Rencontre avec... Père Zanotti-Sorkine

21 Juillet 2010 | par

Curé depuis six ans à Marseille, le père Michel-Marie Zanotti-Sorkine est un véritable phénomène. Son enthousiasme pour les belles liturgies a eu raison de la mort annoncée de la paroisse Saint-Vincent-de-Paul-les-Réformés(1). Son dernier livre(2) brosse le portrait bouleversant d’un fils spirituel et ami : Valentin-Marie.





Dans votre livre, vous partez sur les pas d’un certain Valentin, un jeune roumain décédé une semaine après avoir été ordonné prêtre. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cet homme ?

Valentin est un garçon qui, par sa vie, illustre que tout homme est plus grand que le conditionnement humain dans lequel il prend racine.

Né en Moldavie dans un contexte de grande pauvreté, Valentin est le quatrième d’une famille de neuf enfants. À force de volonté et de courage – et il en faut quand on ne mange qu’un peu de maïs et de fromage pour tout repas – il entre au séminaire franciscain. C’est là que j’ai fait sa connaissance en 1994. Alors franciscain, j’étais à l’époque vice-maître des novices. Ils étaient au nombre de 44. Pour moi, c’était une joie immense de servir le Christ en une telle situation d’urgence ! Nos maisons de formations qui avaient ouvert leurs portes après la mort de Ceausescu avait peu de moyens. Mais quelle volonté chez les novices, et chez Valentin en particulier !



Pourquoi avez-vous souhaité lui consacrer un livre ?

Parce que je suis convaincu qu’il appartient à la race des saints ! Je connais son âme, et j’ai vu tout ce qu’il vivait pour plaire au Christ. Si j’ai raconté sa vie c’est aussi pour qu’il serve d’exemple aux jeunes générations. On cite toujours saint Louis de Gonzague ou Dominique Savio, mais nous avons besoin de nouvelles figures pour montrer que la sainteté est possible aujourd’hui. Valentin en est la preuve.

Ce qui me frappait chez lui c’était sa volonté de recevoir tout ce que la formation lui offrait. Il demeurait toujours dans le don total de lui-même, qu’il se trouve dans la chapelle ou sur un terrain de foot. C’était un homme d’un seul bloc, épris du Christ et voulant à tout prix lui ressembler.

Sa mort a fait éclater au grand jour la beauté de son être. Car c’était un homme caché, très humble. Chaque soir, nous avions de grandes discussions sur sa vie future. Nous avons beaucoup prié ensemble, notamment le chapelet. Frère Valentin priait tout le temps. Les novices l’avaient d’ailleurs surnommé « le Frère qui prie beaucoup ».



Comment comprendre sa mort ?

Permettez-moi de rappeler que, depuis l’Antiquité, la mort des êtres jeunes était considérée comme une grâce venue des dieux ! C’est difficile à concevoir aujourd’hui… Pour les parents et les proches de Valentin, sa mort fut naturellement un drame assourdissant. Cependant je crois que si Dieu a cueilli sa plus belle fleur, c’est qu’il devait en avoir besoin pour un bien majeur qui nous échappe. Sa mort le rend présent à tout l’univers. Aujourd’hui, son sacerdoce s’étend au monde entier.



Quel est le sens de cette phrase de Franz Liszt, « Peut-être valons-nous mieux que le bonheur ? » inscrite en exergue de votre livre ?

Pour la plupart d’entre nous, vivre longtemps, avoir de l’argent et mener une vie tranquille, constitue ce fameux bonheur que les hommes passent leur vie à chercher. N’y a-t-il pas plus grand que cette construction humaine, plus grand que ce désir d’être heureux ?

À mes yeux, ce qui compte, c’est l’accomplissement plénier de notre vie. Il se décline autour de l’amour partagé et de la foi vécue. C’est ce qu’a réalisé Valentin, et ce que nous sommes tous invités à atteindre.



Dans votre livre, vous êtes assez critique avec le monde occidental…

Je suis critique envers tout ce qui nous détourne de l’essentiel. Nous sommes beaucoup trop esclaves du monde matériel, trop pris par l’organisation de notre vie terrestre... « Quand vous partirez, nous dit saint François d’Assise, vous laisserez tout ce que vous avez. Vous partirez uniquement avec ce que vous avez donné ». Une sacrée leçon, parfaitement vécue par le père Valentin-Marie !



Que retenez-vous des quatre années que vous avez passées dans la communauté franciscaine ?

Je suis entré chez les Franciscains pour Maximilien Kolbe, pour conduire une vie semblable à ce grand missionnaire très proche de la Vierge Marie. Durant quatre ans, je me suis abreuvé à cette source, et je continue aujourd’hui comme prêtre diocésain habité par une idée fixe : porter l’Évangile en grande simplicité, comme un serviteur, avec dans mon sac la sainte Vierge(3).



