Rencontre avec... Frère François Bustillo

21 Mai 2009 | par

Huit siècles d’existence, tout de même ! Dans quel état d’esprit allez-vous fêter cet anniversaire ?

Dans la joie et l’espérance bien sûr ! Saint François a mis en route une machine superbe dans l’Eglise. Il a eu une intuition magnifique, bonne pour l’être humain. C’est cela que nous célébrerons à Lourdes du 24 au 26 octobre, avec toute la Famille franciscaine. Mais cet anniversaire, nous le fêterons non pas dans la nostalgie, qui serait liée au regret, mais dans le cadre de la mémoire. Mémoire d’une intuition audacieuse qui a donné une nouvelle forme de vie dans l’Eglise. A partir de cet événement du passé, nous voulons nous placer dans une dynamique positive et nous poser une question : comment aujourd’hui pouvons-nous vivre l’intuition de saint François ?



En quoi était-elle singulière, cette intuition de saint François ?

A une période - le Moyen Age - où l’Evangile était assez méconnu, saint François a proposé de plonger dans le cœur de l’Evangile ! Et il a su, non par ses discours mais par sa vie, séduire d’autres Frères. A sa suite, ils ont vécu une nouvelle forme de vie religieuse qui mêlait contemplation, action, fraternité et vie en ville. A l’époque, c’était d’une grande originalité.



Comment résumeriez-vous le charisme des Franciscains ?

Nous sommes – en tout cas nous devrions être – des experts en humanité à partir de l’Evangile. Dans un monde où la fragilité de l’humain est visible partout, nous, les Franciscains, avons une belle réponse à donner.



L’Ordre est composé de trois branches distinctes, les Frères Mineurs, les Conventuels et les Capucins. Pouvez-vous rappeler la spécificité de chacune et dire quels liens les unissent ?

Aujourd’hui, nous avons des liens très fraternels. Les Provinciaux de chaque famille se retrouvent deux ou trois fois par an. Et c’est tous ensemble que nous fêterons le jubilé à Lourdes. On vit une période de vache maigre dans l’Eglise avec les baisses des vocations et de la pratique religieuse. Aussi est-il important de nous retrouver sur l’essentiel, sur ce qui nous unit et nous donne la force d’être un signe. Là où nous nous trouvons, avec nos particularismes, si nous sommes un signe de saint François, c’est merveilleux. Alors nos séparations… Elles semblent bien futiles aujourd’hui.

C’est au nom de la pauvreté que nous nous sommes divisés : au XVIe siècle, les Conventuels vivaient d’une manière confortable qui n’était pas du goût des Frères Mineurs, dits Observants, qui se sont donc séparés d’eux pour être fidèles à l’esprit du fondateur. Par la suite, ceux qui allaient devenir les Capucins se sont à leur tour éloignés des Frères Mineurs, qui avaient pourtant déjà une vie d’ermite et de pauvreté, pour vivre cet aspect de façon encore plus radicale. A côté, les Conventuels faisaient figure de mauvais élèves : nous sommes les relâchés de la famille ! Nous vivions en ville, dans des grands couvents. C’est sûr que sur la pauvreté, nous ne sommes pas au top, mais sur la mission et sur la prédication, nous avons bien répondu à l’appel.

En fait, nous avons tous souligné un aspect différent de l’intuition de saint François.



En quoi cette intuition est-elle toujours d’actualité ?

Au XXIe siècle, le message de saint François peut apparaître comme une provocation. Mais si on le regarde de plus près, on voit beaucoup d’analogies avec ce que nous vivons aujourd’hui… Sur la question de Dieu d’abord : avant que Dieu ne vienne le chercher, saint François était sympathique, mais un peu superficiel ! Il était jeune, riche et faisait la fête… Dieu lui a montré la voie pour être intelligent, c’est-à-dire pour “lire à l’intérieur”. Dieu a permis à saint François de voir en profondeur. Aujourd’hui, ne vit-on pas un peu comme saint François avant sa conversion, dans une société, où on trouve certes beaucoup de satisfactions, mais sans connaître le bonheur ?

Autre résonance très actuelle de son message : la fraternité. Dans un monde où on nous parle de divisions et de conflits, saint François répond par l’unité et la vie fraternelle.

