Quelles ressources pour les prêtres ?

02 Novembre 1997 | par

Chaque année, les diocèses de France publient leurs comptes, mais bien peu de catholiques en connaissent les chiffres. De quoi vivent les prêtres ? Qui entretient les églises ? Comment sont financés les services pastoraux : catéchèse, aumôneries, déplacements, secrétariats divers ? Six diocèses ont accepté de répondre à nos questions. Voici leurs réponses.

Ce sont les fidèles, par leurs offrandes, qui font vivre l'Eglise . Cette précision du père Bernard Jeuffroy, ancien secrétaire de la Conférence des évêques de France pour les questions administratives, financières et juridiques, résume à elle seule la situation des finances du clergé en France.

Certes, l'annonce de l'Evangile et la célébration des sacrements sont gratuites, mais les hommes et les femmes qui les assurent ont besoin de se nourrir et de se loger, et les locaux qu'ils occupent, de chauffage et d'entretien ! Mais d'où viennent ces offrandes et comment sont-elles distribuées ?

Les dons des catholiques de France se répartissent en quatre grandes sources : le Denier de l'Eglise , autrefois appelé Denier du culte , proposé aux catholiques une fois par an, de loin la plus importante ; les quêtes des dimanches, destinées aux paroisses, et les quêtes dites impérées , ordonnées par l'évêque pour des services du diocèse ; les offrandes de messes (environ 80 FF) célébrées pour une intention particulière ; le casuel ou offrandes reçues à l'occasion des baptêmes, des mariages et des obsèques.

Le Denier de l'Eglise

Institué après la Loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat, en 1905, ce denier constitue la ressource principale des diocèses et des prêtres. Recueilli une fois par an dans toutes les paroisses, il est destiné à rétribuer d'une manière équitable les prêtres et les animateurs pastoraux d'un diocèse.

Son lancement a lieu généralement pendant le carême, au moyen d'une campagne de sensibilisation, organisée avec le concours de professionnels de la communication, qui comporte des tracts colorés donnant le détail des comptes de l'année précédente, jouent la transparence et rappellent ce que l'Eglise apporte aux différentes étapes de la vie.

Cet appel peut être lui-même accompagné, comme à Marseille, d'une conférence de presse qui suscite un écho dans les médias locaux, et d'une lettre de l'évêque qui rappelle les urgences et les préoccupations du moment. Depuis toujours, écrit Mgr Georges Pontier aux fidèles de La Rochelle et Saintes, c'est la générosité des catholiques qui a permis aux permanents d'Eglise de vivre matériellement. Je voudrais toutefois vous partager mon inquiétude : les anciens avaient bien compris ce fonctionnement et ils exprimaient, par là, la conscience de leur responsabilité. Aujourd'hui, nous n'avons peut-être pas su transmettre le sens de cette offrande aux générations nouvelles... Ainsi le nombre des familles qui versent le Denier de l'Eglise diminue-t-il. Ils nous faut retrouver le sens de cette offrande : c'est... la marque extérieure de notre attachement à l'Eglise, et à ceux qui engagent leur vie pour le service de tous. Merci de le comprendre.

Car, la réalité est là. Ainsi, à La Rochelle, l'année 1996 a été nettement positive et le Denier de l'Eglise a progressé de 3,40% par rapport à celui de 1995, comme l'explique Gérard Madelin, économe du diocèse, et à Poitiers, d'après le père Jacques Mondon, vicaire général, il est resté stable ; mais à Limoges, comme à Marseille et à Lyon, le nombre des donateurs diminue. Pour Limoges, explique l'abbé Pierre Louvet, chancelier du diocèse, cette diminution est due, dans la plupart des cas, à l'âge des donateurs et au décès d'un grand nombre d'entre eux (la tranche d'âge des plus nombreux se situe entre 60 et 90 ans). Aussi, depuis trois ans, l'augmentation du Denier de l'Eglise est-elle inférieure à 1% (au-dessous du taux d'inflation). Et à Marseille, ce ne sont que 3 à 4 % des foyers qui répondent à la collecte, la moyenne du don par habitant étant de 10,66 FF (ce qui s'explique par la situation économique et sociale de la ville cosmopolite), alors qu'elle est de 21,43 FF à Lyon.

