Sahara d'Algérie

01 Janvier 1900 | par

D’où vient le sable? Où est l’eau? Qui a dessiné les gravures et peintures rupestres? Qui sont les Touaregs ?
Quel est le futur du Sahara algérien? Autant de questions auxquelles répond la passionnante exposition du Muséum National d’Histoire Naturelle à Paris.

Le Sahara est le plus grand désert du monde mais avant d’être désert, il était une grande plaine verdoyante et avant cela encore, couvert de glaciers ! A notre échelle humaine, il est parfois difficile d’imaginer cette évolution sur des millions d’années. L’exposition interactive très pédagogique proposée par le Muséum d’Histoire Naturelle nous y aide. Les muséographes ont eu recours à toutes les techniques modernes : photos en 3D, vidéo, informatique... Si l’expérience du désert est unique, ceux qui n’ont pas eu la chance de s’y rendre découvriront ce monde à la fois impitoyable et fascinant. Tout au long de l’histoire de l’humanité, le désert a en effet été le symbole de désolation et un lieu, réel et imaginaire, de ressourcement. Le Sahara, de fait, est une source intarissable de découvertes pour les naturalistes car le “Grand Désert” comme on l’appelait au XIXe siècle est un véritable sanctuaire où est conservée une partie des archives de la terre.

Glacier et jardin
La première partie de l’exposition est consacrée à la géologie. On y découvre donc que le Sahara a d’abord été océan et banquise. Théodore Monod, le grand spécialiste du Sahara, était spécialiste... des poissons ! On en a d’ailleurs retrouvé de nombreux fossilisés. Ensuite vint la période volcanique. Les éruptions et la chaleur de la lave ont remodelé les paysages. Après sont apparues les forêts tropicales. Puis vinrent les temps bénis où le Sahara était un immense jardin aux terres fertiles propices aux cultures et à l’élevage. Aujourd’hui, le Sahara est devenu un désert aride de roches et de sables.

Sable, cristaux, minerais et vent
L’observation d’un grain de sable au microscope nous raconte son histoire et son voyage grâce à sa forme caractéristique, sa taille, sa composition et les traces d’usure qu’il porte. Le sable du Sahara est presque exclusivement formé de grains de quartz, oxyde de silicium, un des seuls minéraux à résister à l’usure. La plupart de ces cristaux de quartz sont recouverts d’une patine, en général de l’oxyde de fer, qui leur donne une teinte variant de l’ocre au rouge. Ce rouge est généralement d’autant plus intense que le sable est ancien. On remarque aussi, à la base des dunes, une concentration de grains noirs. Il s’agit de débris minéraux riches en fer, plus lourds, qui peinent à s’envoler.
Le sable du Sahara est le résultat d’une abrasion de roches qui s’est jouée au cours des quelques derniers milliers d’années. Le vent, dont le pouvoir très important dans les régions où le couvert végétal est absent, est le principal moteur de cette érosion. Les particules en suspension dans l’air agissent comme de vrais projectiles et transforment le vent en un véritable souffle abrasif. Agent de transport, il modèle sans cesse les dunes et parfois même les déplace. Quant aux fortes tempêtes, elles déplacent les fines particules très haut dans l’atmosphère et ce sur plusieurs milliers de kilomètres. Il en tombe même à Paris où il couvre régulièrement les voitures d’une pellicule de poussière ocre !

Des chasseurs artistes
Les habitants de ce qui n’était pas encore un désert nous ont laissé un patrimoine unique : l’art rupestre dont la connaissance doit beaucoup à Henri Lhote. L’exposition rend hommage à ce grand explorateur qui a, entre autres, dirigé la campagne du Tassili pour le compte du Musée de l’Homme en 1956 et 1957. Accompagné d’une équipe de peintres et d’un photographe, il a effectué des centaines de relevés.
Durant près de 10000 ans, des hommes se sont exprimés en peinture et leurs œuvres émouvantes constituent un extraordinaire témoignage. La période la plus ancienne dite “bubaline”, du bubale, espèce de bœuf sauvage, est marquée par une technique au trait large et profond, la plupart du temps poli. Ces gravures représentent surtout des animaux sauvages, éléphants, girafes, rhinocéros, hippopotames, bubales, antilopes, bœufs et autruches, parfois plus grands que nature. Vient ensuite la période des têtes rondes. On en trouve beaucoup au Tassili des Azdjers. Elles nous apprennent que les hommes ne vivaient plus seulement de chasse et de cueillette mais qu’ils pêchaient et se livraient à des essais d’agriculture et d’élevage.
Plus on avance dans le temps, plus les peintures sont élaborées et, à la gravure s’ajoute la peinture. Le style naturaliste et descriptif domine alors dans les représentations de troupeaux de bœufs avec leur pasteur et les scènes de la vie quotidienne, peintes souvent en petites dimensions, mais parfois en grandeur nature. La peinture, essentiellement à base d’ocre rouge, est parfois associée à plusieurs couleurs, dont les blancs pour mettre en valeur des détails, comme les cheveux, la coloration des corps ou l’habillement des personnages. Le cheval apparaît au milieu du 2e millénaire. Il est souvent attelé au char et figuré dans un galop très allongé dit “galop volant”. Enfin, vint le dromadaire. Cet animal, arrivé en Afrique du Nord durant les derniers siècles précédents notre ère, indique une aridité croissante. Il est représenté par dizaine de milliers sur toutes les parois du Sahara, principalement à proximité des pistes caravanières et des points d’eau. Ils sont montés par des cavaliers portant une lance, un poignard à bras et un bouclier. L’armement du cavalier comme le harnachement du dromadaire ne diffèrent pas de ceux visibles aujourd’hui chez les Touaregs.

