Quelle place pour les nouveaux baptisés ?

01 Janvier 1900 | par

Pendant la veillée pascale, des adultes qui arrivent à la fin d’un cheminement catéchuménal sont baptisés. Leurs témoignages, forts, étonnent et stimulent les communautés paroissiales... Mais celles-ci savent-elles les accueillir et les soutenir par la suite ?

Il leur a fallu beaucoup de courage pour pousser la porte de l’église et commencer un jour une démarche vers le baptême. Pas facile, en effet, quand on ne connaît pas, de frapper à la bonne porte, de ne pas renoncer si l’interlocuteur est étonné, sceptique, voire effrayé ou décourageant. Pas facile non plus de persévérer pendant la durée de la préparation au baptême et encore moins, une fois baptisé, de continuer à vivre en Eglise.

Chacun a son histoire avec Dieu : pour l’un, face à un deuil, c’est la certitude que tout n’est pas fini, qu’il y a une autre vie, autre chose... et il lui faudra découvrir qu’il y a quelqu’un d’autre. Pour un autre, c’est une soif, une insatisfaction, une attente... ou la sensation d’une présence, d’un soutien, qu’on appelle la Vie ou ma bonne étoile.... Reste à lui donner un nom, à le reconnaître. Souvent, c’est en découvrant la foi d’un ami, ou, dans les deux tiers des cas, celle d’un époux, que tout commence. Avec l’amour, on découvre une nouvelle dimension à la vie.

Ces parcours divers mûrissent pendant deux à trois ans ou plus au sein d’un groupe d’accompagnement. Les catéchumènes vont progressivement découvrir Jésus-Christ, apprivoiser la Bible, partager entre eux et avec des vieux baptisés . Ils ont de nombreuses questions sur la foi ; sur les rites qui leur paraissent tellement compliqués, et dont la signification leur échappe. Ils traversent aussi des moments de doute. Il leur faut, surtout, accorder leur vie de tous les jours, une vie de travail qui n’est pas régie par des valeurs évangéliques, avec ce qu’ils découvrent de la foi. Et puis arrive le jour du baptême, après plusieurs étapes : Un jour extraordinaire, une grande joie, je me sentais fortifiée, dit Véronique. Un jour extraordinaire, dont la suite n’est pas toujours évidente. Véronique, baptisée à l’âge de 19 ans, il y a déjà 8 ans, poursuit : Après, j’ai fait des études d’infirmière et j’ai laissé de côté cette foi. J’étais seule, les personnes que je fréquentais n’avaient pas la foi.

Trouver sa place

Pour Monique aussi, ce fut un jour extraordinaire, dont elle célèbre l’anniversaire, mais elle cherche toujours sa place dans l’Eglise. De mutations professionnelles en déménagements, elle a conservé des relations avec ses accompagnateurs du catéchuménat et un prêtre, mais n’a pas retrouvé de communauté. Car le néophyte, le nouveau baptisé, n’est plus rattaché au catéchuménat, même si des liens demeurent et doit trouver dans une paroisse, ou dans un mouvement, la communauté d’Eglise qui l’accueille et l’aide à vivre sa foi. Dans quelques diocèses, il existe des communautés de foi qui prennent la suite du catéchuménat. Ceux dont la démarche vers le baptême a grandi dans un mouvement d’Eglise, comme l’ACO, ou dans un groupe de prière, peuvent y poursuivre leur route. En revanche, le contact avec les paroisses est rude. Rien n’est prévu pour l’accueil des néophytes, c’est à eux de faire les démarches qui ne sont pas toujours très bien perçues. Ils peuvent se sentir ignorés, incompris ou être, au contraire, trop sollicités, car il y a tant à faire.

Mais alors, le rythme nécessaire à une maturation personnelle n’est pas respecté. Ils cherchent un groupe biblique, avec un partage et un temps de prière, mais souvent il n’y en a pas dans les paroisses. Certains trouvent ce qu’ils cherchent dans des groupes de prière charismatiques, mais tout le monde n’y est pas à l’aise , dit Marie-Claude Jeantet, responsable du catéchuménat à Grenoble.

Madeleine, qui cherchait un groupe de partage sur la Bible, voit une affiche dans la rue et trouve ce qu’elle attendait... dans une Eglise évangélique. Beaucoup voudraient continuer à cheminer avec leur groupe du catéchuménat, mais celui-ci ne peut pas faire face à toutes les demandes.

Pourtant, ils ont souvent le désir de transmettre ce qu’ils ont reçu et voudraient accompagner d’autres catéchumènes. Pour de jeunes parents, un groupe d’éveil à la foi des tout petits ou la catéchèse des enfants peut être une passerelle vers la paroisse, de même qu’une équipe liturgique où l’on partage sur l’évangile du dimanche en préparant la messe.

