Un espace pour recommencer à croire

01 Janvier 1900 | par

Ils ont été baptisés, catéchisés... puis au début de leur adolescence, ou plus tard, ils ont abandonné toute fréquentation de l’Eglise. Et un jour, parce qu’ils sont insatisfaits de ce qu’ils vivent ou parce qu’un événement les interroge sur le sens de leur vie, ils reprennent le chemin d’une quête spirituelle.
On les appelle les recommençants.

 Parfois ils frappent à la porte d’une paroisse et rencontrent un prêtre, démuni souvent face à cette demande qui ne sait pas trop se formuler ou par cette expérience spirituelle qui paraît marginale. Pourtant, ces personnes qui essaient de recommencer ont besoin de parler, d’être écoutées, accueillies et en même temps elles ont peur d’être récupérées. Elles sont allergiques aux langages et aux évidences de l’Eglise, aux propos moralisateurs ou militants. Tout cela rend la rencontre délicate. Déjà baptisées, elles ne relèvent plus du catéchuménat, chargé dans l’Eglise d’accompagner et de former les adultes qui se préparent au baptême, mais elles ont besoin d’une catéchèse, il leur faut un sas d’entrée.

C’est pour remplir cette fonction qu’à Lyon a été créé il y a 15 ans l’Espace Sainte-Marie. Quelques salles, un petit oratoire dans les locaux attenant à une paroisse mais cependant séparés. L’équipe, avec le Père Henri Bourgeois qui est à l’origine de cette initiative, offre accueil, écoute, dialogue, formation à ces baptisés qui ont perdu tout contact avec l’Eglise mais qui gardent cependant un souvenir de leur passé ecclésial, et parfois un mauvais souvenir.

Ces adultes, le plus souvent entre 40 et 50 ans, veulent reprendre un départ. Ils adressent une demande précise : est-ce que l’Eglise peut les aider à retrouver ce qui peut fonder le sens d’une vie, une dimension spirituelle. Mais l’Eglise elle-même ne les intéresse pas. Ils viennent dans ce lieu d’Eglise, où ils peuvent découvrir que l’Eglise ne correspond pas à l’image autoritaire et sectaire qu’ils en ont.

Mais comment faire savoir à ces personnes qui recommencent qu’il existe un tel lieu? Le Père Henri Bourgeois reconnaît que de tels lieux répondent bien à un besoin ressenti dans de nombreux diocèses, mais que le marketing est difficile. Le message est peu relayé par les pratiquants et assez souvent les personnes qui frappent à la porte de l’Espace Sainte-Marie le font parce que quelqu’un qui est déjà venu, qui a déjà fait un parcours leur en a parlé.

Pour aller à la rencontre de ceux qui cherchent, le Père Bourgeois fait aussi des conférences, ouvertes à un large public, sur des thèmes comme la réincarnation, le diable, la mort, ou participe à des débats avec des bouddhistes ou des francs-maçons qui sont ouverts à un large public. Ces thèmes peuvent rejoindre les questions de ceux qui cherchent dans d’autres religions ce qu’ils n’ont pas trouvé dans le catholicisme. Alors, après la conférence, un dialogue peut s’amorcer.

Redécouvrir les bases de la foi

Bien sûr l’Espace Sainte-Marie ne prétend pas au monopole de l’accueil des recommençants, certains trouvent accueil et écoute dans des monastères, des centres spirituels, des communautés religieuses, un groupe d’Action Catholique ou un groupe de prière, mais ici un programme a été pensé à leur intention, des personnes ont été formées à leur accompagnement.

La première proposition qui est faite à l’Espace Sainte-Marie est d’abord un entretien personnel, avec un prêtre ou un laïc. Puis les recommençants peuvent s’orienter sur un parcours de redécouverte des bases de la foi, une séance hebdomadaire, quatre semaines de suite. Les groupes sont assez restreints, huit ou neuf personnes qui ne se présentent pas au début pour respecter la démarche et la liberté de chacun.