Quêtes et offrandes diverses. Outre le Dernier de l'Eglise, les diocèses ont une autre source : les quêtes ordinaires et les quêtes impérées . Pour ces dernières, une partie reste dans la paroisse et le reste (40% par exemple à Marseille, mais entre 4 et 30 % à Lyon) est versé au budget du diocèse ; sauf lors des quêtes en faveur d'organismes, comme le CCFD ou le Secours Catholique, qui reçoivent la totalité des dons.

De même, selon les diocèses, les paroisses jouissent d'une plus ou moins grande autonomie financière. Ainsi à Lyon, elles peuvent entretenir leurs locaux ou salarier quelques personnes, car elles gardent aussi les offrandes de messe.

 

Le salaire des prêtres

A Lyon comme à Marseille, Poitiers, La Rochelle et Limoges, le plus gros poste est certainement celui des personnes : prêtres, personnel laïque, secrétaires, comptables, mais aussi animateurs pastoraux au service de la catéchèse, des aumôneries scolaires, de la santé, de l'immigration, de l'information, et des laïcs en charge ecclésiale , qui ont reçu de l'évêque une Lettre de mission pour un service particulier.

Les prêtres, logés par le diocèse ou par la paroisse, reçoivent en moyenne, entre 4 300 FF et 4 800 FF par mois. Pour ceux qui sont à la retraite, le diocèse complète la pension (environ 2500 FF) jusqu'à cette somme. A ces rémunérations, s'ajoutent des avantages en nature (logement, chauffage...) et la somme totale peut atteindre, comme pour les prêtres du diocèse de Bordeaux, jusqu’à 6 000 FF. Pour certains, des revenus personnels, constitués par un patrimoine familial ou par un travail salarié exercé avant l'entrée au séminaire, complètent leurs fins de mois. Je gagne en tout l'équivalent du Smic, témoigne un prêtre du diocèse de la Rochelle, soit aux alentours de 4 500 FF nets. Cette somme se répartit ainsi : la rémunération du diocèse est de 2 900 FF. A cette somme s'ajoutent les frais de déplacement qui sont remboursés par les quêtes de la paroisse ; les honoraires de messes, soit l'équivalent de 22 honoraires (80 FF) par mois ; et des avantages matériels (logement, nourriture donnée par les paroissiens, dont... un grand nombre de pots de confiture...

A ces salaires et aux charges sociales qu'ils comportent, il convient d'ajouter les frais de formation des séminaristes et des laïcs au service de la mission de l'Eglise, ainsi que la formation permanente des prêtres, des religieux et des religieuses.

Quand il faut ravaler une église

Mais, en France comme ailleurs, l'Eglise possède aussi des immeubles, parfois importants et dans le centre des villes, qui accréditent, à tort, le mythe d'une Eglise riche. Qu'en est-il exactement ?

Depuis la Loi de Séparation des Eglises et de l'Etat (9 décembre 1905), l'Eglise a perdu la propriété de ses édifices, devenus, dès lors, propriété de l'Etat. En conséquence, ils sont à la charge des collectivités locales. Toutefois, des accords particuliers entre les deux parties ont permis à certaines paroisses de se trouver locataires des anciens presbytères, dans des conditions favorables à l'Eglise (moyennant par exemple, un franc symbolique).

En revanche, tout bien immobilier construit, réalisé ou aménagé depuis 1905, appartient aux Associations diocésaines (nées en 1923), reconnues par le Droit français. C'est donc l'Eglise qui en supporte les charges (mobilières, immobilières, impôts et taxes diverses, qui s'ajoutent aux autres frais d'entretien de tout édifice du culte). Il ne faut pas oublier que le Droit français prime sur le Droit interne de l'Eglise (Droit canonique) ; d'où la nécessité et l'utilité de telles Associations, véritable support juridique des activités temporelles de l'Eglise en France (L'Eglise catholique en France, 1997, p. 297).

