Quelle voix pour l'Eglise ?

01 Janvier 1900 | par

Le Messager. L’Eglise est présente au processus d’intégration de l’Union européenne, par la COMECE (Commission des épiscopats de la Communauté européenne, qui a déjà fait entendre sa voix par le document Engagement politique, valeurs et religion. Pouvez-vous rappeler les principaux points de cette contribution ?
Stefan Lunte. Tout d’abord, je tiens à souligner qu’il s’agit d’une contribution du secrétariat de la COMECE. Ce secrétariat a son siège à Bruxelles et sert, en premier lieu, de point d’observation pour les épiscopats au sein de l’Union européenne. Ensuite, il a à sa charge de préparer les réunions plénières des évêques ainsi que des commissions et groupes de travail.

– Quels sont les épiscopats représentés au sein du COMECE ?
– Ce sont, d’une part, les évêques délégués des quatorze conférences épiscopales de l’Union européenne ; la COMECE est donc l’instrument collégial des évêques pour accompagner le processus de l’intégration européenne. D’autre part, les évêques de la Hongrie, du Malte, de la Pologne, de la République tchèque, de la Slovaquie, de la Suisse sont présents lors des sessions plénières en tant qu’observateurs pour leurs conférences épiscopales.
Tout cela peut paraître compliqué, mais nous devons garder à l’esprit que l’Union Européenne est une construction politique très jeune et qui n’a pas son pareil dans le monde entier. L’Eglise se trouve dans un processus d’adaptation de ses propres structures à une nouveauté dans l’histoire de l’humanité, qui n’a jamais vu un nombre d’Etat si important mettre ensemble des pans entiers de leur souveraineté.

– Et pour revenir à votre contribution ?
– Le secrétariat de la COMECE a tout d’abord le souci de préserver la dignité humaine et les droits fondamentaux de tous les membres de la Communauté.
Le respect de la dignité humaine est la pierre angulaire de la culture de vie que nous voulons promouvoir. Sans respect de la dignité humaine, nous perdons le Nord. C’est dans ce souci que nous croyons nécessaire de marquer noir sur blanc, dans un traité constitutionnel de l’UE, que le pouvoir public européen n’est pas un pouvoir absolu et que ses compétences ne sont pas illimitées. Nous voudrions que l’on reconnaisse que pour la grande majorité des Européens et des Européennes, il y a Quelqu’un qui est au-dessus de tous, quelque soit l’expression du pouvoir temporel. Ce Quelqu’un nous est connu sous le nom de Dieu. Nous sommes conscients qu’une partie des citoyens européens se dit non-croyante et le respect de leurs convictions nous demande de chercher et de proposer une formule, pour un traité constitutionnel, qui ne leur fait pas violence. Pour cette raison nous avons appuyé l’idée de choisir une phrase similaire à celle inscrite dans la Constitution polonaise, qui inclut ceux qui croient en Dieu, comme la source de la vérité, de la justice, du bien et de la beauté, tout comme ceux qui ne partagent pas une telle foi mais respectent ces valeurs universelles provenant d’autres sources.
Une telle formule serait à la fois inclusive et ne porterait pas atteinte au principe d’une saine laïcité dont le Pape a parlé à plusieurs reprises et qui est pleinement dans la ligne de la déclaration sur la liberté religieuse proclamée par Vatican II. Elle devrait par ailleurs trouver son écho dans un article du futur traité qui garantit la liberté religieuse dans sa dimension institutionnelle.

– Dignité humaine, et solidarité, aussi ?
– En effet, c’est sur la base de cette dignité que l’Union européenne a toutes les chances pour devenir plus solidaire avec les pays pauvres dans le monde entier ; et en son sein, où des trop grandes inégalités semblent encore persister. Surtout, en pensant aux différences qui existent entre les pays membres actuels et les futurs pays de l’Union en Europe centrale, un supplément de solidarité en Europe est inévitable. La solidarité est aussi en jeu lorsqu’il s’agit de préserver l’équilibre entre les grands et les petits pays de l’Union. Cet équilibre exprimé dans ce qu’on appelle la méthode communautaire est la clé du succès de l’intégration européenne.

– La France, au nom de la laïcité, a souhaité que dans le préambule de la Charte européenne des droits fondamentaux, soit gommée toute référence à l’héritage religieux de l’Europe. Quelle est la position des églises et des Evêques ?
– Je ne peux, vous le comprenez, exprimer la position de l’Eglise et des Evêques dans leur ensemble, mais sur le plan personnel il me semble que ce débat est clos. Personne ne conteste aujourd’hui que l’héritage européen comprend aussi un volet religieux. Simplement cet héritage religieux en Europe est, dans une très grande partie, constitué par le christianisme et certains ont voulu voir dans la première formule du préambule de la Charte une sorte de récupération chrétienne de la construction européenne, ce qui n’était absolument pas le cas. Le résultat reste regrettable parce que la Charte aurait pu être plus pertinente en reconnaissant cette évidence. Nous espérons d’ailleurs que la Convention actuelle sous la présidence de l’ancien président de la République française, sera moins complexe sur ce point.

– Les chrétiens peuvent-ils contribuer à cette réflexion ?
– Bien sûr, en s’informant sur les travaux de la Convention. Jamais dans l’histoire de la construction européenne, la transparence des négociations n’a été plus grande. Pour ceux qui ont accès à l’Internet, les sources d’information sont abondantes. Ils peuvent aussi adresser un courrier à un des membres de la Convention qui se compose, en fait, de représentants de gouvernements, des parlements nationaux et européens et de la Commission européenne. Une fois les premiers projets de la Convention connus, nous saurons si les chrétiens doivent se manifester davantage.

 

Updated on 06 Octobre 2016