Le programme est simple : qu’est-ce que croire, Jésus, l’Eglise, les pratiques chrétiennes. Beaucoup de questions sont posées. L’animateur doit veiller à ce que chacun se sente libre d’être soi-même, libre de croire ou de ne pas croire, et en même temps il doit dire clairement quelle est la foi des chrétiens. A la fin de chaque rencontre, une expérience de prière est proposée, très courte : quelques minutes pour s’apaiser et quelques minutes pour ruminer une phrase d’Evangile. Cette prière, qui ne s’adresse pas à Dieu comme à une personne, est accessible aussi aux non-croyants.

Après ce premier contact, on peut poursuivre par une catéchèse, un groupe biblique ou un apprentissage de prière. On peut aussi rejoindre une petite communauté de foi qui rassemble des recommençants, des nouveaux baptisés et des chrétiens depuis longtemps. Tous s’y déclarent croyants. Chaque communauté est reliée souplement à un réseau, avec un bulletin de liaison, tout en gardant une grande autonomie. La pédagogie s’inspire des communautés d’Amérique du Sud : on part d’un texte biblique, puis on en voit les effets concrets et on termine par une prière.

Mais l’Espace Sainte-Marie, dans ses locaux ou ailleurs, propose aussi différents ateliers de réflexion plus ponctuels. Et s’il y a des célébrations, il n’y a jamais d’eucharistie, pour envoyer aux paroisses ceux que leur recommencement a conduits jusque là... Leur présence pourra appeler les pratiquants qui n’ont jamais remis en question leur foi à recommencer eux aussi, à mieux redécouvrir cette foi qu’ils proclament.

TEMOIGNAGE

Quelque chose en moi qui était en sommeil

«Sur le plan religieux, ce qui s’est passé, c’est une série d’événements-chocs.
Plusieurs décès de proches, dont une personne de notre âge. Dans la désolation familiale, un prêtre (que ma famille ne connaissait pas) s’est trouvé là et a eu les mots qu’il fallait, cela a été fabuleux....
Et puis il y a eu un événement très positif, le baptême de ma fille, qu’elle a voulu elle-même. D’abord sur le plan familial et paternel, cela a été extraordinaire. Car je n’avais rien fait pour qu’elle en arrive là. Lorsque nos enfants étaient petits, on avait seulement lu, avec eux, quelques BD sur Jésus. On n’avait pas pu rester totalement silencieux sur ce point !
Surtout, ma fille a été pour moi le témoin de la foi qui manquait. Ce qu’elle dit (je la connais bien!), cela a le signe de la sincérité. Elle, je la crois. Et puis, à travers elle, j’ai trouvé le discours d’une Eglise différente. Dans les groupes auxquels elle a participé, j’ai entendu des choses que je n’avais jamais entendues dans toute mon éducation religieuse, des choses spontanées et sincères comme peuvent les dire certains catéchumènes.
Cela a touché en moi quelque chose qui était en sommeil. Il y avait comme un couvercle par-dessus.
Ce qui fait que je me reconnais dans la catégorie des renaissants, c’est que je ne prends pas les choses comme autrefois et que j’ai vraiment l’impression que Dieu existe au fond de ma vie.
Je n’ai pas encore une grande expérience de Dieu au sein de l’Eglise. Mais que Dieu existe, cela passe d’abord, pour moi, par une expérience individuelle. C’est vraiment la quasi-certitude. Etant donné ce qui se passe au fond de moi, ce n’est pas possible autrement. (...)
D’une certaine façon, je suis peut-être sur le pas de la porte. Je ressens des choses que je ne ressentais pas avant. J’essaie de vivre cela petitement, dans le quotidien. C’est tout petit, mais c’est une voie qui me mène à la découverte de Dieu à travers moi et à travers les autres. Et il y a sûrement bien des nouveautés qu’il me réserve !

Extrait de Des recommençants prennent la parole, témoignages réunis et présentés par H. Bourgeois,

C. Charlemagne, M. L. Gondal. Desclée de Brouwer
Updated on 06 Octobre 2016