Scout un jour…
« Le scoutisme m’a sauvé la vie ». Sohan n’oubliera jamais. À quarante ans, il revoit l’adolescent qu’il était, timoré, réservé, le « taiseux » d’une famille d’immigrés égyptiens vivant en banlieue parisienne. « À la maison, on aidait au magasin. À l’école, j’étais à part, je n’avais pas vraiment d’amis ». Au fond, Sohan l’avoue à demi-mot, il se sentait entraîné vers une dépression qui causait en lui des pensées sombres. Ce qui lui donnait malgré tout envie de se lever et lui insufflait du courage, semaine après semaine ? « Les rendez-vous avec les scouts ! », affirme-t-il. « Je me disais : attends encore un peu, jusqu’au prochain weekend…. Jusqu’au prochain camp… ». Là, il retrouvait un souffle de vie qu’il n’avait nulle part ailleurs.
« Je crois que Dieu nous a placés dans ce monde pour y être heureux et pour y jouir de la vie », écrivait Baden-Powell dans son testament spirituel (cf. encadré). Un bonheur qui, pour le militaire britannique, ne résidait ni dans la richesse, ni dans le succès, mais en étant « dès l’enfance des êtres sains et forts qui pourront plus tard se rendre utiles ». Ces principes ont guidé le mouvement qu’il fonda et qui se répandit comme une traînée de poudre sur toute la surface du globe. John, en Inde, se souvient ainsi de ses années de scoutisme, des uniformes aux foulards colorés que portait la troupe. « Je crois qu’une fois qu’on a été scout, il y a des aspirations qui s’ancrent pour toujours : être prêt pour le service, chercher à faire la bonne action », déclare-t-il avec une certaine fierté.
On revient à l’essentiel
Amélie, jeune professionnelle Vittoz à Nantes, ne tarit pas d’éloges sur cette pédagogie basée sur des imaginaires – selon les différents courants scouts, sur Le livre de la jungle, sur l’épopée de Jeanne d’Arc, ou d’autres histoires. Elle retient l’expérience de vie de groupe, de vie fraternelle, qui apprend à « s’ouvrir au service, aux autres, à la nature, à Dieu ». Avec le scoutisme, souligne-t-elle, « on revient à l’essentiel : pas de télévision, d’écouteurs, d’écrans… Tu utilises tes mains. Tu fais la popote, tu crées des installations avec du bois, tu veilles auprès du feu de camp, tu regardes les étoiles. C’est l’aventure ! ». « Sans le scoutisme, j’aurais sans doute été plus plan-plan », plaisante la jeune femme, qui estime aussi que cette expérience lui a enseigné la confiance en soi. « Quand tu reviens après avoir passé toute la journée à te cailler dans la forêt et à mouler des traces de gibier dans la boue, quand tu sens le feu de bois, c’est extra. Tu es fatiguée mais heureuse. »
L’éducation du jeune par le jeune
Pour le père Luc, aumônier auprès de divers mouvements scouts, « le génie du scoutisme c’est l’éducation du jeune par le jeune ». L’enfant « apprend à vivre avec ses semblables, dans une hiérarchie, avec une croissance par étape. Il apprend la responsabilisation ». Baden-Powell, et son disciple en France, le père Jacques Sevin, suivaient « l’intuition profonde de la Bible que l’homme est créé face au monde, pour se mesurer au monde ». Ainsi, ajoute le prêtre, « le scoutisme réapprend la loi du travail des mains, la loi de l’incarnation, de l’obéissance à l’exigence du réel ». Au fond, estime le père Luc, le scoutisme c’est « l’anti-virtuel ».
À 13 ans, Clélia trouve aussi que les guides, « c’est génial » : « On apprend plein de choses pour pouvoir être indépendant et débrouillard, on sait même faire un feu sous la pluie, raconte-t-elle. Dans ma compagnie c’est toujours très joyeux, avec une bonne ambiance… Les cheftaines encouragent tout le monde ». Clélia apprécie surtout les camps d’été : « On fait des tentes en hauteur avec des hamacs en cordes et c’est hyper confortable. Le soir on partage un paquet de bonbons en se disant les points à améliorer pour que ce soit encore mieux ». Sa petite sœur de 11 ans, Élisabeth, est louvette. « Ce que j’aime bien, confie-t-elle d’une voix un brin timide, c’est qu’il n’y a jamais personne à l’écart. On trouve toujours quelque chose qui nous rapproche, même de quelqu’un avec qui on ne s’entend pas vraiment ». Leur grand frère Marin est de leur avis, mais il mesure aussi que les activités sportives l’amènent à se dépasser : « Il y a des moments où j’ai envie d’arrêter », admet l’adolescent de 15 ans. « On a un gros rythme, très sportif, parfois on est en weekend et il faut se lever dans la nuit. Mais ça fait de belles aventures à raconter et finalement on est content de l’avoir fait. Si j’arrête, ça me manquera ». Et puis, se réjouit-il, « quand on est scout, on a de belles chansons à chanter partout, en toutes circonstances, quand le cœur nous en dit ».