Sœur Nancy Pereira, la voix des pauvres

01 Janvier 1900 | par

 Un titre, une photo, presque “de famille”, et la silhouette d’une religieuse, en retrait, qui vient de recevoir le prix “Témoignage”. Tel fut, intentionnellement, notre compte rendu de la remise du “Prix International Saint-Antoine 2002”. Mais qui est sœur Nancy Pereira ?

 

«Certainement une femme capable de joindre une profonde vie spirituelle à une mission pleine d’humanité parmi les plus pauvres. » Cette définition, parue dans un quotidien de Padoue au lendemain de la cérémonie, nous a stimulé à aller plus loin pour mieux connaître cette personnalité exceptionnelle.

« Je suis née en Inde, dit-elle, dans l’Etat du Kerala, au Sud-Est du continent indien. A 15 ans, après mon Certificat d’Etudes, j’ai entendu en moi l’appel à me dévouer aux pauvres de mon pays, et j’ai choisi la Congrégation des Sœurs Salésiennes de Marie Auxiliatrice dont le but est précisément de travailler à l’éducation des populations les plus pauvres. Pendant des années, ce fut un travail patient, discret, presque de routine, puis, en 1994, avec un groupe de religieuses, nous avons décidé de créer, à Bangalore, dans l’Etat du Karnataka, un centre social, et c’est au titre de ce centre que j’ai participé au “Prix Saint-Antoine”.

 

– Mais pourquoi un Centre social, et en faveur de qui ?
– Le Fides (Familly Integral Develop Education Scheme) est un centre de services pour familles pauvres : 3000 familles distribuées sur dix villages qui ne disposaient d’absolument rien, même pas d’un repas par jour. Nous voulions leur assurer l’éducation et la formation, leur permettre d’obtenir un emprunt pour lancer quelques activités, faire régresser le taux de mortalité infantile et la mortalité des femmes durant l’accouchement, le travail des enfants mineurs et l’alcoolisme.

– Vaste programme, pour quels résultats ?
– Ceux-ci n’ont pas tardé. Au bout de huit ans, les chiffres parlent d’eux-mêmes.      

 Aujourd’hui, 98% des familles intéressées par notre projet bénéficient de nourriture, de vêtements, d’une maison, d’un travail qui leur permet de vivre dans la dignité. La mortalité infantile est passée de 1-2 enfants par semaine au taux 0 ; celle des mères à l’accouchement est passée de 1-2 morts par mois, en 1999, à 0 décès en 2002. Pour ce premier projet et pendant huit ans, nous avons pu compter sur l’aide de la Caritas des Pays-Bas, mais celle-ci ne nous sera pas assurée pour le deuxième projet qui débutera dans quelques mois.

– Vos pauvres sont-ils tentés par le désespoir ?
– Certainement. Mais notre travail consiste précisément à aider, dialoguer, faire s’exprimer les gens pour qu’ils disent leurs difficultés, en recherchent les causes et fassent tout leur possible pour surmonter les situations. Nous ne sommes pas là pour donner gratuitement : ils doivent eux-mêmes trouver en eux la force d’avancer, d’agir, de vivre. Nous les aidons… avec leur aide.

– Pourquoi avez-vous choisi la vocation salésienne ?
– Pour aider les jeunes filles pauvres. L’esprit de la Congrégation, fondée par Don Bosco en 1872, est : « revêtir le message religieux des formes adaptées aux temps et aux lieux » ; prêter une attention particulière à l’assistance matérielle, à l’accueil et à l’éducation. Aussi ma mission ne se base-t-elle pas seulement sur la charité, mais aussi et surtout sur la formation : tous doivent avoir la possibilité de vivre avec dignité ; pour y parvenir, tous doivent avoir la possibilité d’apprendre, de travailler, de gagner leur vie.

– Votre journée doit être, elle aussi, bien remplie…
– Très remplie même. Elle débute à 5h20, avec la prière et la messe, se poursuit, sans interruption, par le travail depuis 8h du matin jusqu’à 7-8h du soir. La nuit est occupée par la correspondance, – nous recevons des lettres de toutes les parties du monde de la part d’amis, en particuliers de nombreuses demandes d’adoption –… presque toujours jusqu’à minuit.

– Au terme d’une journée si bien remplie, vous sentez-vous fatiguée ?
– Non, jamais ! Chaque jour bien rempli m’offre l’opportunité de montrer ma générosité, mon don pour les autres. Qu’est-ce, en effet, la foi sinon voir Dieu en toutes choses et en chaque personne et le servir ? Et le soir, lorsque je retrouve ma cellule, je me sens sereine, en paix avec tous, heureuse de ce que je viens de vivre.

– Avez-vous des projets pour un proche avenir ?
– Oui, un orphelinat pour enfants abandonnés à Bangalore. Actuellement, nous travaillons à la réalisation d’un orphelinat pour petites filles à partir de trois ans. Elles pourront y rester jusqu’à l’Université. Pour les petits garçons, en revanche, il suffirait de pouvoir les loger jusqu’à l’âge de 11-12 ans, car par la suite ils pourront passer auprès de l’Institut des Pères Salésiens, fréquenté uniquement par des garçons.

– Et la situation du monde, que vous inspire-t-elle ?
– La confiance. Dans la vie de nous tous, il arrive quelque chose d’important qui nous permet de nous approcher de Dieu. Il suffit de la saisir.
Quand au monde, je lui souhaite la paix. Que tous puissent accepter la volonté de Dieu, aussi bien dans la richesse que dans la pauvreté. »

Une acceptation qui a valu à sœur Nancy, même de la part des hommes, de nombreux échos et reconnaissances : le “Prix Pomme d’Or” de la Fondation Marisa Bellisario en 2001, à Assise ; “Un Mandir pour la Paix” du Shantimandir, l’organisation humanitaire fondée par Gabrielle Lavorgne ; le film,  Un don tout simple, interprété par Virna Lisi, en décembre 2000, et le “Prix International Saint-Antoine”, qui lui a fait dire : « Je ne mérite pas ce Prix, mais je l’apprécie énormément… pour mes pauvres ».          

 

 

 

Updated on 06 Octobre 2016