Rencontre avec... Maïte Roche

23 Février 2010 | par

Faisons connaissance… Qui se cache derrière ces petits livres aux tons acidulés que tout le monde connaît ?

Mon vrai prénom est Marguerite-Marie, d’où ce surnom de Maïte – sans accent aigu s’il vous plaît ! – hérité de l’enfance. Je suis mariée et mère de trois enfants âgés de 19 à 28 ans. Je vis à Paris, mais suis d’origine limousine. J’ai d’ailleurs la chance d’avoir encore des attaches dans cette région où j’aime aller peindre. La peinture et le dessin ont toujours fait partie de ma vie, c’est une école du regard et de la sensibilité ! N’imaginant pas pouvoir en faire un métier, je me suis orientée vers des études de psychologie. J’ai exercé pendant 10 ans dans des structures d’aide à l’enfance et à l’adolescence. Ce travail au contact des plus jeunes m’a fait prendre conscience de l’importance des premières années de la vie qui sont les fondations de la personne. Il faut parfois très peu de choses pour aider un enfant à “ré-ouvrir” son avenir.



Comment êtes-vous venue à l’illustration de livres religieux ?

Un jour, lors d’une retraite à Châteauneuf de Galaure (Foyer de Charité), j’ai vraiment compris que dessiner était ma place dans l’Église. Peu de temps après on m’a demandé d’illustrer un premier parcours de catéchèse, c’était passionnant d’accompagner par le dessin la Parole de Dieu et d’aider les catéchistes dans leur démarche pédagogique.



Pourquoi avez-vous fait le choix de dessiner pour les tout-petits ?

Quand j’ai eu mon premier enfant, j’ai compris l’urgence de créer des supports et des images pour aider les jeunes parents à « enfanter leurs enfants dans l’Esprit ». Il existait peu de livres pour eux à l’époque et le caté paroissial démarrait vers 6-7 ans. Il me semble pourtant indispensable d’éveiller les enfants à la foi dès leur plus jeune âge. À trop différer le moment de leur annoncer l’Évangile, on finit par ne jamais le faire! Or le tout-petit est un être contemplatif, il détient tout ce que demande l’Évangile : la confiance, l’enthousiasme, la louange. Si ses parents lui transmettent la Parole de Dieu très jeune, il gardera cette empreinte toute sa vie



Que souhaitez-vous transmettre dans vos dessins ?

La bonté et la beauté de Dieu. L’espérance aussi, la joie. Dans un monde où nous comptons les morts et les attentats etc., je veux dire aux enfants que leur vie a un sens, je veux qu’ils sachent qu’ils ne viennent pas de nulle part. Qu’ils sont aimés, accompagnés. Toujours.



Dieu a-t-Il toujours tenu une place importante dans votre vie ?

La vie est un pèlerinage ; ma foi a mûri. Elle a connu des hauts et des bas, mais je pense avoir cherché une certaine fidélité, notamment par la prière et par un lien très fort avec Marie et Jésus. Je suis de nature contemplative. De mon enfance à la campagne, j’ai conservé un attachement profond à la terre, aux saisons, aux couleurs… Le soir, ma mère nous emmenait voir le coucher de soleil… Cette louange de la terre a construit ma foi, qui est indissociable de mon enfance dans ma famille.

En tant que chrétiens, nous avons d’ailleurs la chance d’être une grande famille. Dans mes dessins, j’essaie toujours de montrer les personnages en relation les uns avec les autres. En relation, en communauté, et en mouvement. C’est cela que je souhaite manifester par-dessus tout : une mise en route. Quelle responsabilité !



Adapter la Bible, comme vous venez de le faire doit être très exigeant… Comment travaillez-vous ?

Rendre compte de l’essentiel du message dans un ouvrage très court destiné à de jeunes enfants, est effectivement difficile ! Tout est une question de choix. Pour la Bible, j’ai choisi, comme fil rouge, l’histoire de l’Alliance de Dieu avec les hommes. À partir de là, je bâtis un chemin de fer – à ne pas confondre avec un chemin de croix ! - que je soumets à l’éditeur. Ensemble nous réfléchissons aux passages qui méritent plus d’attention que d’autres. Nous n’avons pas toujours les mêmes envies, mais nous sommes toujours d’accord sur un point : manifester l’Amour et la Fidélité de Dieu. Contrairement à certains livres qui mettent l’accent sur l’aspect uniquement historique, mes dessins sont plus engagés. J’essaie de construire des images nutritives pour faire grandir la foi de mes petits lecteurs. Tout cela nécessite beaucoup de travail : ce livre m’a demandé deux ans de cheminement !