En outre, dans de nombreux diocèses existent des structures propres, reliées à l'Association diocésaine, en charge des chantiers et qui gère la collecte de fonds employés à cette réalisation. Ainsi à Limoges, la politique immobilière du diocèse, explique l'abbé Pierre Louvet, consiste essentiellement à entretenir les bâtiments qui appartiennent à l'Association diocésaine. Ces locaux sont des églises, des presbytères, des locaux pour la catéchèse, les réunions et les différents services et mouvements qui existent sur la paroisse. L'agglomération de Limoges et de sa proche banlieue ont eu également besoin de constructions nouvelles. Aussi notre politique est-elle de conserver et d'entretenir uniquement les locaux nécessaires à la vie des paroisses. Et à Lyon comme à Marseille, les immeubles anciens nécessitent aujourd'hui des travaux importants ou sont soumis aux obligations de ravalement et le ravalement d'une église, soupire l'économe de Lyon, c'est au minimum 10 millions...

L'immobilier est donc une lourde charge pour les diocèses de France. A Marseille, M. Renoux, diacre permanent et économe, note qu'il faut imagination et technicité pour tenter de pallier aux moyens limités. C'est ainsi que ce diocèse qui n'avait pas les moyens de financer les travaux indispensables dans une école a monté une opération immobilière avec une société d'HLM marseillaise ; et que Mgr Panafieux, archevêque de Marseille, a béni, en 1996, une école neuve, installée au rez de chaussé d'un immeuble construit par la société d'HLM sur l'emplacement initial de l'école.

Une Eglise riche ?

L'Eglise de France dépend donc uniquement des dons de ses fidèles et ne reçoit aucune subvention, ni de l'Etat, si l'on excepte les diocèses d'Alsace-Lorraine sous régime concordataire, ni du Vatican qui est, au contraire, subventionné par les Eglises diocésaines. Celles-ci doivent également prendre en charge les secrétariats nationaux ainsi que les assemblées de la Conférence des évêques de France.

Il existe, bien sûr, des diocèses mieux lotis que d'autres, et l'on souhaite vivement que le partage déjà en acte à l'intérieur de chaque diocèse s'étende entre les diocèses, au niveau du pays tout entier.

Mais, comme le souligne le père Bernard Jeuffroy, la richesse de l'Eglise repose surtout sur l'engagement des personnes , et elle s'exprime grâce à de nombreux bénévoles qui donnent de leur temps et participent aux tâches quotidiennes de l'Eglise.

Cladie Ruet et Monique de Castellan-Farisy

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Les prêtres paient-ils des impôts ?

Les prêtres reçoivent un traitement trop faible pour être imposable, les offrandes de messes étant exonérées, sauf dans les diocèses concordataires de Metz et de Strasbourg (voir encadré). Depuis juillet 1996, cependant, ils sont soumis eux aussi, à la Contribution Sociale Généralisée (CSG) et au Remboursement de la Dette Sociale (RDS).

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L'exception du Concordat de 1801

Les diocèses de Metz et de Strasbourg vivent encore aujourd'hui sous le régime du Concordat de 1801. Les prêtres sont payés par l'Etat, différemment selon leur fonction, n'ont pas recours au Denier de l'Eglise et paient les impôts, leurs propres déplacements et une cotisation de solidarité en faveur des diocèses les plus démunis.

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Le ministre des Cultes

Il ne faut pas confondre le ministre des cultes avec le ministre du culte, qui n'est autre que le prêtre.

En France, le ministre des Cultes est, depuis la loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat, le ministre de l'Intérieur. Il est présent aux manifestations officielles de l'Eglise, comme ce fut le cas, en août dernier, à l'occasion des JMJ, pour M. Jean-Pierre Chevènement, qui vint accueillir le Pape, aux côtés du Président de la République.

Updated on 07 Octobre 2016
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