Enfin, sur un plan ecclésial, son désir de « réparer l’Eglise » peut difficilement être plus pertinent : nous avons encore pas mal de travail dans l’annonce de la Parole !



Pourtant, aujourd’hui si l’on en juge par votre faible nombre en France, l’Ordre semble faire moins d’émules que par le passé… Comment l’expliquez-vous ?

C’est sûr que nous sommes loin de l’âge d’or que l’Ordre a connu à son commencement. A l’époque, les Franciscains ont eu un rayonnement et une force extraordinaire. Mais il ne faut pas oublier non plus que notre présence en France vient seulement de recommencer. La Révolution a marqué une vraie coupure dans notre histoire puisque après 1789, les Frères Cordeliers, comme on les appelait, ont complètement disparu. Nous sommes revenus en banlieue parisienne au XIXe siècle, mais sans beaucoup de succès. Une nouvelle tentative d’implantation, tout aussi malheureuse, aura lieu en 1948. Il faudra attendre 1994 pour que la greffe prenne réellement. D’une certaine manière, nous sommes donc un Ordre tout jeune ! D’ailleurs l’âge moyen des Franciscains Conventuels de France est 43 ans.



Vous ne souffrez donc pas de la concurrence des communautés nouvelles ?

Nos démarches sont différentes, mais complémentaires. De mon côté, j’avance avec sérénité sans regarder les autres avec jalousie ou arrogance. Quant aux vocations, je suis convaincu que s’il y a de l’authenticité, il y aura de la fécondité. Cessons de toujours décrire ce qui ne va pas ! Nous devons dépasser le Livre des Lamentations pour aller vers le Cantique des Cantiques !



A quoi ressemble la journée d’un Franciscain Conventuel ?

Pour ma part, c’est une journée de travail en paroisse – avec tout ce que cela comporte de catéchisme, d’accompagnement spirituel… – qui s’articule autour de trois moments de prière : la méditation en silence du matin, suivie du chant des laudes et de l’office, le chapelet à midi et la messe suivie des vêpres le soir.



Qu’est-ce que la crise mondiale inspire à un disciple de saint François ?

La crise actuelle nous dévoile les failles d’un système qui repose sur le pouvoir et l’argent. C’est comme le Veau d’Or ! Or, nous voyons bien que l’argent est peu de chose : on peut perdre des millions en une seule seconde. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que nous aurions tout intérêt à nous détacher de l’avoir pour nous tourner vers l’essentiel, l’être. C’est ce qu’a fait un riche jeune homme d’Assise, il y a quelque huit siècles…





QUESTIONNAIRE DE SAINT-ANTOINE



Connaissez-vous saint Antoine de Padoue ? Quelle image avez-vous de lui ?

Pour moi, saint Antoine est un modèle de frère franciscain, un modèle de vie évangélique. Il a réussi à incarner ce que saint François d’Assise demandait : « que notre vie soit l’Evangile ».



Etes-vous déjà allé à Padoue ? Quel souvenir en gardez-vous ?

J’ai fait mon noviciat à Padoue. C’est là que j’ai suivi ma formation. J’associe donc ce lieu à mes racines franciscaines et antoniennes.



Quand vous sentez-vous le plus proche de Dieu ?

Je me sens proche de Dieu quand je suis en sa présence. Cela peut être dans les moments de joie. Alors je chante le Magnificat et je le remercie. Mais c’est aussi dans les moments compliqués et difficiles où je sais qu’il est mon rocher.



Comment priez-vous ?

Toujours à partir de la Parole de Dieu, et grâce à Elle. C’est le premier acte de ma journée : je lis le texte du jour, je fais silence et j’essaie de comprendre ce que Dieu veut me dire. Je reprends la question que saint François posait : « Que veux-tu que je fasse ? »



Qu’est-ce qui vous a rendu le plus heureux cette année ?

Le fait de savoir qu’il y a des jeunes qui veulent commencer la vie franciscaine. Pour le Provincial que je suis, la fécondité de l’Ordre est une joie immense. Elle est d’autant plus grande que les cinq jeunes qui ont commencé leur discernement en vue du postulat ont autour de 18 ans. Quel signe d’espérance pour nous !





Updated on 06 Octobre 2016