Rencontre avec... Robert Hossein

17 Septembre 2007 | par

Après Jules César, Bonaparte, De Gaulle, Jésus ou encore Ben Hur, le choix de Jean-Paul II s’est-il imposé ?
Ah, je sais qu’on m’attend au tournant ! J’ose parler de l’homme le plus célèbre du monde. Mais depuis plus de trente ans, je propose au public des sujets qui me tiennent à cœur. Ben Hur a enchanté ma jeunesse, et je dois dire que Jean-Paul II obsède mon âge mûr. J’ai en plus eu la chance de le rencontrer. Quand il est mort, j’ai donc trouvé normal et même presque banal de lui rendre hommage.

Aurait-ce été possible de faire un spectacle de son vivant ?
Non, je ne pense pas. Je voyais plutôt cela comme un hommage sur un homme prodigieusement tolérant. Ce qui ne m’a pas empêché de faire certaines réserves, sur la contraception notamment.

A quelle occasion avez-vous rencontré Jean-Paul II ?
Je l’ai rencontré grâce à mon ami, le cardinal Lustiger. Il lui avait parlé de moi et du succès de mon spectacle sur Jésus. Personne n’y croyait à ce spectacle ! Imaginez, tenir le public en haleine pendant deux heures, avec comme seules paroles le texte des évangiles… Je me revois encore faire répéter la scène du partage du pain dans une salle de 40 000 personnes vide…
Quand Jean-Paul II a entendu parler du succès de ce spectacle, il nous a invités au Vatican, moi et mes “apôtres”. Il m’a parlé en russe tout le temps !

Que retenez-vous de cette entrevue avec le Pape ?
Je l’ai trouvé bouleversant d’humanité, d’une immense tendresse, et également d’une immense nostalgie. On aurait dit qu’il avait des cicatrices partout. Il m’a posé cette question : « Crois-tu en Dieu ? » Je lui ai répondu : « J’y crois tellement qu’il finira bien par exister. » Et puis, lui ai-je dit, « Je crois en l’homme mais je souffre de voir qu’on ne prend pas assez soin de lui, et que certaines personnes n’ont même pas de quoi vivre dignement. » « Oui, c’est très triste », m’a-t-il répondu. Je lui ai dit que c’était sûrement pour cette raison que le gens ne croient plus en Dieu, car ils ne possèdent rien. Et là, Jean-Paul II a eu cette réponse admirable : « Si tu crois au ciel, pense que ces gens qui n’ont rien y sont déjà. » C’est cela Jean-Paul II, une fabuleuse bonté et un bloc de prière.

Quelle période de sa vie racontez-vous dans votre spectacle ?
Ce coup-là, je monte sur scène car je suis le narrateur. Voilà ce que je dis au début du spectacle : « Je suis ici car nous avons un point commun Jean-Paul II et moi : nous voulions être acteur. Moi je suis devenu acteur, lui a raté son coup. Je suis là pour vous raconter pourquoi il a raté son coup. » En partant de l’attentat, je raconte toute sa vie jusqu’à sa mort. Et à la fin du spectacle, je reviens sur notre point commun, en disant que s’il n’est pas devenu acteur, il a réussi sa vocation. Car mieux que personne, cet homme a su porter un message d’espérance, et lancer ce cri de prise de conscience pour faire de la terre un lieu sublime et magique. Pour moi, Jean-Paul II est un formidable avertissement.

Montez-vous de la même manière un spectacle sur Jean-Paul II et un spectacle sur Ben Hur ?
Pour ce spectacle, je n’ai aucun mérite : j’ai l’impression d’avoir été inspiré. Je vous jure que je n’y suis pour rien, c’est Dieu qui me souffle… Mais cela ne m’a pas empêché d’avoir eu peur que cela ne marche pas. Toute ma vie j’aurais eu cette impression de faire la manche pour bien ficeler mes spectacles… Et un sujet comme Jean-Paul II, c’est un peu casse-gueule…

Quel public attendez-vous pour ce spectacle ? A-t-il une visée évangélisatrice ?
C’est un spectacle pour tout le monde, pour les croyants comme pour les non-croyants ! Je raconte la vie d’un homme qui a marqué l’histoire. A partir de là, qui peut ne pas se sentir concerné ? En revanche, je n’aime pas trop les donneurs de morale et de leçons. La seule chose que je souhaite, c’est que les gens sortent de mon spectacle différents de lorsqu’ils sont entrés. Je ne pense pas que ce soit un spectacle qui donne la foi mais je voudrais que les gens se sentent un peu mieux à la fin. Et j’espère de toutes mes forces qu’ils pourront assumer la dernière phrase du spectacle : « Vous êtes encore l’espérance du monde. »

