Prêtres tertiaires : c’est le printemps !

21 Mars 2014 | par

Ce Jeudi Saint, n’oublions pas de fêter nos prêtres, et de nous rappeler combien François les vénérait. À toutes les époques, certains prêtres ont voulu donner une couleur franciscaine à leur sacerdoce, en entrant dans le Tiers-Ordre. Coup de projecteur sur ces prêtres tertiaires, hier et aujourd’hui.



« Le Seigneur me donna une telle foi dans les prêtres qui vivent selon la forme de la sainte Église romaine, que, même s’ils me persécutaient, je voudrais recourir à eux. Je veux les craindre, les aimer, et les honorer comme mes seigneurs » (Testament). En raison de l’Eucharistie, François vénère les prêtres et ceux-ci le lui rendent bien. Très tôt, ils rejoignent cette fraternité dirigée par un non-prêtre. Sylvestre, par exemple, aime trop l’argent, et profite sans vergogne de l’extrême générosité du jeune François qui, à cette époque, « jette l’argent à pleines mains ». Finalement, il prend conscience de ce que « le bienheureux François est incontestablement un ami de Dieu », se met à faire pénitence, et rejoint la communauté des frères où il vivra saintement jusqu’à sa mort.

Au cours de l’histoire, beaucoup de prêtres, sans vouloir entrer dans l’Ordre des Frères Mineurs, ont néanmoins cherché à observer le saint Évangile à la manière de François. Ils ont appartenu au Tiers-Ordre séculier. Comment a pris naissance cette catégorie bien particulière de tertiaires ? Nous ne le savons pas vraiment. En 1351, le chapitre général des Frères Mineurs, réuni à Lyon, ordonne d’inscrire le prêtre saint Yves (1253-1303) au calendrier liturgique de l’Ordre en qualité de tertiaire. Mais « l’avocat des pauvres » a-t-il fait profession de la règle du Tiers-Ordre promulguée par le pape Nicolas IV en 1289 ? On peut se poser la question. Ce qui est certain, c’est que ce prêtre du diocèse de Tréguier noue des liens très étroits avec les frères mineurs établis à Guingamp en 1283 et qu’il porte l’habit des pénitents, avec la corde et les sandales. Dans les siècles qui suivent, les fraternités de tertiaires accueillent volontiers des prêtres, comme Jean-Jacques Olier (1608-1657), le fondateur de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice, au sein de la fraternité de laïcs qui gravite autour du Grand couvent des cordeliers parisiens.

Aux XIXe et XXe siècles, les prêtres séculiers continuent d’adhérer au Tiers-Ordre, au point que l’on pourrait tresser une imposante « gerbe sacerdotale » composée de prêtres, d’évêques et de papes tertiaires. On y trouverait aussi bien le cardinal Francis Spellman, archevêque de New York, que le père Maxime Charles, le charismatique recteur de Montmartre, Jean-Marie Vianney, le saint curé d’Ars, le bienheureux Antoine Chevrier, le fondateur du Prado, ou encore le bientôt canonisé pape Jean XXIII. Mais également, de très nombreux obscures « petits prêtres », comme aurait dit François, et parmi eux de vrais saints. Ainsi, sous le titre « Un prêtre tertiaire », la Revue franciscaine nous dresse le portrait de l’abbé Pierre Claverie († 24 décembre 1893). Celui-ci avait commencé son ministère en 1855 comme vicaire à La Bastide-Clairence (Pays basque), au moment où cette paroisse était décimée par le choléra. Quarante ans plus tard, on racontait encore que le jeune vicaire arrivant à son poste, avant de chercher son logement, était accouru au chevet de plusieurs cholériques, et qu’il s’était montré d’un dévouement extraordinaire pendant la durée de l’épidémie. La notice nécrologique nous indique aussi que l’abbé Claverie avait été élu par ses confrères, supérieur de la fraternité sacerdotale de Pau. C’est en effet une nouveauté en cette deuxième moitié du XIXe siècle : des fraternités sacerdotales sont érigées spécifiquement pour les prêtres tertiaires, ainsi que des fraternités cléricales pour les séminaristes.

 

Les fraternités sacerdotales

Érigée en 1887, la fraternité sacerdotale du diocèse d’Orléans compte quelques années plus tard près d’une centaine de prêtres, mais seuls vingt à trente peuvent participer à la réunion mensuelle. À Paris, c’est le gardien du couvent des frères mineurs de la rue des Fourneaux, le père Gérard de Vaucouleurs, qui est à l’origine de la fraternité sacerdotale ; celle-ci tient sa première réunion le vendredi 10 décembre 1897, dans la sacristie de la paroisse à Notre-Dame de Paris. Le tract d’invitation indique que « plusieurs prêtres de Paris, appartenant au Tiers-Ordre de saint François, ont demandé l’établissement d’une fraternité sacerdotale. Ils ont compris qu’une association de ce genre, en entretenant en eux l’esprit séraphique, répondrait aux desseins tant de fois exprimés du Souverain pontife et leur faciliterait la mise en commun de leurs lumières pour la diffusion du Tiers-Ordre et la direction des Fraternités ». Le 14 janvier 1898, la fraternité est officiellement érigée et se donne comme supérieur le chanoine Rateau, le curé de Notre-Dame-des-Victoires, et comme assistant Mgr Pierre-Louis Péchenard, le recteur de l’Institut catholique. Avant la guerre de 1914-1918, elle compte environ 120 membres.

 

Dans le diocèse de Soissons


Les fraternités sacerdotales ne constitueront jamais qu’une minorité de l’ensemble des fraternités séculières, mais jusqu’à la Seconde Guerre mondiale elles concerneront un nombre relativement important de prêtres. Notons que la Revue sacerdotale du tiers-ordre, qui commence à paraître en 1912, dépasse les 1 300 abonnés en 1922, et que la France compte, en 1929, 47 fraternités pour 25 diocèses. Bien entendu, les évêques tertiaires, à la suite des papes et notamment de Léon XIII, encouragent la propagation du Tiers-Ordre dans leur Église locale. C’est le cas à Soissons dont Mgr Péchenard devient l’évêque en 1907. « Je vous ouvre tout grand les portes de mon diocèse, lance-t-il aux frères mineurs. Implantez le Tiers-Ordre partout où il vous sera possible de le faire ». Mais pour faire émerger des tertiaires laïcs, il faut que le clergé se sente lui-même concerné ; c’est pourquoi l’évêque invite ses prêtres à s’engager eux-mêmes dans le Tiers-Ordre et à constituer des fraternités sacerdotales. Vers 1910, le diocèse compte 200 prêtres tertiaires (soit un sur trois) répartis en cinq fraternités.

À Soissons comme ailleurs, les fraternités sacerdotales ont disparu dans les années 1970. Mais, divine surprise : depuis quelques années, quatre jeunes prêtres du diocèse de Reims et un du diocèse de Soissons ont constitué une fraternité qui se réunit mensuellement chez les clarisses de Cormontreuil. Ce dimanche 16 février, nous étions nombreux à entourer Ronan et Arnaud pour leur engagement au sein de l’ordre franciscain séculier. Bienvenue à cette avant-garde de prêtres qui souhaitent vivre leur sacerdoce dans l’esprit de François d’Assise. 

Updated on 06 Octobre 2016