Vous devez être incollable sur la Bible après un tel travail !

À chaque fois j’apprends des choses nouvelles car la Parole est vivante ! Cette fois-ci, j’ai beaucoup travaillé l’Ancien Testament, et je me suis attachée à un aspect sur lequel je ne m’étais jamais assez arrêtée : comment l’Ancien Testament prépare le Nouveau. Telle la manne qui annonce la multiplication des pains. Dans le livre, je donne des clés pour rendre visible ce lien.



Pensez-vous que l’illustration de livres religieux demande un travail différent que celle de livres profanes ?

J’en suis convaincue ! Dans l’illustration religieuse, il y a un souci de fidélité au message qui n’existe pas ailleurs. Mon travail consiste, par le dessin, à rendre la Parole de Dieu accessible aux tout-petits. C’est un travail d’apostolat qui suppose une grande humilité. Mon dessin est au service du texte : il vient d’ailleurs dans un second temps lorsque je réfléchis à la construction de la page. C’est la Parole de Dieu qui est centrale. L’image vient en complément, elle permet de retenir le texte, de le méditer. Elle est en quelque sorte un écrin de la Parole.



Depuis 30 ans, votre dessin a-t-il évolué ?

J’espère qu’il s’est amélioré ! Je pense qu’il est plus efficace. En revanche, je n’ai jamais eu le souci des modes. Je n’ai jamais fait un dessin à la mode. Aujourd’hui, on vous fait un dessin en trois coups de crayon rapides. Moins on s’implique, mieux c’est ! Ce n’est pas du tout ma démarche : mon dessin est très fouillé, très construit mais aussi très affectif. Je peux passer des heures à chercher l’expression juste d’un visage, surtout quand il s’agit de Jésus ou de Marie, car le petit enfant est très sensible à cela. J’essaie de m’inscrire modestement dans la lignée de notre héritage iconographique chrétien depuis les catacombes. Quand un enfant entre dans une Église, il peut ainsi reconnaître Jésus, Marie, Joseph… et se retrouver en famille !  



Illustrer la Bible est une grande responsabilité. Priez-vous avant de vous mettre au travail ?

Bien sûr ! Je prie pendant que je travaille, et avant de m’y mettre. À ce moment-là, je demande à Dieu d’être inspirée, de me donner la force de dire ce qui est important. Chaque fois, je m’émerveille de voir que mon dessin va plus loin que ce que j’imaginais au départ. 



1) Éd. Fleurus Mame, Oct. 2009





QUESTIONNAIRE DE SAINT ANTOINE




Connaissez-vous saint Antoine de Padoue ? Quelle image avez-vous de lui ?

Lors d’un voyage familial à Padoue, nous nous sommes recueillis devant les reliques de saint Antoine. Il y avait notamment ses cordes vocales, ce qui a particulièrement marqué les enfants. Nous en avons conclu que saint Antoine devait être un grand orateur !



Vous êtes donc déjà allée à Padoue. Quel souvenir en gardez-vous ?

Je me souviens d’une ambiance, d’une lumière… J’aime ces petites villes italiennes qui nous donnent le sentiment d’être plongés au cœur de la Renaissance. L’Italie est un régal pour les peintres ! J’ai eu la chance d’y vivre pendant 7 ans. 



Quand vous sentez-vous le plus proche de Dieu ?

Lorsque je dessine ! Mon travail est déjà une louange.



Comment priez-vous ?

Toute la journée ! Pour moi la prière s’apparente à une forme de disponibilité, c’est une sorte d’esprit d‘offrande de ce qu’on est. Rien à voir avec quelque chose de répétitif ou d’obligatoire. Ma prière est plus spontanée : dans le métro, je prie pour la personne qui se trouve en face de moi ; lorsque je suis dans la nature, je remercie Dieu pour sa Création…



Qu’est-ce qui vous a rendu la plus heureuse cette année ?

J’ai des enfants qui grandissent, qui commencent à quitter la maison. C’est l’âge des choix…Alors je suis heureuse quand je sais qu’ils vont bien.

Updated on 06 Octobre 2016