À Marseille où vous êtes curé depuis 2005, vous avez redonné vie à une paroisse moribonde, au point que la presse locale vous a surnommé « le curé qui multiplie les paroissiens ». Quelle est votre recette ?

C’est la sainte Vierge qui fait tout ! De mon côté, je veille juste à ce que Dieu ne déçoive pas à cause de moi. Cela se traduit, je l’espère, par une grande disponibilité auprès de tous ceux qui vivent dans ce quartier difficile. Les prêtres ne sont ni des médecins, ni des avocats. Je refuse qu’il faille prendre rendez-vous pour venir me voir !



On vous prête un certain goût pour les choses du passé, telles que la soutane, l’encens, le latin… Comment faut-il l’interpréter ?

Ce sont au contraire des choses très actuelles ! En les utilisant, je m’inscris dans la droite ligne de Jean-Paul II et de Benoît XVI. Pourquoi l’encens ? Car ce nuage de parfum qui monte au ciel, image de nos prières, permet à nos

sens de pénétrer le mystère. Le latin ? C’est la langue universelle de l’Église. Quant à la soutane, c’est ma blouse de travail ! Ni plus, ni moins. Par ma seule présence, vêtu de cet habit séculaire que les gens connaissent bien, je permets à l’Église d’être présente symboliquement dans le tissu social. Je fréquente beaucoup les bars et les restaurants autour de mon église. Ce sont mes chapelles latérales ! Là, tout le monde m’appelle « Mon père », musulmans compris. Je n’ai pourtant jamais parlé de Dieu avec la plupart d’entre eux…

De façon générale, je crois beaucoup à la médiation de la beauté, aux liturgies qui ont de l’allure, qui parlent non seulement à l’intellect, mais à la sensibilité humaine...





Est-ce là la clé pour remobiliser les chrétiens ?

Je pense que la communication de la foi ne peut pas être uniquement conceptuelle. Saint François d’Assise l’a bien compris lorsqu’il a créé la première crèche. Il a voulu que le regard humain touche le mystère en le voyant. À l’heure des films en 3D, on ne peut pas se contenter que de mots !



Êtes-vous inquiet pour l’Église de demain ?

Pas du tout. Jésus a promis qu’il serait avec nous jusqu’à la fin du monde. Il n’y a pas de raison qu’il ne tienne pas sa parole ! Mais, de notre côté, le risque est de lui faire perdre du temps dès que nous manquons d’unité entre nous et avec le Saint-Père. 







1) Site de la paroisse : www.delamoureneclats.fr

2) Cette nuit l’éternité, Éditions l’Œuvre, 2010, 158 p ; 17 euros.

3) Le Père Zanotti-Sorkine est l’auteur de Marie, mon secret. Conversation avec la Vierge, Éditions Liamar. À paraître prochainement.







QUESTIONNAIRE DE SAINT ANTOINE



Connaissez-vous saint Antoine de Padoue ? Quelle image avez-vous de lui ?

Quand je pense à saint Antoine, je me souviens des heures passées comme novice chez les Franciscains Conventuels dans la Basilique de Padoue. Le samedi après-midi, je gardais la tombe du Saint. Là, j’ai vu passer des milliers de personnes caressant le marbre de leurs mains. Que d’espoirs dans leur regard… Certaines étaient prêtes à se dépouiller de leurs bijoux pour obtenir la grâce attendue, montrant par là que la pauvreté touche le Christ et conduit dans ses bras.



Vous êtes donc déjà allé à Padoue. Quel souvenir en gardez-vous ?

J’y ai vécu une année, partageant la vie des Frères Franciscains dont j’étais. Je garde en moi le souvenir de ces milliers de personnes à la foi chevillée au corps. On a l’habitude de dire que saint Antoine est puissant. Je crois plutôt qu’il faudrait dire que c’est la foi des hommes qui s’exprime en ce lieu de façon

très puissante.



Quand vous sentez-vous le plus proche de Dieu ?

Je me méfie de ce que je ressens. Je préfère penser que Dieu est présent continuellement dans ma vie, en le rejoignant par le cœur.



Comment priez-vous ?

Le plus continuellement possible. C’est le Christ qui l’exige : « Priez sans cesse », dit-il (Lc 21, 36). Quand je prie, je cherche la présence de Marie, assuré que c’est Elle qui nous conduit au Fils.



Qu’est-ce qui vous a rendu le plus heureux cette année ?

C’est de pouvoir continuer à travailler pour le Christ jour après jour, avec l’élan que ma santé permet. Et il m’a semblé que le Christ m’encourageait à donner encore davantage...

Updated on 06 Octobre 2016