillir tel qu’il est .
L’amour est la force qui pousse rencontrer à les enfants, à s’occuper d’eux, à donner sans compter : Qu’il est facile d’aimer les enfants quand ils sont sages, polis, dociles. Qu’il devient ardu d’aimer en vérité lorsqu’ils nous présentent le visage des défauts ou de la violence qu’ils portent en eux... ou quand ils souffrent , témoigne Sophie.
Avant le départ, les volontaires, amis des enfants, reçoivent une formation de trois week-ends : en mars, pour s’informer et vérifier leur réelle capacité à exercer leur mission ; en avril-mai, pour donner leur accord ; en juin, pour approfondir le charisme de l’Œuvre. En juillet ou septembre, a lieu un stage de quinze jours, la messe d’envoi et le départ.
Au retour, ils ont la possibilité de continuer à vivre le charisme de Points-Cœur dans d’autres réalités : la Fraternité Molokaï qui regroupe des anciens amis des enfants ; les Points-Cœur étudiants et professionnels ; les Points-Cœur aînés regroupant les bénévoles qui s’engagent dans des hôpitaux ou des prisons ; la Fraternité Maximilien Kolbe pour les personnes vivant de la spiritualité de l’Œuvre, par la prière et le service.
Dans leur mission, les amis des enfants sont encouragés et soutenus par des parrains – personnes individuelles, écoles, paroisses ou communautés – qui prient pour eux et les aident financièrement.
En dix ans d’existence, 700 volontaires sont partis avec Points-Cœur, accompagnés par plus de 20 000 parrains.

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(1)- Congrégation des Serviteurs de Jésus et de Marie : Abbaye Notre-Dame d’Ourscamp, 60318 Chiry-Ourscamp. Tél : 03 44 75 72 00...
L’Œuvre Points-Cœur a été reconnue par l’Eglise, en juin 2000, comme Association Privée de fidèles. Une revue trimestrielle, D’un Point-Cœur à l’autre, fait le lien entre les donateurs et les Points-Cœur.
- Points-Cœur : 40, route Eugénie 60 350 Vieux-Moulin. Tél : (00 33) 3 44 85 49 40. Fax : (00 33) 3 44 85 49 49. http://www.pointscoeur.org

Frédéric Treuil, ami des enfants au Liban

Jeune Poitevin de 27 ans, Frédéric est parti au Liban de décembre 1995 à décembre 1997.

– Que retenez-vous de votre expérience au Liban ?

– Je retiens surtout les rencontres avec les gens du quartier et les personnes de la communauté. La vie communautaire a été très importante pour moi. Nous partageons les moments forts d’une journée, et nous sommes en lien avec la paroisse du lieu, pour nous sentir en communion avec toute l’Eglise. De même, un membre de la Congrégation des Serviteurs de Jésus et de Marie vient deux ou trois fois par an pour faire le lien avec les équipes.
Un des moments les plus forts pour moi fut, en particulier, l’accueil des enfants de l’autostrade, qui vendent des chewing-gum et lavent les pare-brise… L’un d’eux nous avait reçus comme chez lui et nous avait offert des bouts de carton pour nous asseoir et une bouteille d’eau. Si peu, mais avec une telle générosité que je ne l’oublierai jamais!

– Et le retour ?
– C’est toujours un peu difficile après une expérience en communauté. Pour moi, il s’agissait de choisir ma voie. Aujourd’hui, je travaille dans une librairie religieuse et ce travail permet des rencontres très intéressantes.

Thibault de Pontbriand,

ami des enfants à Madras

Etudiant poitevin de 23 ans, Thibault a reçu son envoi en mission, le samedi 16 décembre 2000, à Poitiers. C’est à cette occasion que nous l’avons rencontré.

– Quelles personnes et quels événements ont modelé votre vocation ?


D’une famille de cinq enfants, très unie, j’ai été porté par le modèle de mes parents, surtout par ma mère, catholique fervente et femme exceptionnelle. Les engagements tout au long de ma jeunesse m’ont aussi beaucoup marqué, tel le scoutisme au sein des Scouts unitaires de France. La pédagogie de ce mouvement m’a fait grandir. Mais l’expérience décisive, ce furent les JMJ de 1997, à Paris. Là, je me suis rendu compte que l’Eglise était jeune et très joyeuse. La force du Pape m’a beaucoup impressionné. Dans cet homme, malade et âgé, se dégage la force d’une foi inébranlable…

– Vous avez suivi une année à la Maison des Vocations de Poitiers : est-ce là le prélude à votre engagement à Points-Cœur ?
– Ce fut, en effet, une année très riche, où j’ai pu découvrir la vie communautaire, rythmée par la prière et des temps de réflexion. Puis, pendant l’été, j’ai suivi une formation de quinze jours, dans un village près de Compiègne, avec le Père Thierry de Roucy, qui nous a préparés à notre future mission auprès des Points-Cœur.

– Le 4 janvier 2001, vous allez rejoindre les quatre jeunes de la communauté Point-Cœur, à Madras. Craignez-vous des difficultés ?
– Elles ne sont pas pour maintenant, mais pour le retour. Après, je ne sais pas encore ce que je ferai. Je compte méditer pendant cette année. Mais j’ai confiance et suis heureux de dire aux autres ma joie de suivre le Christ.

Frère Antoine-Marie,

ami des enfants au Brésil

Membre de la Congrégation des Serviteurs de Jésus et de Marie, prêtre depuis le 10 février 2001. Agé de 29 ans, il raconte.

Après mon noviciat, la possibilité de partir à Points-Cœur me fut proposée en guise de service militaire. D’abord au Brésil, puis en France, dans une cité HLM, j’ai vécu comme tout ami des enfants, une vie simple, de prière, de vie fraternelle et de compassion. Durant mon temps au Brésil, j’affectionnais particulièrement les visites dans un hôpital où nous allions rencontrer des enfants malades ou ayant un handicap. Ces enfants ne recevaient pratiquement jamais de visites. Nous passions un après-midi par semaine avec des enfants capables de beaucoup de tendresse mais aussi de violence. Nous manifestions par nos gestes, nos paroles, qu’ils étaient aimés.

– Pour les gens que vous avez côtoyés, en quoi consiste l’essentiel de votre expérience ?
– Pour ces gens, l’essentiel se trouve dans le cœur : aimer et être aimé. Chaque jour, des questions de ce genre surgissent en nous : est-ce que tu m’aimes ? Est-ce que tu es capable de rester près de moi, alors que je n’en puis plus ? Es-tu capable de m’écouter, de m’être présent ? Car, vous le savez bien, la plus grande souffrance de ceux qui souffrent, c’est la solitude. La plus grande souffrance des pauvres est de ne pas avoir d’amis.

Updated on 06 Octobre 2016