Routard de saint Antoine

21 Juin 2020 | par

« Antoine, si t’es un frère… » Un jour, notre voisine affolée vient nous avertir que Moustic, son chien aveugle, s’est échappé. Nous prions saint Antoine, et nous nous mettons à la recherche de l’animal, que nous retrouvons à plusieurs centaines de mètres, divaguant au bord de la Marne. Réflexion finale de notre fils, six ans à l’époque, à notre voisine, incroyante : « Alors, maintenant, tu y crois à saint Antoine ? » En termes de popularité, le disciple, Antoine, a largement surpassé son maître, François d’Assise. Diffusé par les Frères Mineurs au gré de leurs entreprises missionnaires, le culte rendu au thaumaturge portugais s’est propagé dans le monde entier, surtout chez les plus pauvres, et même chez des non-chrétiens. Antoine est certainement le saint catholique le plus représenté, et peut-être le plus invoqué, y compris dans chacune de nos églises paroissiales.
Il n’est pas étonnant qu’au sein des trois familles de l’Ordre de saint François — Franciscains, Capucins, Conventuels —, on ait pu mettre sous le patronage de saint Antoine un grand nombre de provinces, de couvents, d’institutions et de sanctuaires. Un tour du monde en compagnie d’Antoine est donc parfaitement possible.

Partir de Coimbra
C’est ici qu’a commencé la vie franciscaine de Fernand, alors chanoine régulier à Sainte-Croix. En périphérie de la ville, l’ermitage Santo Antonio dos Olivais — dédié à l’autre saint Antoine, celui « du désert », Antão en portugais —était occupé depuis 1218 par les frères mineurs. En 1220, suite au martyre des cinq frères au Maroc, Fernand se rend à l’ermitage et y devient Antoine, fils de saint François. Plus tard, après sa canonisation (1232), l’ermitage lui sera dédié. Passé un porche élégant à trois arcatures et après avoir monté un long escalier, on pénètre dans la petite église, transformée au cours des siècles, mais qui a conservé le charme des origines. Des azulejos — carreaux de faïence décorés — racontent sur les murs de la nef mais aussi dans la sacristie, la vie et les miracles du Saint. J’avoue avoir une prédilection pour le miracle « de la mule », ou l’histoire de cette pauvre bête que l’on a fait jeûner, mais qui dédaigne le fourrage pour aller s’incliner devant une hostie consacrée — permettant ainsi à Antoine de clouer le bec à un hérétique.

Franchir l’Atlantique
En matière de dévotion antonienne, le Brésil n’a rien à envier au Portugal. Il lui a même emprunté un certain nombre « d’excentricités », comme celle qui consiste à faire d’Antoine un « soldat » à qui l’on verse une solde, et qui, progressivement, monte de grade en grade au sein de l’armée. Nombreux sont les couvents et les églises à lui être dédiés. La province franciscaine du Nord-Est porte son nom, de même que son principal couvent, celui de Recife, dans le quartier… Santo Antonio, vous aviez deviné. Là encore, les azulejos des murs de l’intérieur de l’église sont consacrés au saint portugais. On notera le fort contraste entre la relative sobriété de cette église franciscaine et l’exubérance baroque de sa chapelle du Tiers-Ordre, la fameuse capela dourada, où l’or omniprésent laisse néanmoins la place à quelques beaux tableaux, comme celui représentant les martyrs de Nagasaki.

Escale en Bolivie
Nous partons ensuite en Bolivie. Non pas à La Paz, la capitale, mais à huit heures de route plus au sud, à Potosí, l’une des villes les plus haut perchées du monde — à 4 000 mètres d’altitude. Créée afin de pouvoir exploiter une mine d’argent dans la montagne toute proche, la ville accueille les Franciscains dès le milieu du XVIe siècle, et leur église, reconstruite au XVIIIe siècle, est dédiée à saint Antoine. Mais ce n’est pas la raison de notre escale, car cette fois-ci nous irons à l’école. En 1909, les franciscains de Bolivie — la provincia Misionera San Antonio en Bolivia — fondent à Potosí un collège de garçons. En Amérique latine, l’éducation est un secteur important de la mission des Frères Mineurs. Ce collège de Potosí, véritable institution de la cité minière, continue de jouer un très grand rôle dans la formation de la jeunesse masculine et féminine, puisqu’il est désormais mixte. La fête patronale de ce Colegio Particular Franciscano se déroule le 13 juin et donne lieu à de grandes réjouissances. À Potosí, on n’a pas oublié le premier directeur du collège, le frère Apollinaire Simoni († 1913), franciscain corse, arrivé comme missionnaire en 1879.

Une mission en Californie
Parmi les vingt-et-une missions implantées en Californie entre 1769 et 1823 par Junipero Serra et ses frères, plusieurs portent les noms de saints de la famille franciscaine : de San Diego (Didace de Alcalà) à Ventura (Bonaventure), et de San Luis Rey (notre saint Louis) à Santa Clara, l’actuelle université jésuite. Le 14 juillet 1771, Junipero Serra fonde sa troisième mission et lui donne le nom d’Antoine de Padoue. Située près de l’actuelle ville de Jolon, à mi-distance entre la côte et la route 101, elle a accueilli et catéchisé de nombreux Indiens Salinan — qualifiés pour cette raison d’Antoniano. Le frère majorquin Bonaventure Sitjar, qui a vécu dans cette mission depuis sa fondation jusqu’à sa mort en 1808, a lui-même baptisé 3 400 Indiens et il est l’auteur d’un dictionnaire Salinan-Espagnol.  

Des Philippines à Bruxelles
Nous voici maintenant aux Philippines, à Pila, sur la même île que Manille. Les franciscains espagnols y sont présents dès 1578 et fondent la ville. Une chapelle, dédiée à saint Antoine, en devient l’église paroissiale le 13 juin 1581. Peut-être la première église de toute l’Asie à avoir été dédiée à notre saint. Aujourd’hui, c’est un sanctuaire toujours très fréquenté. Des Philippines, passons à l’Albanie, pour notre escale la plus modeste : au nord-ouest du pays, à Laç, Kisha e Shen Ndout se traduit par « église Saint-Antoine ». Détruite par les communistes dans les années 1970, elle a été reconstruite et attire de nombreux fidèles. Enfin, retour en Europe, à Bruxelles, au couvent Saint-Antoine des franciscains conventuels. Présents depuis 1862, les frères disposent d’une très belle chapelle néo-gothique, avec des vitraux représentant la vie de saint Antoine. C’est depuis cette chapelle, que nous avons pu suivre la messe sur Youtube par temps de confinement. Merci aux quatre frères et cinq postulants qui nous ont fait participer à leur prière inspirée. n

Pour en savoir plus :
Recife : https://sanctuaria.art/2015/06/22/convento-de-santo-antonio-e-a-capela-d...
Bolivie : http://ofmsantoantonio.org/
Bruxelles : https://lesfranciscains.com/

Updated on 21 Juin 2020
Laissez un commentaire