Au cours de votre longue carrière, vous êtes revenu à trois reprises sur Jésus… Est-il très présent en vous ?
C’est vrai, en montant trois spectacles sur Jésus, j’ai eu envie de dire aux gens qu’on pourrait vivre mieux si on écoutait un tout petit peu plus ce que Jésus nous propose. J’adore les gens qui bouffent et qui boivent, je ne suis pas le dernier à m’amuser et je ne renie rien de mon passé, mais il y a un moment où il faut se mettre à la disposition de ceux qui ont moins. Jusqu’à 40 ans, je trouve des excuses à tout le monde ! Mais après, il faut pouvoir donner un peu de soi, donner à quelqu’un.

Avez-vous toujours eu la foi ?
Je crois que oui. J’ai grandi dans l’espoir de Dieu, grâce à des parents admirables qui m’ont appris la générosité. Ils étaient pourtant très pauvres. Très pauvres, mais sublimes. Je ne vais pas beaucoup dans les églises, ou bien alors tout seul, mais j’ai beaucoup d’amis prêtres à qui je confie mes joies, mes galères et mes coups de gueule aussi ! J’ai été baptisé à 40 ans, mais je croyais déjà pas mal et avais beaucoup lu la Bible. C’était plus une formalité à remplir. Alors quand mon fils a été baptisé, on m’a arrosé avec lui !

Est-ce facile de croire ?
Le plus difficile, c’est d’espérer ! J’ai une devise que j’ai piquée à René Char : « Pleurer longtemps solitaire mène à quelque chose. » Mais ce n’est pas toujours facile d’espérer dans un monde où on laisse crever son voisin. C’est bien beau de s’aimer les uns les autres, encore faudrait-il d’abord commencer par s’assumer les uns les autres. C’est cela une vie réussie : avoir tenté ou tenter pour le peu qu’il vous reste de vous mettre au service des autres. Car le sentiment de réussite ne vient que de l’infini amour qu’on porte aux personnes les plus humbles. Tout seul, on n’existe pas.

Avez-vous déjà des idées pour un prochain spectacle ?
Oui, j’ai bien une petite idée… mais chut, c’est encore un secret.


QUESTIONNAIRE DE SAINT-ANTOINE

Connaissez-vous saint Antoine de Padoue ? Quelle image avez-vous de lui ?
Quand j’ai perdu 20 balles, oui, je lui ai demandé de me les retrouver ! Mais le saint que j’affectionne le plus, c’est une sainte, c’est sainte Thérèse de Lisieux. J’ai de petites images d’elle un peu partout. Une jeune fille qui te dit : « Ceux qui m’interrogent ne resteront pas sans réponse », tu ne peux pas ne pas la solliciter. Alors je l’interroge !

Etes-vous déjà allez à Padoue ?
Non, je ne connais pas Padoue. Mais je vais régulièrement à Lisieux et j’aime bien me retrouver seul dans l’église russe de la rue Daru, à Paris. Je m’y installe et je réfléchis un peu.

Quand vous sentez-vous le plus proche de Dieu ?
J’y crois à la folie, c’est ça le plus important ! De temps en temps, j’ai ce que j’appelle de petites visites : je suis en train de déjeuner avec des amis, et paf, je me mets à pleurer sans raison. Je suis soudain bouleversé, en larmes. Et cela passe aussi vite que c’est venu. Ce qui est embêtant c’est quand je parle de choses pas tristes du tout et que soudain, je suis coupé en deux. Ma femme se moque de moi en me disant qu’elle a épousé une icône !

Comment priez-vous ?
J’ai un très grand Christ à côté de mon plumard. Je lui raconte ma journée, mes galères, et il me répond. Je vous assure ! Sinon, je fais une petite prière le soir et je me signe quatre fois. J’ai mauvaise conscience quand je me signe trop vite, alors je recommence.

Qu’est-ce qui vous a rendu le plus heureux cette année ?
Ce qui me rend le plus heureux et qui me fait espérer, c’est quand je vois des hommes et des femmes qui s’occupent de donner un peu d’eux-mêmes.

Updated on 06 Octobre 2016