Rencontre avec... Michel Rouche

15 Janvier 2007 | par

- Indépendamment de son aspect commercial, que vous inspire la Saint-Valentin ?
- Ne vous y trompez pas : la Saint-Valentin est une belle réussite de l’Eglise pour christianiser une manifestation païenne. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la Saint-Valentin n’est pas une invention des commerçants. Si aujourd’hui les fleuristes et autres marchands s’en sont largement emparés, cette fête remonte en réalité à la nuit des temps ! On trouve son origine à l’époque du paganisme : chaque année à la même date – on suppose qu’il s’agissait d’un jour de notre mois de février – les femmes mariées devaient se trouver un amant “galatin” (d’où le nom “Valentin”) et le garder toute la journée. L’idée étant de favoriser les naissances. C’était l’adultère obligatoire pour encourager la fécondité !
Au Moyen Age, l’Eglise, désireuse de protéger l’amour conjugal, a réinvesti cette fête en en modifiant le sens : d’une promotion de l’adultère, ce jour est devenu une glorification des fiançailles, un jour de fête pour tous les jeunes fiancés ! Belle réussite !

 
- Et saint Valentin, alors, qui était-il ?
- Nous n’avons aucune preuve historique de son existence. Mais comme une légende disait que saint Valentin avait été fiancé, on a associé cette fête des fiançailles à son nom.
 
- En tant que spécialiste du couple, vous devez donc vous réjouir de l’existence de cette fête…
- Oui, mais encore faudrait-il que la Saint-Valentin ait conservé sa symbolique… Or, je crains que l’aspect glorification des fiançailles, avec tout ce que cela implique de préparation et d’échanges, soit passé à la trappe ! Au 18e siècle, les jansénistes, qui se méfiaient beaucoup des fiançailles, avaient déjà entamé un travail de sape pour les supprimer. Et aujourd’hui, l’union charnelle précède souvent la parole d’engagement, si bien qu’avec la Saint-Valentin on semble davantage célébrer le concubinage…

- Avant d’évoquer l’engagement, revenons au sentiment amoureux… Comment naît-il ?
- Ah… le sentiment amoureux… méfions-nous du sentiment amoureux, il est très volatile !
Il naît d’une intuition inconsciente, liée le plus souvent à une attirance physique. C’est le fameux « c’est lui », « c’est elle », ce coup de foudre analysé par tous les grands auteurs, des troubadours à Stendhal. Une soi-disant évidence qui nous donne l’illusion que tout est prédestiné…
 
- Pourquoi êtes-vous si méfiant à l’égard du sentiment amoureux ?
- Le sentiment amoureux est trompeur ! C’est pour cette raison que lorsque j’entends : « Je croyais l’aimer, mais je me suis trompé », je réponds : « On se trompe tout le temps. » La personne formidable dont on est tombé amoureux n’est jamais celle que l’on croyait être car nous ne faisons que plaquer sur l’autre un portrait idéal de l’être aimé. D’où certains lendemains qui déchantent…

- Pourquoi le sentiment amoureux ne pourrait-il pas durer ?
- C’est une constatation scientifique : cet état d’aveuglement dure 36 mois. Passé ce délai, on est amené à découvrir les défauts de l’autre, ses petites manies qu’on ne voyait pas au début et qui finissent par nous insupporter. On s’aperçoit également que la fusion espérée ne peut pas avoir lieu car l’autre est différent. D’ailleurs là-dessus, le christianisme apporte un éclairage essentiel : « Homme et femme, Il les créa et Dieu vit que cela était bon », est-il écrit dans la Genèse. Le couple repose sur une différence. Une fois l’illusion de la fusion évanouie, il est donc nécessaire d’établir un nouveau mode de relation pour découvrir l’autre moitié. Cette période de “désidéalisation” est inévitable. C’est comme cela, que petit à petit se construit l’amour conjugal…