Véronique reconnaît que, pour elle, le chemin a été long. C’est seulement quatre ans après son baptême qu’elle a vécu une sorte de seconde conversion qui l’a conduite à un plus grand engagement : travaillant comme infirmière dans un centre de rééducation fonctionnelle, elle se surprend à répondre à la détresse d’un malade en lui conseillant de prier. Le malade se met à prier dans sa chambre et vit un bouleversement total, une expérience forte de l’amour de Dieu. Cet événement marquant sera suivi, dit-elle d’un an de désert. Puis elle rencontre un groupe de prière rattaché à la communauté de l’Emmanuel, des jeunes avec une foi vivante dans la vie de chaque jour . Petit à petit, grandit en elle le désir de poursuivre son cheminement et elle demande à être confirmée.

Je brûle de m’engager

Dans les premiers siècles de l’Eglise, comme aujourd’hui encore dans l’Eglise orthodoxe, les catéchumènes reçoivent dans la nuit de Pâques les trois sacrements de l’initiation chrétienne : le baptême, l’eucharistie et la confirmation. Actuellement, dans l’Eglise catholique, il en est de même pour les adultes qui demandent le baptême, mais pour leur permettre de mieux mûrir leur démarche, la confirmation est souvent différée. Parfois d’ailleurs, le catéchumène considère qu’avec le baptême, il a tout reçu et il a besoin de temps pour vivre réellement les sacrements qu’il reçoit.

Pour Véronique, le délai entre son baptême, à 19 ans, et sa confirmation a été de 6 ans. Elle a donc repris pendant un an une préparation à la confirmation, avec un groupe qui continue à se réunir ponctuellement, chacun pouvant ainsi faire le point et se sentir conforté.

Mais aujourd’hui, elle vibre encore de l’expérience des JMJ. C’était extraordinaire, dit-elle, on a tous ressenti le besoin de s’impliquer davantage dans l’Eglise. La critique est facile, mais il faut faire bouger les choses. Les JMJ ont donné l’image d’un Eglise jeune, que nous voulons répercuter dans nos paroisses. Mais elle ajoute : Ce n’est pas évident de plonger dans l’église, cette Eglise si vieillissante qui refuse les jeunes avec leur foi et leur manière de l’exprimer.... Mais c’est une Eglise qu’on aime malgré tout, et le Saint Père a dit que les jeunes sont importants pour L’église ; ils y ont leur place. Elle reprend avec enthousiasme : Et il y a tellement de facettes que chacun peut y trouver son compte, son type de spiritualité.

Grâce aux JMJ, à la manière dont, ensuite, les jeunes se sont sentis pris en compte dans le diocèse, Véronique se sent dans l’Eglise et brûle de s’engager. Mais d’autres, qui pourtant auraient le désir départager et de transmettre ce qu’ils ont reçu, sont freiner par la routine, l’habitude des vieux chrétiens qui leur semblent vivre depuis toujours les mêmes rites et mal accepter une remise en question.

Une chance pour les communautés

Pour les néophytes, tout est nouveau, rien ne va de soi. Ils n’ont pas été marqués par les mutations et les tensions qui ont bousculé les chrétiens de souche depuis cinquante ans ; tout commence avec eux et leur découverte de Dieu. Ils doivent tout comprendre pour pouvoir se situer et s’approprier une histoire. Il leur est parfois difficile d’accepter ce qui leur paraît un ajout des siècles et de la tradition sans référence directe aux évangiles. C’est non seulement la connaissance d’une foi dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit qu’ils doivent acquérir, mais aussi toute une culture devenue réflexe chez les vieux chrétiens qui peut les agacer. C’est un apprivoisement qui demande du temps et de l’indulgence.

Si cette persévérance jour après jour n’est pas facile et décourage bon nombre d’entre eux, elle exige aussi une volonté libre, sur laquelle ne pèse aucune habitude. Ils peuvent, lorsqu’ils demandent le baptême, témoigner d’un choix adulte, et cette liberté de choix est leur richesse. Véronique, qui relit aujourd’hui ces six dernières années avec un regard de foi, sait voir dans les difficultés, les errances et la solitude, une occasion de grandir en liberté et une manifestation de l’amour de Dieu, pédagogue et patient, qui respecte la liberté et le rythme de chacun.

Mais aujourd’hui, peut-on encore être chrétien et le rester par habitude, sans un choix libre et déterminé, quelles que soient les contradictions et les vicissitudes ? Aussi, les nouveaux baptisés rappellent-ils aux communautés que l’Eglise n’est pas une institution qui fonctionne, mais un don toujours nouveau qui appelle une réponse toujours nouvelle.

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Pour aller plus loin

France de Lagarde, Convertis et baptisés, Nouvelle Cité.
Guy Cordonnier, Des nouveaux chrétiens, Desclée-de-Brouwer.

Nombre de baptisés adultes

Chaque année à Pâques, un millier d'adultes reçoivent le baptême.

Il y avait, en 1976, 890 catéchumènes ; ils étaient 8 430 en 1991, ils sont actuellement plus de 11 000. Parmi eux : 80% ont moins 40 ans, 7% viennent de l'islam, du judaïsme et du bouddhisme, et 5% des religions traditionnelles africaines.

Updated on 06 Octobre 2016