La vie dans le désert
Pour survivre dans le désert, extrêmement chaud le jour, glacial la nuit, les animaux et les plantes ont développé des stratégies. Ainsi avec une température extérieure de 45°, la température au sol peut dépasser les 70° mais l’intérieur d’un terrier de gerboise, à un mètre sous terre, reste inférieur à 30°. Autre stratégie, s’élever. Pour gagner quelques degrés de fraîcheur, les lézards tel l’Agame grimpent dans les arbres ou arbuste, le vautour oricou et le corbeau brun planent en altitude. Certains qui ne peuvent ni monter ni s’enfouir doivent trouver l’ombre, quitte à se la fabriquer soi-même comme le xérus. Cet écureuil s’abrite à l’ombre de sa propre queue !
Et l’homme? Lui aussi survit bien qu’il soit biologiquement très mal outillé pour cela. Comme tout mammifère, il transpire pour pouvoir réguler sa température interne et maintenir ses fonctions vitales intactes, ce qui lui fait perdre son eau. Or, sans cette eau, c’est le “coup de chaud” : évanouissement, épuisement puis, assez rapidement, la mort. Alors, il a observé les adaptations du monde qui l’entoure pour les reproduire et les perfectionner. Et c’est uniquement à cela qu’il doit son omniprésence.
Ces hommes du Sahara, ce sont les Touaregs. Ils ne constituent ni une race, ni une nation mais un ensemble culturel uni par une même langue. Leur organisation sociale est faite de juxtaposition de “confédérations” qui rassemblent plusieurs tribus. Ils étaient guerriers, marabouts, artisans... Mais cette organisation traditionnelle tend actuellement à se dissoudre à cause de la sédentarisation. En effet, la vie nomade dans le désert est aujourd’hui pratiquement inexistence. La communauté touarègue a abandonné la tente pour des maisons en dur, semblables à toutes les autres.
La sédentarisation s’est accompagnée d’une paupérisation. L’homme est manœuvre sur un chantier ou chauffeur de camion. S’il s’est constitué un pécule, il peut s’acheter un 4x4 et devenir chauffeur pour touristes... Lors de la grande sécheresse de 1968 à 1972, les beaux objets anciens de la vie quotidienne ont été échangés par nécessité contre du blé et des médicaments. Et aujourd’hui le plat familial comme les cuillères et les fourchettes sont en métal manufacturé. La télévision fonctionne en permanence. Confinés dans des espaces réduits, leur nouveau champ de vision est celui qui s’ouvre sur un vaste monde parabolé. Tristesse.
Heureusement, la musique est toujours là et elle raconte la merveilleuse histoire de l’âme humaine. Dans l’exposition, elle accompagne le visiteur tout au long de son parcours comme elle est omniprésente dans la vie des Touaregs aussi bien chez les sédentaires que chez les nomades. Dans le travail ou les loisirs, dans la joie ou dans le deuil, le chant continue à s’élever pour réparer la peine ou faire durer le plaisir. Et c’est une respiration dans un monde dont les perspectives les plus lucratives résident dans les gisements d’hydrocarbures. Heureusement, d’autres ont conscience de devoir protéger leur fragile environnement. Ainsi, les Tassilis du Hoggar et des Azdjers comme la vallée du M’zab sont d’ores et déjà classés patrimoine de l’humanité.


Muséum National d’Histoire Naturelle
Jardin des Plantes, 10, rue Buffon
75005 Paris
Tous les jours de 10h à 19h, jusqu’au 12 octobre.

Updated on 06 Octobre 2016