 - A vous entendre, on pourrait avoir l’impression que vous faites l’apologie du temps où les mariages étaient arrangés ?
- Quand on observe les mariages de raison, il faut reconnaître que dans certains cas, les mariés étaient très épris l’un de l’autre. Regardez le Duc de Saint-Simon, il est devenu éperdument amoureux de sa femme qu’on lui avait pourtant désignée d’office. A sa mort, il a demandé que leurs deux cercueils soient encerclés par des chaînes.
Aujourd’hui, c’est un impératif d’être amoureux avant le mariage. Je n’ai rien contre, et d’autant moins que c’est l’Eglise qui s’est toujours battue pour obtenir le libre choix des conjoints. La vie en couple fondé sur l’amour est un continent nouveau. Mais dans la découverte de ce continent nouveau, sachons tirer profit des expériences passées : si les personnes mariées par leurs familles devenaient amoureuses après leur mariage, qu’est-ce que cela nous dit, sinon que l’amour conjugal se construit ?

- Est-ce à dire que l’amour est une affaire de volonté ?
- « Je ne t’épouse pas parce que je t’aime, mais parce que je veux t’aimer », aurait dit Bismark à son épouse le jour de ses noces.
Aujourd’hui, s’il n’est plus souhaitable de se marier sans une attirance initiale, la volonté et le désir de bâtir un projet commun demeurent indispensables. Ce sont ces composantes de l’amour qui permettent de traverser les crises. Et n’ayons pas peur de ces crises ! D’abord, car elles sont inévitables et correspondent à des phases de croissance de la vie d’un couple, et en plus car ces moments difficiles, lorsqu’ils sont surmontés à deux, dopent le couple. Se battre pour aimer l’autre et se laisser aimer par lui, voilà la clé d’un couple solide ! 
 

QUESTIONNAIRE DE SAINT ANTOINE

- Que nous dit l’amour humain de Dieu ?
- Il y a en tout homme l’aspiration à un amour durable, “au grand amour pour toujours”. C’est cette prétention d’éternité qui renvoie à Dieu : à partir du moment où nous nous mettons dans une perspective d’éternel amour, nous correspondons au vœu que Dieu formule pour les hommes.

- Connaissez-vous saint Antoine de Padoue ? Quelle image avez vous de lui ?
- J’associe saint Antoine au grand rôle qu’il a joué à Padoue pour pacifier les oppositions économiques et sociales qu’il y avait alors : en modifiant la législation, saint Antoine a permis d’alléger la pression que les créanciers exerçaient sur un peuple criblé de dettes.

- Etes-vous déjà allé à Padoue et si oui quel souvenir en gardez-vous ?
J’ai eu la chance de me rendre à Padoue pour une séance de travail. La ferveur populaire que l’on sent dans la basilique est saisissante : elle montre à quel point ce saint soucieux de justice, et qui s’est toujours occupé des déshérités, a marqué les esprits.

- Quand vous sentez-vous plus proche de Dieu ?
Je me sens proche de Dieu à chaque fois que je reçois un sacrement, le plus fort étant certainement l’Eucharistie, le dimanche.

- Comment priez-vous ?
Cela dépend des moments… Soit la prière me tombe dessus, et je prie de manière inattendue, dans l’improvisation. Soit elle émane d’une décision plus volontaire et suppose alors une petite préparation.

- Qu’est-ce qui vous a rendu le plus heureux cette année ?
- Dans le monde difficile dans lequel nous vivons, ce monde où la vie n’est pas toujours aimée, la naissance de notre douzième petit-enfant est une grande joie. L’engagement dans le mariage et la mise au monde d’un enfant font peur à tellement de nos contemporains, que je me réjouis lorsque la vie finit par l’emporter.

L’Eglise de Paris fête la Saint-Valentin

10 février : soirée festive et missionnaire pour les couples dans les paroisses.
11 février à 13h : pèlerinage croisière en bateau-mouche proposé à toutes les familles. A 15h30, célébration à Notre-Dame.

www.fetelasaintvalentin.org.

Updated on 06 Octobre 2016